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Par Yvonne Stephen
22 mars 2015 17:06
Ça gaze ? Ça pétille ? Ça budgette ? Depuis quelques jours, vous n’entendez parler que de cet important exercice financier : le premier Budget du présent gouvernement. Il n’est question que de relance économique, de stimulation de la croissance et de contexte mondial difficile. Les syndicats, eux, veulent la mise en place du salaire minimal, de meilleures conditions pour les travailleurs. Et les représentants des consommateurs militent en faveur du pouvoir d’achat des Mauriciens. La bande à SAJ s’apprête, elle, à réaliser – si c’est une réussite – une démonstration d’équilibriste afin de maintenir sa popularité tout en ouvrant une nouvelle page économique pour notre île.
Sur la corde raide. Le nouveau ministre des Finances et du développement économique, Vishnu Lutchmeenaraidoo, est attendu au tournant. Il devrait jeter les bases du deuxième miracle économique promis par son alliance lors de la campagne électorale. Le début du changement, c’est pour demain, lundi 23 mars, donc. Youpi ! Vous avez hâte ? Pas forcément. Les trucs politico-financiers, ça ne vous branche pas tant que ça. Ce qui vous intéresse, c’est de savoir comment votre vie va s’améliorer ou empirer. Et vous, que n’attendez-vous pas de cet exercice budgétaire ?
Relisez bien la question avant de vous lancer ! D’ailleurs, nos interlocuteurs ont eu un peu de mal à comprendre le concept. Cette interrogation en a provoqué d’autres. Quand on parle de Budget, on s’attend à parler de ce qu’on… attend. On veut discourir sur ce qu’on souhaite. Pas sur ce qui nous fait un peu peur. Ce qui donne des frissons d’horreur à Manveer Ramdhian, 21 ans, ce serait qu’il y ait plus d’impôts à payer : «Le gouvernement a augmenté les pensions de vieillesse. Mais je pense qu’il y a un prix à payer pour ça.» D’ailleurs, Vishnu Lutchmeenaraidoo a déclaré, cette semaine, qu’«absorber le coût de la hausse de la pension sera difficile». Mais il a précisé : «Il n’y aura aucune taxe punitive.»
Hausse des prix
Le cauchemar des taxes qui augmentent tient éveillé cet habitant de Flic-en-Flac, Marketing Executive et «artiste en free-lance» : «Je redoute que le prix des denrées essentielles, comme la farine et le lait, et celui du gaz ne prennent l’ascenseur.» Les funérailles du pouvoir d’achat seraient une nouvelle catastrophique. Et Agnelle Scipion-Ramdoo, mère de famille, ne veut pas porter le deuil. Cette Curepipienne et enseignante de 27 ans refuse l’idée que la situation empire : «J’ai peur de la hausse des prix et d’une dégradation de la qualité de vie. C’est le contraire que nous attendons.» Dans le meilleur des mondes, elle s’imaginerait faire des courses sans pleurer au moment de payer la facture.
Muazam Irshad Ali Hansye, 22 ans, veut, lui, la majoration de certains prix. Ça énerverait ce Checking Agent à l’aéroport, qui vient de Nouvelle-France, que l’alcool et les cigarettes ne coûtent pas plus cher après le discours budgétaire : «Ce serait une façon d’empêcher les jeunes d’avoir accès à ces produits nocifs.» En toute logique, il n’aura pas besoin de péter un câble. En général, de Budget en Budget, ces produits sont plus coûteux. Sabrina, elle, tente d’envoyer des signaux de fumée à la nouvelle équipe dirigeante pour faire passer un message différent : «Je sais que ça va arriver, que mon budget cigarettes va peser plus lourd, mais on ne sait jamais.»
Luxmi Narayadu Danharry, Diabetes Counsellor de 34 ans, n’est pas sur la même longueur d’onde. Très health conscious (une question de métier), cette habitante de Triolet redoute que le gouvernement Jugnauth ne prenne pas des mesures pour améliorer le système de santé local : «Il y a tellement de choses à faire. Ce serait dommage de ne rien entreprendre.» Elle serait déçue si le ministre des Finances et du développement économique ne tient pas certaines promesses faites lors de la campagne électorale : «Je crains que la mise en pratique des déductions sur les emprunts pour les particuliers et pour les PME ne vienne pas. Le salaire minimal pourrait également n’être qu’un effet d’annonce.»
Chut ! Il ne faut pas prononcer ce terme – salaire minimal – devant Michael Chang, directeur de 49 ans. Cet habitant d’Albion ne voit pas cette mesure d’un bon oeil. L’aspect social de la question n’est pas tout, estime-t-il : «Ce serait un gros souci pour les petites et moyennes entreprises si ce changement devient réalité. Il pourrait y avoir des pertes d’emploi.» Nombreux sont les employeurs qui tiennent le même discours. De quoi faire reculer Vishnu Lutchmeenaraidoo ? Réponse demain. Néanmoins, lors des consultations entre les syndicats et le Grand argentier, cette semaine, la question n’a pas vraiment été abordée.
Coup de maître
Le spectre du chômage plane sur cet exercice budgétaire. Pour réussir un coup de maître, Vishnu Lutchmeenaraidoo devra sortir du boulot de son attaché-case ! Et si Pravind Jugnauth a annoncé la création d’une nouvelle cybercité et, par conséquent, de 20 000 emplois, Muazam Irshad Ali Hansye ne veut pas que des effets d’annonce : «Des emplois, mais que dans le domaine de l’informatique ? Ce serait dommage qu’il n’y ait pas de création de jobs dans d’autres domaines tels que les relations internationales et la diplomatie.» Du boulot rien que pour les geeks ? Un scénario de fin du monde pour le jeune homme.
Question mise en scène, Emmanuel Babet, 23 ans et employé dans la communication, angoisse en attendant un rebondissement de taille : «Je crains de ne rien voir ! Que ceux qui sont au pouvoir ne fassent rien, qu’ils prennent de l’argent sans apporter de réels changements.» Qu’ils mettent de côté des dossiers prioritaires – la lutte contre le gaspillage, le rehaussement des infrastructures pour faire face aux catastrophes naturelles et l’amélioration des conditions de vie – pour tout simplement «jouir» du pouvoir, confie cet habitant de Beau-Bassin.
Le titre de son film : un éternel recommencement. Mais le gouvernement Jugnauth peut provoquer la surprise. Alors ça gazera et ça pétillera.
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