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26 janvier 2022 18:01
CHÔMAGE. Avec l’arrivée de la pandémie de Covid-19 et le premier confinement, je me suis retrouvé, comme beaucoup de Mauriciens, au chômage ! Car je suis interprète simultané pour des conférences internationales qui ne pouvaient plus avoir lieu vu que les frontières étaient fermées. Et comme les festivals et concerts en Europe étaient annulés, je n’ai pu aller en tournée avec les groupes mauriciens et africains que je produis. Mais je ne pouvais pas me plaindre car il y avait des gens dans des situations bien pires que moi ; j’avais quand même des réserves pour vivre.
SOCIAL. J’ai donc passé mon temps à faire du social. J’ai aidé Morisyen san Frontyer, une fondation qui, entre autres initiatives, proposait des conseils médicaux gratuits aux gens online. Pour elle, j’ai produit la chanson Pa kosté (Bhai Aboo Corona Remix) avec Claudio. L’idée était d’envoyer plein de messages positifs sur un séga dansant pour encourager les gens durant cette période difficile. Le clip est une animation réalisée par ma fille Kim.
DISTRIBUTION. En puisant dans mes fonds et grâce à des dons, j’ai également, à travers mon mouvement Mo Ti Zil, organisé la distribution de vivres et de repas chauds dans différentes parties de l’île, chez les squatters et dans les quartiers populaires avec priorité aux enfants. Je continue d’ailleurs à le faire de manière plus ciblée car avec l’inflation, beaucoup ont toujours du mal à joindre les deux bouts.
MATERNELLE. Par la suite, comme le confinement a poussé beaucoup de Mauriciens à planter leurs propres légumes, j’ai monté avec une amie un projet d’agriculture bio dans une école maternelle à Petite-Rivière. Le but est d’initier les petits dès le plus jeune âge à l’agriculture bio, en leur apprenant à planter et en les faisant ensuite manger les légumes récoltés pour le déjeuner. Les enfants ont adoré et certains parents et enseignants ont commencé, eux aussi, à créer leur propre petit jardin ou des roof top gardens.
SOLIDARITÉ. Peu après la fin du premier lockdown, le naufrage du Wakashio et sa marée noire ont déclenché un élan incroyable de solidarité et de mauricianisme jamais vu auparavant à Maurice ! Un élan qui avait d’ailleurs commencé à se faire sentir durant le confinement. Mais là, en détruisant la nature, on avait touché le coeur des Mauriciens qui en avaient déjà ras-le-bol de la gestion générale catastrophique du gouvernement. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
ACTION. J’était personnellement impliqué dans ce combat contre la marée noire et j’ai vu à quel point les gens étaient révoltés mais pas seulement. Ils voulaient aussi passer à l’action, être partie prenante du sauvetage du lagon du Sud-Est en venant participer en masse à la fabrication des booms qui devaient servir à empêcher la marée noire de se propager. Une brillante idée lancée par Rezistans ek Alternativ, qui a été améliorée en utilisant une housse cousue d’avance mais toujours remplie de paille de canne. Ces nouveaux booms ont été fabriqués avec l’aide des industries textile, sucrière, touristique et du transport notamment. Malheureusement, le gouvernement a finalement installé des bouées importées qui venaient enfin d’arriver mais qui souvent laissaient passer l’huile lourde !
ÉLAN. Quoi qu’il en soit, tant de choses positives sont sorties de tout ça. La production de ces booms made in Moris a déclenché ce formidable sens du mauricianisme retrouvé, cette belle solidarité au-delà des classes sociales, des religions, des communautés, qu’on a aussi vus par la suite lors des marches pacifiques avec ces milliers de gens descendus dans la rue pour faire entendre leur colère et dire BLD. Pour moi qui milite pour le mauricianisme depuis des décennies, c’était tellement beau et fort. Cet élan citoyen est aussi la plus belle lueur d’espoir qui est née dans cette période sombre que nous vivons sur les plans politique, économique et social. L’autre lueur d’espoir, c’est de voir ce sens de la débrouillardise des Mauriciens, cette ingéniosité dont ils ont fait preuve pour sauver le lagon ainsi que dans d’autres occasions.
