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13 octobre 2015 03:53
Qu’est-ce qu’un «coming out» ?
Pour moi, le coming out, c’est comme un dévoilement. On utilise aussi l’expression «sortir du placard» pour définir cette étape qui est très importante dans la vie d’une personne homosexuelle. C’est celle où un gay ou une lesbienne ressent le besoin de divulguer son orientation sexuelle pour ne plus se cacher, pour ne plus vivre avec une étiquette d’hétérosexualité qui n’est pas la sienne. C’est un acte très courageux et de libération, car souvent, ce pas en avant dans la vie d’un gay s’accompagne de moments pas très réjouissants, surtout lorsque le coming out est fait auprès des proches qui, dans la plupart des cas, arrivent difficilement à comprendre.
Qu’est-ce que ces proches n’arrivent pas à comprendre ?
Beaucoup de personnes n’arrivent pas à comprendre qu’un gay est quelqu’un comme les autres, un humain et un citoyen à part entière, mais avec une orientation sexuelle différente. Pour beaucoup, c’est difficile de concevoir que l’amour entre deux personnes du même sexe puisse exister. Pourtant, c’est la réalité de beaucoup de personnes. On ne devient pas gay. On ne choisit pas de devenir un jour gay, on l’est, c’est tout. On naît gay. J’aime aussi dire que nous ne sommes pas différents, mais spéciaux.
La Journée internationale du coming out représente quoi pour vous ?
Elle vient rappeler que l’homosexualité est une réalité qui existe. Qu’une Journée internationale marque cette étape dans la vie d’un gay, démontre toute l’importance de cet acte, qu’elle peut être un élément déclencheur chez certains qui hésitent à franchir le pas. Car vivre cacher n’est pas la solution. Nul ne peut être heureux en vivant dans l’ombre.
Et vous, avez-vous fait votre «coming out» ?
Oui, je l’ai fait. J’avais alors 18 ans. Comme beaucoup de personnes qui vivent ma réalité, je suis passé par plusieurs tourments. Par exemple, des périodes où je devais m’afficher avec des filles juste pour que personnes ne se posent des questions. Pourtant, au fond de moi, je souffrais. J’avais mal parce que je ne pouvais être vrai avec moi-même et avec ceux que j’aime. Il y a aussi ces moments où j’ai été victimes de remarques déplacées et autres commentaires désobligeants. On associe trop de choses négatives à une personne gay. Or, la plupart des choses sont fausses. Un gay a une vie et mène une vie comme tout le monde. Quand on n’est pas bien, quand on souffre et qu’on ne peut compter sur personne, je peux vous dire qu’on peut tomber très bas. J’ai aussi été victime d’un bizutage. J’ai broyé du noir, j’ai fait une dépression, j’ai pensé au suicide et j’ai même atterri à Brown-Séquard.
Pouvez-vous nous raconter cette étape dans votre vie ?
Je l’ai faite par la force des choses. Même si j’y pensais, je n’avais pas prévu de la franchir au moment où j’ai dû tout déballer. C’est une tante qui a tout déclenché. Elle est partie dire à ma mère que je fréquentais des garçons qui étaient homosexuels parce qu’un jour, après une fête, deux amis sont venus dormir à la maison. Avant cela, je n’avais jamais parlé de ma vie, de ma réalité à ma mère et je ne sais pas pour quelle raison elle devait répondre à la tante en question qu’elle était au courant et qu’elle ne voyait aucun mal dans le fait que je sois gay.
Que s’est-il passé après cela ?
Comme j’ai entendu la conversation entre ma mère et ma tante, j’ai été par la suite la voir. J’ai compris très vite que je n’avais pas à la craindre. Ma maman m’a vite fait comprendre qu’il n’y avait pas de problème du fait que je sois homosexuel. Elle m’a dit : «Tu es comme tu es et tu resteras toujours mon fils.» Je me suis alors senti soulagé, heureux, car avec ma mère, on se comprend mutuellement et encore plus maintenant. Je dis toujours que c’est elle ma moitié.
Est-ce que tout le monde est au courant chez vous ?
Je l’ai dit à ma mère, mais je ne me suis jamais senti obligé d’en parler à mon père. Je pense qu’il le sait, mais il ne me pose pas de questions.
Quelle est l’importance de la famille dans ces moments-là ?
Quand on peut être vrai avec tout le monde autour de soi, sans mensonge, sans rien devoir cacher, on se sent soi-même heureux et bien dans sa peau. Auparavant, je devais me faire passer pour quelqu’un que je n’étais pas et, après mon coming out, tout a changé. Certes, tout le monde ne peut pas comprendre, tout le monde ne peut pas accepter ce fait, mais le plus important pour moi aujourd’hui, c’est que les gens qui m’aiment le savent et qu’ils m’acceptent. Pour ceux qui n’acceptent pas, tant pis.
Vous acceptez de parler ouvertement de
votre sexualité et vous avez d’ailleurs été le visage d’une campagne, Le droit d’aimer, le droit d’exister, pour le Collectif-en-Ciel. Pourquoi ce besoin de vous exprimer ?
Tant que je peux faire avancer la cause homosexuelle, je le ferai. C’est une façon pour moi de mettre en lumière une réalité qui existe. Et en parler peut aider à faire réfléchir, mais aussi à éclaircir les malentendus qui existent. C’est aussi pour cette raison que je me suis engagé auprès du collectif. Et l’organisme est là pour faire avancer la cause, mais aussi pour s’assurer que les droits de personne ne soient bafoués. Il faut que les gens comprennent que les homosexuels existent et qu’ils ont des droits comme tout le monde.
Est-ce que, suite à cela, les regards ont changé autour de vous ?
Il y aura toujours des gens qui ne vont jamais comprendre qu’être gay, ce n’est pas un choix et qu’on est comme tout le monde. Puis, ce qu’il faut, c’est savoir s’entourer des bonnes personnes et avancer sans se soucier ou s’attarder sur les méchancetés.
Qu’est-ce qui a changé depuis pour vous ?
Je me sens aujourd’hui en phase avec moi-même et je m’aime comme je suis.
Ça se passe comment dans la tête d’une personne au moment de franchir ce pas ?
La personne recherche surtout, à ce moment-là, une liberté pour ne plus prétendre être ce qu’elle n’est pas.
Est-ce qu’il y a un moment ou une façon de faire son «coming out» ?
Il faut tout simplement se sentir prêt. Certes, c’est un moment difficile et forcément, ça découle sur beaucoup d’autres choses, mais il faut être fort et rester fidèle à soi-même. Dans ce sens, je dois aussi souligner que le collectif est là pour accueillir tous ceux qui veulent se confier et avoir des conseils On est aussi là pour répondre à toutes les questions. Nos locaux se trouvent au 54, avenue des Manguiers, morcellement St-Jean, Quatre-Bornes. Un numéro de téléphone, le 465 4596, est aussi disponible. Notre site Internet est accessible sur le lien suivant : www.collectifarcenciel.org.
Le Coming Out Day, ou la Journée internationale du coming out, a lieu tous les ans le 11 octobre. À cette occasion, gays, lesbiennes et personnes «queers» sont appelés à se montrer publiquement. La tradition du Coming Out Day remonte à la seconde Marche à Washington pour les droits des gays et lesbiennes, qui a eu lieu le 11 octobre 1987. Ce jour-là, 500 000 personnes avaient manifesté à Washington D.C. pour l’égalité des droits des homosexuels et la reconnaissance de l’homosexualité. L’année suivante, à l’occasion de la première Journée internationale du coming out, des milliers de gays et de lesbiennes ont publié leurs noms dans les journaux.
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