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29 mars 2016 03:20
Vous êtes chargée de plaidoyer au sein de PILS. Quel est votre rôle ?
Mon travail consiste à compiler les données, faits et chiffres adéquats afin de constituer des documents solides qui appuient le travail que fait PILS pour encourager les décideurs à adopter les meilleures pratiques sur le plan du VIH/sida, des hépatites et des drogues, entre autres. Je travaille en étroite collaboration avec des alliés et partenaires afin que les recommandations aux parties concernées soient faites sur une base concertée, avertie et selon les remontées et réalités du terrain.
Quelle est l’idée de votre dernière campagne ?
Si PILS a, depuis quelques années, renforcé son plaidoyer sur la question des drogues, c’est au vu de la relation évidente entre la population mauricienne des injecteurs de drogues et l’incidence de l’hépatite C et du VIH. La campagne Eski prizon aret ladrog ?a pour but de soulever des interrogations sur les politiques actuellement en place dans le monde et à Maurice autour des drogues. Ces politiques, inefficaces et dépassées selon PILS, ne considèrent pas suffisamment l’aspect santé dans la question des drogues et se contentent simplement de l’aspect répressif. Considérer la question santé permettrait pourtant un changement de focus efficace pour mieux traiter la question de l’addiction aux drogues et régler les problèmes socio-économiques qui en découlent.
PILS, bien que consciente de la difficulté d’arriver à changer 30 ans de perception erronée sur les drogues en un mois et demi de campagne, espère que celle-ci posera les bases pour une réflexion sur le sujet. L’approche utilisée est-elle la bonne ? La drogue, suivie de l’alcoolisme et du chômage, est perçue par la population comme le principal problème social de la société mauricienne, selon une étude menée par TNS Analysis l’an dernier.
Quelle est la différence entre cette campagne et celles qui ont eu lieu dans le passé ?
C’est la première campagne sur les drogues que mène PILS et c’est la première fois que les bases pour une réflexion sur la question des drogues sont posées. PILS prend désormais position sur la question des drogues au vu de son Plan stratégique nouvellement implémenté (2014-2018). Celui-ci inclut les questions des drogues et des hépatites comme des sujets prioritaires étroitement liés au VIH.
Pouvez-vous nous exposer les grandes lignes de la campagne Eski prizon aret ladrog ?
La campagne se construit autour d’une question posée : Eski prizon aret ladrog ? Le but est d’ouvrir le débat, de partager l’expérience du terrain, le vécu dans nos familles, dans notre entourage. La question centrale ouvre le débat sur d’autres questions : «Le fait de mettre les consommateurs en prison entraîne-t-il une diminution de la consommation des drogues ?», «Si tous les consommateurs de drogues étaient emprisonnés, est-ce que notre pays serait libéré de la drogue ?», «Ne devrions-nous pas plutôt centrer nos ressources sur la prévention de qualité et les traitements ?»
Personne ne peut dire que la question des drogues ne le concerne pas ou n’a aucun effet sur lui. L’étude de TNS Analysis démontre que 6 % des Mauriciens ont déjà consommé de l’héroïne et 24 % du cannabis.
Trente ans de combat contre les drogues se sont surtout traduits par une guerre aux utilisateurs de drogues, avec, entre autres, pour conséquence que le grand public pense que la répression fonctionne. Cette répression a renforcé la stigmatisation envers les personnes qui utilisent les drogues illégales (en 2013, 62 % des personnes qui s’injectaient des drogues ont indiqué s’être vues refuser un service en raison de leurs pratiques), tandis que la peur de l’arrestation est constante chez eux (en 2013, 85 % des personnes qui s’injectaient des drogues avaient déjà été arrêtées).
Davantage d’utilisateurs de drogues qui sont déjà économiquement vulnérables connaissent la prison (8 injecteurs sur 10), réduisant encore plus leurs chances de réintégration sociale car ils sont par la suite, pour beaucoup d’entre eux, dans l’incapacité de trouver un emploi stable du fait de leur casier judiciaire (certificat de caractère).
