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20 octobre 2015 17:30
Comment avez-vous appris que vous n’êtes plus à la présidence du Centre Nelson Mandela ?
C’est à travers un ami qui m’a donné un coup de fil et qui m’a donc appris la nouvelle. Il m’a demandé si j’avais vu dans les journaux qu’un chairperson a été nommé au Centre Nelson Mandela. J’ai été choqué. Pour moi, c’est inacceptable d’apprendre une telle nouvelle de la sorte. J’estime que ce n’est pas une façon de faire. Je tiens aussi à dire que, quand il y a eu le changement de gouvernement en décembre dernier – car c’est connu qu’à chaque nouveau gouvernement, ceux et celles qui ont été nommés par le gouvernement sortant doivent partir au moment du changement et c’est une chose à laquelle je n’adhère pas –, je me préparais à partir. D’ailleurs, mon entourage me disait que j’allais bientôt recevoir ma lettre.
Mais j’ai été surpris quand le ministre Baboo m’a donné un coup fil. Ce jour-là, il s’est adressé à moi avec une grande gentillesse, ce que j’ai d’ailleurs fort apprécié. Je trouvais ainsi qu’il faisait montre d’une grande bonté. Je l’avais même qualifié de gentleman. J’ai compris ainsi que je restais. Je suis également parti le voir et la rencontre s’est très bien passée.
Puis, je dois reconnaître qu’il a beaucoup soutenu Jimmy Harmon, le nouveau directeur du centre, et qu’il a aussi beaucoup soutenu le centre.
Quand j’ai appris qu’un nouveau président a été nommé, je n’ai pas été blessé par la décision de me remplacer ; j’ai surtout été déçu. J’avais une grande confiance en le ministre Baboo. Je lui ai même déjà dit mon appréciation de le savoir à ce poste. Or, là, je dois dire haut et fort que ce n’est absolument pas une façon de faire.
Avez-vous parlé au ministre Baboo depuis ?
Non. Mais j’ai reçu un coup de fil du ministre Duval. D’ailleurs, je le rencontre lundi avec le ministre Baboo et le ministre Vishnu Lutchmeenaraidoo. Il sera question de l’engagement dans la lutte contre la pauvreté. Mon but, c’est d’aller de l’avant et la lutte contre la pauvreté est mon cheval de bataille. J’ai 78 ans et ce n’est pas maintenant que je vais dévier de ma route.
Vous restez donc engagé auprès du Centre Nelson Mandela ?
Certainement, je vais continuer mon travail. Voilà plusieurs années, depuis 68, que je mène ma lutte. Mon engagement ne date pas d’hier. Le centre a maintenant un directeur qui fait son travail et c’est tant mieux. Je vais continuer à soutenir l’instance qui fait un travail extraordinaire dans ses différents engagements. Ce n’est pas parce que je ne suis plus président de l’instance que je vais arrêter ma mission. On va travailler pour apporter notre pierre à la lutte contre la pauvreté.
Qu’est-ce qui, selon vous, a subitement provoqué votre départ ?
Selon moi, ce sont mes prises de position. Je ne sais pas fermer ma bouche. Mo koze kare kare. J’ai déjà dit que les descendants d’esclaves ont été discriminés. Certains ministres m’ont reproché d’avoir tenu de tels propos. J’ai appris qu’ils se sont plaints. Je persiste et signe : oui, les créoles sont discriminés. Il y a beaucoup qui souffrent de discrimination et je dois le dire. Qu’aurais-je dû faire ? Rester tranquille ? Les créoles sont discriminés et ce n’est pas que dans le pays et dans le gouvernement, c’est aussi le cas au sein des institutions. Certains ne m’apprécient pas, car ils ne peuvent pas me contrôler. Mais moi, je ne vais pas changer. Je reste fidèle à moi-même. Je vais continuer ma lutte et je ne suis nullement affecté.
Quel bilan faites-vous de vos années à la présidence du centre ?
Je n’ai pas à me glorifier. Je dois juste saluer le travail d’une équipe formidable, d’un staff réduit qui fait un bon travail. Et je leur souhaite de continuer ainsi. La liste des réalisations est longue, mais je suis très content des liens qu’on cultive avec l’ambassade de l’Afrique du Sud. J’ai été très heureux quand le South Africa Day a été célébré au centre à La Tour Koenig. C’était fantastique. On a besoin de ce genre de relation.
Que souhaitez-vous au nouveau président du centre ?
Il m’a appelé et il souhaite me rencontrer. Il vient avec ses convictions, ses motivations et sa façon de faire. Je lui souhaite d’apprendre avec les autres et non pas d’intégrer ses fonctions avec l’objectif de venir dire «fer sa, fer sa». Je lui souhaite donc de continuer le travail commencé. Ces dernières années, nous avons pu placer le centre dans un mouvement mondial. La lutte continue.
Philippe Fanchette est prêtre du diocèse catholique. Concernant son poste à la présidence du Centre Nelson Mandela pour la culture kreol et africaine, il a consacré l’allocation de Rs 24 000 par mois qu’il percevait à un fonds pour les pauvres et des nécessiteux dans le domaine de l’éducation. Il est le promoteur principal de l’utilisation du kreol dans les célébrations de l’église.
Il a acquis une riche expérience au cours de son long séjour en Europe où il a travaillé avec l’INODEP (Ecumenical Institute for the Development of People) à Paris, puis au département de l’éducation des adultes du Conseil œcuménique des Églises. Durant son mandat au sein de ce conseil, il a beaucoup voyagé, plus particulièrement en Amérique du Sud et en Afrique (principalement au Rwanda) et dans l’ex-Yougoslavie.
À Maurice, il a toujours travaillé pour l’élévation des pauvres et des opprimés. Il a écrit de nombreux articles dans les journaux locaux en donnant son point de vue. Durant sa présidence au Centre Nelson Mandela pour la culture kreol et africaine, il a toujours mis en avant sa vision, Anou viv nou Kiltir, et ses objectifs ont toujours été la préservation et la promotion de l’art et de la culture africaine et créole.
Le Centre Nelson Mandela à La Tour Koenig a aidé à inscrire le sega tipik au titre de patrimoine mondial de l’Unesco. L’instance travaille aussi sur la décennie du peuple de descendance africaine, décrété par les Nations unies.
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