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Présumé membre du Gang du Sud : Vishal Shibchurn, entre règlement de comptes, fusillade et arrestations

28 juin 2016

Le pompier Shibchurn cumule les arrestations pour divers délits criminels. Il y a une semaine, des coups de feu ont été tirés sur sa maison.

Sonhistoire ressemble à un film d’action. Vishal Shibchurn, un habitant de St-Hubert suspendu de son poste de pompier, collectionne les arrestations. Les dernières en date sont pour l’agression d’Aslam Noursing qui a eu les poignets sectionnés en mars, une autre agression avec préméditation en 2014 et une histoire d’association de malfaiteurs en 2015. Mais il n’a été appréhendé pour ces deux cas que le 2 juin.

 

La police le soupçonne de faire partie du gang - aussi connu comme le Gang du Sud - qui a saccagé la maison des Adrien à St-Hilaire et agressé Véronique Adrien à coups de sabre, la rendant infirme d’une main. Celle-ci l’a formellement identifié. Vishal Shibchurn, en liberté conditionnelle, nie être mêlé à cette affaire, tout comme il réfute catégoriquement avoir participé à l’agression d’Aslam Noursing et d’autres délits pour lesquels il a été arrêté jusqu’ici. Sa maison avait aussi été fouillée le 7 juin dans le cadre des coups de feu tirés sur l’ambassade de France. Ce, parce qu’il avait déjà été arrêté dans le passé pour le vol d’un fusil de chasse. Au final, rien n’avait été trouvé

 

Mais comment fait-il pour toujours avoir des ennuis avec la police ? Pour lui, la réponse est simple : ce sont son «franc-parler»et sa «grande gueule»qui lui valent tous ces tracas. Les arrestations dont il est victime, dit-il, ne sont que le fruit de la jalousie et de la vengeance de personnes qui voudraient lui faire porter le chapeau pour des délits qu’il n’aurait pas commis. D’ailleurs, on ne l’aimerait tellement pas qu’on s’en est pris à lui à coups de fusil le 19 juin. Ce jour-là, des individus ont ouvert le feu sur sa maison à deux reprises. Des bal fanequi ont fait pas mal de dégâts. Mais personne n’a été blessé. Pour Vishal Shibchurn, ses présumés agresseurs sont tout désignés : ce sont Nicolas Adrien, l’époux de Véronique, qui a été arrêté en début de semaine et qui fait l’objet d’une charge provisoire de «using a firearm to endanger life»,et son frère Jean-Patrick a, lui, été arrêté le vendredi 24 juin pour «aiding & abetting in a commission of a crime». Les deux nient les accusations portées contre eux et parlent de coup monté. Un autre complice est toujours wanteddans cette affaire (voir la version de Véronique Adrien en hors-texte).

 

Agression au scalpel

 

Ses ennuis avec cette famille remontent, dit-il, à 2014. Il était, dit-il, en «bons termes»avec les Adrien, des habitants de St-Hilaire, mais tout aurait changé après l’agression de son frère Ravi en 2014. «Nicolas avait tailladé mon frère avec un scalpel suite à un différend. Il n’y a eu aucune arrestation dans cette affaire à ce jour.»

 

Par contre, lui, a été arrêté le 2 juin pour avoir agressé Véronique Adrien en 2014 et saccagé sa maison en 2015. Une injustice, clame-t-il. «Zot pas pu sin alor ki zot bann trafikan. Akoz sa fami la monn sispan», argue Vishal. Deux de ses amis ont aussi été arrêtés pour la saccage de la maison des Adrien : Raju Veerasamy, un maçon de 34 ans, habitant Cité St Hilaire, et Sandiren Kathan, un vigile de 30 ans, habitant Rivière-des-Créoles. Ils sont tous membresde l’association Hindu Shakti Sena (HSS).

 

Véronique Adrien, de son côté, réfute l’allégation selon laquelle son époux mouillerait dans le trafic de drogue, mais reconnaît qu’il est fiché à la police : «Li ena buku case koup dimunn avan nu mariaz me li pa enn trafikan.»Une chose est sûre, poursuit-elle, c’est qu’elle a perdu la mobilité d’une main suite à une agression au sabre en octobre 2014. L’agresseur, assure-t-elle, ne serait autre que Vishal Shibchurn.

 

Sabrée à la main

 

Cela se serait produit un mois après l’agression de son frère Ravi. Véronique et son époux revenaient d’une partie de chasse à moto lorsqu’un gang de 20 à 25 personnes armées de sabres leur a barré la route par surprise à proximité de Mare-Chicose. Véronique a ensuite reçu des coups de sabre à la main et au pied gauche. Elle dira à la police avoir reconnu le pompier Shibchurn, mais ce dernier ne sera pas inquiété.