RÉVEIL. Les grosses marches pacifiques nous ont montré comment les Mauriciens pouvaient se réveiller, montrer leur force et leur désaccord comme enn sel lepep enn sel nasion envers le gouvernement et la manière dont il avait géré l’affaire Wakashio et bien d’autres scandales ! Nous avons aussi vu la naissance d’une force citoyenne et d’une opposition extraparlementaire. Maintenant, le challenge sera de faire entrer un ou plusieurs de ces citoyens et activistes à l’Assemblée nationale pour amener un vrai changement au plus haut niveau de notre pays.
ÉLECTORAT. La balle est dans le camp de l’électorat qui doit arrêter de voter les partis en bloc ou de manière communale mais choisir des candidats valables qui peuvent vraiment faire une différence au Parlement. Les abstentionnistes, qui représentent en moyenne 30 %, doivent aussi prendre leur responsabilité et voter pour participer à un changement positif pour le pays. Il est temps de mettre fin au règne de ces deux familles qui font la pluie et le beau temps en politique et à Maurice depuis l’Indépendance.
REPRÉSAILLES. Malheureusement, ceux qui osent confronter le gouvernement ouvertement à Maurice subissent de terribles représailles. Par exemple, plusieurs d’entre nous ont été arrêtés lors de mouvements de protestations. Moi-même j’ai été arrêté l’année dernière pour avoir manifesté contre le projet immobilier de luxe de Legend Hill sur les pentes abruptes de la Tourelle de Tamarin. Le CCID m’a aussi convoqué aux Casernes sous de fausses charges mensongères. Cet épisode déprimant a perturbé ma vie familiale. Quoi qu’il en soit, le combat continue. Je ne me laisserai pas intimider.
VISION. En tant que Mauricien sensé et sensible, j’ai une vision, un rêve : que mes petits-enfants et tous les enfants du pays puissent vivre dans une île Maurice meilleure tournée autour de trois pôles. Le premier concerne les énergies renouvelables car notre or, c’est notre soleil. Nous avons tort de ne pas l’utiliser davantage pour produire de l’énergie. On pourrait convertir un quart des champs de canne du pays pour y mettre des panneaux solaires. Le deuxième est l’agro-écologie qui prend en compte les enjeux environnementaux et économiques pour une alimentation saine et accessible à tous.
VIABLE. Le troisième est l’économie circulaire qui consiste à produire de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources ainsi que la production des déchets. Tous ces projets sont certes coûteux à mettre en place mais sur le long-terme, ils seront bénéfiques pour notre île. En plus, ce sont de nouvelles filières qui généreront de l’emploi et sont viables économiquement.
En plus de mon travail de traducteur simultané pour des conférences internationales, je continue avec Mo Ti Zil, mon modeste combat contre la pauvreté, la drogue, l’injustice et d’autres fléaux de société mais aussi pour le mauricianisme et une île Maurice meilleure. Mo Ti Zil est le titre d’une chanson de Kaya, un grand artiste doué et inspiré que j’ai découvert et fait connaître à Maurice et ailleurs. Avec ma société Cyper Produktion où j’officie en tant que directeur artistique, producteur et manager, dès que la situation le permettra, je vais partir en tournée en Europe avec Alostmen, un groupe que j’ai monté et produit au Ghana et qui vient de recevoir, à Londres, le prestigieux Songlines Award du meilleur nouveau groupe de World Music en 2021. En attendant, je vais m’occuper de l’école de ravann que je viens de lancer à Tamarin grâce à un donateur et qui offre des cours gratuits aux enfants.
Après 15 ans passés à l’étranger, notamment en France et en Allemagne d’où est originaire ma femme, quand je suis revenu à Maurice, je n’ai eu de cesse d’agir pour le bien-être de mon pays et de le promouvoir sous d’autres cieux. J’ai aussi été candidat plusieurs fois au no 14 (Savanne/Rivière-Noire) où j’ai toujours obtenu le meilleur résultat possible pour un indépendant, soit en arrivant juste après les six candidats des deux alliances. Sinon, côté vie intime, je suis marié à Katharina et nous avons trois enfants, Kim, 30 ans, artiste, Maila, 28 ans, pâtissière à Las Vegas, et Kenji, 22 ans, passionné de surf et étudiant en génétique à l’University College of London.
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