Parlez-nous de l’initiative derrière PILS Share Your Voice…
PILS Share Your Voice est une page Facebookdédiée à la campagne Eski prizon aret ladrog ?Son but est d’offrir une plateforme de discussion au public sur la question que nous soulevons à travers la campagne. Nous essayons de faire passer le maximum d’informations que nous avons et qui soutiennent notre position sur la question des drogues.
Qu’attendez-vous de l’actuelle commission d’enquête sur les drogues ?
J’ai eu l’opportunité d’assister à plusieurs sessions de la Commission d’enquête sur les drogues lors desquelles des ONG étaient venues déposer leurs déclarations. Ce que j’ai noté était surtout l’insistance des membres de la Commission pour que les représentants de la société civile dénoncent les noms des trafiquants de drogue.
J’attends de la Commission qu’elle réalise que poursuivre la même approche sur la question des drogues que celle qui est utilisée depuis les 30 dernières années n’est pas efficace. J’espère que la Commission constatera que cette approche a aidé à faire monter le taux de VIH et d’hépatite C, ainsi que le taux de criminalité liée aux drogues, et qu’elle observe qu’il y a un besoin d’évaluer si les lois actuelles ont réussi à réduire l’offre et la demande, améliorer la santé publique et le respect des droits humains.
Quel est l’enjeu autour de la prochaine assemblée spéciale des Nations unies ?
L’assemblée spéciale (UNGASS) est la plus haute instance des Nations unies et elle ne s’est pas réunie pour discuter drogues depuis bientôt 20 ans. La dernière UNGASS sur les drogues, en 1998, a vu le lancement du fameux slogan Un monde sans drogues, nous pouvons le faire, avec pour objectif d’éradiquer totalement des drogues illicites. Depuis, la quantité et la variété des drogues n’ont cessé d’augmenter globalement. La Commission on NarcoticDrugs(CND) s’est réunie la semaine dernière à Vienne pour en discuter.
Même si un pays n’est pas membre de la CND, il peut quand même y faire des déclarations et participer aux débats. La CND était la dernière étape avant l’UNGASS sur les drogues en avril. PILS y était, mais le gouvernement mauricien a joué aux grands absents. À ce stade, malgré des requêtes auprès du ministère des Affaires étrangères, nous ne savons pas qui représentera Maurice à l’UNGASS et le gouvernement n’a consulté aucun membre de la société civile. À titre indicatif, à la dernière assemblée spéciale des Nations unies sur le VIH en 2011, la vice-présidente du pays y était. À l’UNGASS sur les drogues en avril, les directions générales de la réponse globale à la question des drogues pour les années à venir seront finalisées et nous espérons que le gouvernement consultera les ONG afin d’y avoir une position moins répressive.
Nudhar Bundhoo est Advocacy Officer au sein de PILS depuis quatre ans. Détentrice d’un Masters in Psychology, Human Resource Management & Psychology de l’Université de Kwazulu-Natal, elle a aussi été Junior Researcher au Human Sciences Research Council.
Quelle actualité locale a retenu votre attention ces derniers temps ?
C’est certainement le remaniement ministériel, comme tout le monde. J’ai aussi pas mal suivi le projet Heritage City proposé par Roshi Badhain.
Et sur le plan international ?
Je suis surtout les débats internationaux sur les drogues. Cette semaine, j’ai lu un article sur le Washington Post, qui faisait état d’un groupe de 22 experts médicaux de l’Université John Hopkins ainsi que le journal The Lancet,le plus ancien journal médical et l’un des plus reconnus, qui appelaient à la décriminalisation de l’usage non-violent et la possession de drogues.
Que lisez-vous actuellement et pourquoi ?
Actuellement, je lis le livre Heaven is for real qui parle d’une histoire vraie d’expérience de mort imminente. J’aime beaucoup les livres basés sur une histoire vraie, cela me permet d’en savoir plus sur des réalités qui ne sont pas les miennes.
Pour le boulot, je lis actuellement la deuxième édition de l’Alternative World Drug Report qui expose les impacts négatifs de la guerre contre les drogues dans le monde et comment les gouvernements n’ont pas pu évaluer les coûts associés à la vision d’un pays sans drogues.
Sinon, chaque soir, c’est Le roi lion etMartineque je lis à ma fille Aisha !
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