 

Le 6 décembre 2015, un gang armé saccage la maison des Adrien après un différend avec un voisin, membre de la HSS. La famille soupçonne toujours Vishal Shibchurn et ses amis, mais là aussi la police ne procède à aucune arrestation. Ce n’est que le 2 juin 2016 que Vishal et ses acolytes sont arrêtés pour l’agression et le saccage de la maison du couple Adrien. 

 

Auparavant, le pompier avait été arrêté pour d’autres affaires. L’une d’elles est une affaire de menaces de mort. Jean-Claude Adrien, l’oncle de Nicolas, avait consigné une déposition dans laquelle il alléguait que Vishal avait menacé de le tuer avec un revolver alors qu’il se trouvait au marché de Mahébourg où Anju, l’épouse du pompier, tient un étal après son licenciement d’Airmates. En mars de cette année, c’est pour l’agression d’Aslam Noursing qu’il a été arrêté.

 

«Brutalisé par la police»

 

Son arrestation dans cette affaire est, selon ses dires, «une autre injustice»commise à son égard : «Je ne connais pas cette personne et je n’ai rien à voir avec cette agression. La police m’a arrêté avant même de recueillir la déposition de la victime. La façon dont l’enquête est menée est déplorable. Il n’y a aucune preuve scientifique contre moi et aucune preuve de ma présence sur les lieux de l’agression.Deux policiers m’ont tabassé. J’ai porté plainte à la National Human Rights Commission.»

 

Dans cette affaire, trois autres amis à lui avaient aussi été arrêtés. Eux aussi sont membres de la HSS. Mais Vishal Shibchurn, l’auditeur de cette association dirigée par Jeetun Simadu, un habitant de La Flora, assure que ni celle-ci, ni lui n’ont quoi que ce soit à voir avec les délits cités. «Nu grup pa kominal. Nu pronn lape sosial. Nu krwar dan enn Moris kot fer bon viv ek osi enn landemin meyer pu nu bann zanfan. Nu angaze buku dan la priyer. Nu fer osi bann kolekt disan ek bann don pou bann dimunn ki viktim inondasion», explique Vishal Shibchurn.

 

Les agissements de la HSS –  née  en 2015 et autour de laquelle gravitent d’autres associations comme Power of Hindu, Mahaakal, Narsimhaa, Hindu Youth Council Océan Indien, Hindu Youth Council – ne plaisent cependant pas à tout le monde. Le fait que ses membres collectionnent les frasques et font des démonstrations de force en public constitue, pour beaucoup, une grave anomalie. Vishal Shibchurn, lui, persiste et signe : l’association fait du social et lui-même est un travailleur social. «Je suis un travailleur social. Je suis aussi un battant. J’ai hérité de ce trait de caractère de mon père. Renoncer ne fait pas partie de mon vocabulaire. Mon père me l’a appris depuis mon enfance. Il m’a également montré comment avoir un mental de fer pour faire face aux difficultés de la vie», martèle-t-il.

 

VOH et politique

 

C’est à l’âge de 15 ans, dit-il, qu’il fait ses débuts dans le social. À l’époque, il fréquentait le collège Hamilton à Mahébourg et organisait souvent des autobus pour permettre aux habitants de sa localité de se rendre à diverses séances de prières. En 1997, il intègre la fonction publique en tant que sapeur-pompier avec «zis enn School Certificate». Parallèlement, il continue «à faire du social». Son influence sur le terrain l’amène aussi à côtoyer très souvent les dirigeants de la Voice of Hindu qu’il rencontre chaque mardi à Quatre-Bornes lors des réunions hebdomadaires de toutes les cellules du pays.

 

Il côtoie aussi des politiciens. Vishal Shibchurn intègre ainsi le bureau régional du MSM de sa circonscription, soit le
no 11. Il siège également sur le Comité central du parti Soleil. Après les élections générales de 2014, sa fidélité aux Oranges est récompensée par un poste de conseiller sur le comité directoire d’un corps paraétatique. «Mo bien pros ek bolom SAJ. Mo invit li vinn dir le kontrer. Monn perdi 24 an mo lavi dan politik», précise-t-il. En octobre 2015, il décide toutefois de claquer la porte du MSM. Vishal Shibchurn refuse de s’étaler sur sa rupture avec la VOH ainsi qu’avec le MSM pour ne pas embarrasser, dit-il, le pouvoir en place. Il se dit très proche d’un ministre qu’il connaît depuis l’enfance et de plusieurs députés du MSM. Malgré son départ du parti en 2015, il garde son poste de conseiller de corps paraétatique. Mais en mars 2016, il est renvoyé après son arrestation pour l’agression barbare d’Aslam Noursing.

 

Aujourd’hui, Vishal Shibchurn envisage d’organiser une marche pacifique pour dénoncer les «injustices»dont il est victime et de poursuivre la police et tous ceux qui l’auraient diffamé pour «rétablir (son) honneur».

 


 

Des «bal fane» utilisées lors de la fusillade

 

Tout laisse croire que celui qui a fait feu à deux reprises au domicile de Vishal Shibchurn a utilisé un fusil de chasse et deux balles de calibre 12, soit des chevrotines plus connues comme «bal fane». Les faits se sont produits vers 1h10, le dimanche 19 juin. La première balle a touché la porte d’entrée. Les impacts des pellettes de plomb sont très visibles sur la porte en question, de même que sur la branche d’un manguier atteint par ricochet. Le second coup a été tiré sur la cuisine. L’impact est visible sur la vitre d’une fenêtre. Les pellettes ont aussi touché un pan du mur à l’intérieur, de même que le frigo des Shibchurn.

 

Cette attaque au fusil de chasse s’est passée très vite, explique Vishal Shibchurn. «J’ai le sommeil léger. J’ai été réveillé par le bruit du tuyau d’échappement d’une moto. J’ai consulté Facebookavant de quitter mon lit. En même temps, un de mes chiens s’est mis à aboyer de façon inhabituelle. J’habite au premier étage et j’ai une vue directe sur la rue. Je me suis rendu dans la cuisine pour voir ce qui se passait. Ma cour est bien éclairée par un pylône électrique, ce qui m’a permis de bien voir le visage de cette personne que je connais. Il portait un short.»

 

Le pompier a pensé que l’intrus allait s’enfuir, mais c’était une erreur : «J’ai vu deux autres individus. Je connais très bien l’un d’eux. Nous nous sommes regardés pendant 10 à 15 secondes. Le premier coup est ensuite parti, suivi d’un deuxième peu après. Lorsque j’ai vu le fusil, j’ai couru vers la cuisine et je me suis jeté à terre. Nicolas Adrien tenait l’arme à feu. Celui qui portait un short était son frère Jean-Patrick. Le troisième m’est inconnu. Mais je peux le reconnaître si je le revois.»

 

Les deux détonations ont réveillé son épouse Anju et son fils de 15 ans. «Je leur ai demandé de rester cachés dans le couloir. J’ai mis quelques secondes à reprendre mes esprits. J’ai eu un black-out. J’ai ensuite téléphoné à la police. Des policiers sont arrivés quelques minutes plus tard et ont fait une battue. Ils n’ont rien trouvé car les trois avaient déjà pris la fuite dans une voiture blanche», précise Vishal Shibchurn.

 


 

Véronique : «Notre famille est victime d’un coup monté»

 

Elle est catégorique : «Notre famille est victime d’un coup monté.»C’est ainsi que Véronique Adrien parle de l’arrestation de son époux Nicolas après la fusillade chez Vishal Shibchurn ; quelqu’un qu’elle connaît très bien. La jeune femme affirme que son époux était à la maison avec elle et ses enfants cette nuit-là : «Il est rentré vers 21 heures après une sortie avec des amis. Puis, il est allé chercher une cigarette chez un voisin avant de se mettre au lit.»Pour Véronique Adrien, il s’agit d’une vendetta : «Sa misie pompier la pe pous vanzans ar nu parski li fek sorti lor kosion dan case li ti bat mwa kout sab ek osi kraz nu lakaz.»

 

La jeune femme, blessée à la main, et son époux Nicolas montrant les panneaux vitrés saccagés de leur maison.

 

Véronique Adrien est révoltée contre la police : «Eski la polis in gagn bal dan la cour sa misie la ? Li ti dir sa inn pass vit. Ki vites mo mari inn tir kout bal ek ramas douy vid avan sove ? Mo mari pena fizi. La polis inn pran so linz pu analize me pann truv okenn tras la poud fizi lor la. Li kler ki pompier la pe pous vanzans.» La jeune femme réfute catégoriquement les allégations de Vishal Shibchurn selon lesquelles son époux serait un trafiquant de drogue : «Il collectionne des cas d’agression, mais n’a jamais été arrêté pour des affaires de drogue.Ou truv trafikan la drog res dan lakaz tol defonse partou ou ? Nu ti bizin res dan enn sato si vremem nu ti fer trafik.»

 

 

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