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12 juin 2023 16:12
Au cœur du silence, un air de violoncelle. La mélodie transporte et donne des frissons, conférant à l'instant un cachet solennel. Les notes du Chant des Oiseaux virevoltent, touchent et arrachent des larmes. Têtes baissées, ceux rassemblés en ce lundi 5 juin devant la Cour d’assises des mineurs de l’Oise, à Beauvais, en France, pour l’ouverture du procès suivant l’assassinat de Shaïna Hansye il y a quatre ans, pensent immanquablement à la jeune fille, d'origine mauricienne, arrachée violemment à la vie le 25 octobre 2019, à Creil, dans l'Oise, alors qu'elle n'avait que 15 ans.
Les circonstances de son décès hantent encore les esprits : coups de couteau, aspersion d'essence, mise à feu... Une fin atroce pour une adolescente, enceinte de surcroît, et qui, avant son assassinat, avait connu une succession d'autres malheurs. Deux ans plus tôt, elle avait été entraînée dans une clinique désaffectée par son petit ami d'alors et deux autres hommes avant d’être agressée sexuellement en réunion. Elle avait également été filmée par ses agresseurs et les images avaient, par la suite, été diffusées sur le Net, ce qui avait valu à l'adolescente – qui avait aussi été victime de harcèlement et d'un passage à tabac (pour avoir porté plainte) – un «dénigrement grandissant».
Sur les visages de ceux présents en solidarité avec la famille affectée, en ce lundi devant la Cour d’assises des mineurs, de la sympathie pour les parents de la jeune victime, Parveen et Shakill Hansye, et aussi pour son frère aîné Yasin, qui n'ont cessé de se battre pour que ce crime ne reste pas impuni. Sur les banderoles et autres pancartes, des messages d'amour et de soutien s’affichent : «Justice pour Shaïna» ou encore «Repose en paix Shaïna, on ne t'oubliera jamais»...
Depuis le drame, pas un jour, pas une nuit ne se sont écoulés sans que les Hansye ne remuent ciel et terre pour que l’horrible décès de Shaïna ne tombe pas dans l'oubli. Et durant une semaine, du 5 au 9 juin, la famille a vécu au rythme du procès à huis clos, comme tous ceux qui partagent sa douleur. Cinq jours intenses à tout écouter, encore et encore, sur les circonstances de la mort de Shaïna.
Et ce vendredi 9 juin, après une semaine éprouvante pour la famille et quatre longues années d'attente, l’heure de la justice a sonné : l’ex-petit ami de la victime, aujourd'hui âgé de 20 ans, a été condamné à une peine de 18 ans de réclusion criminelle. Une peine qui n’a toutefois pas satisfait les parents. Le père de Shaïna a déclaré à l’AFP être «déçu de la justice» et du côté de la défense, à ce samedi 10 juin, il était encore «trop tôt», selon les médias français, pour se prononcer sur un appel.
De Maurice, Swaleyha et Abdool Raouf Heerah, les grands-parents de Shaïna, n'ont raté aucune information touchant de près ou de loin au procès et au verdict qui était très attendu. «Nous sommes en contact avec la famille là-bas et nous avons appris le verdict aux petites heures du matin ce samedi. La mort tragique de notre petite fille a bouleversé notre vie à jamais. Elle laisse un grand vide dans notre existence. Nous sommes très affectés. Ce procès a été un moment pénible pour toute la famille. Ça n'a pas été facile du tout. Shaïna nous manque beaucoup. Il était temps que le coupable paie pour que notre petite-fille puisse reposer un paix», nous confient ces grands-parents meurtris. «Elle avait été privée de son enfance», nous avait, pour sa part, déclaré Parveen Hansye, la maman de la victime, en parlant de sa défunte fille dans une interview accordée à 5-Plus en 2022.
En France et plus loin, comme à Maurice, l'histoire de l'adolescente et la façon dont elle a été tuée ont choqué, troublé et bouleversé plus d'un. Selon les enquêtes, elle aurait été amoureuse de celui qui lui avait donné rendez-vous dans le cabanon des jardins familiaux de Creil, un endroit où ils avaient l'habitude de se retrouver. C'est à ce moment-là que le jeune homme lui aurait asséné plusieurs coups de couteau avant d'asperger son corps d'essence et d’y mettre le feu alors qu’elle était encore vivante. Un crime odieux qui a non seulement mis fin à sa jeune existence mais a aussi stoppé celle de sa famille.
«Franchement, on n'a plus de vie», a déclaré Yasin Hansye au Parisien devant la Cour d’assises des mineurs. Depuis que la famille a appris l'horrible nouvelle du décès de Shaïna, tout tourne, pour elle, autour du drame. Yasin avait à cœur, cette semaine, de rassembler tous ceux qui voulaient rendre hommage à sa défunte soeur. Car depuis 2019, cette horrible tragédie résonne encore et encore dans la mémoire de l'entourage de la jeune victime. Ce qui a été encore plus le cas durant la semaine écoulée, avec le procès menant au verdict.
L'affaire qui a fait l'objet d'une très grande attention médiatique, avec l'accusé qui n'a cessé de contester les faits qui lui sont reprochés, ne laisse pas insensibles les habitants de Creil, qui, depuis la terrible découverte, n'ont pas arrêté de montrer de la compassion à la famille endeuillée, comme tous ces autres, anonymes, journalistes ou personnes connues, qui condamnent sans réserve la violence sous toutes ses formes. Geeta Sabita Ajodha, une compatriote de Creil, est parmi ceux qui ont été très touchés par cette triste histoire et ont suivi de près tout ce qu’il y a eu ensuite. «On ne peut pas oublier ce drame. On avait même fait une marche en hommage à Shaïna à l'époque. Nous avons été touchés et nous sommes toujours sous le choc de ce drame», nous confie la Mauricienne établie en France.
À Maurice également, ceux et celles qui connaissent la victime et sa famille ont été très attentifs à l'évolution du procès. Lynn Wenda Khodabocus en fait partie. Difficile pour elle de retenir ses larmes au moment de nous donner son témoignage. «Nous connaissons Shaïna et sa famille. Nous sommes amis. Et Shaïna est venue à Maurice en vacances et a passé du bon temps avec nous avant de repartir en France et de se faire tuer. Toute la famille est très triste et se sent encore triste pour elle, on ne peut pas croire qu’elle ait perdu la vie ainsi. Elle était très gentille, polie et respectueuse avec nous tous. Elle était très brillante et était certainement, pour nous, une bonne fille. C'est dur pour sa famille et pour tous ceux qui l'ont connue. J'espère que sa famille sera un jour en paix et j'espère qu'elle est au paradis et que son âme peut reposer en paix. Tous ceux qui connaissent Shaina voulaient que justice lui soit rendue. Aucune fille dans ce monde ne mérite de mourir de cette façon ou de n'importe quel type de mort atroce. Dieu est le seul à donner la vie et à la prendre, personne d'autre n'est autorisé à le faire», nous confie Lynn Wenda Khodabocus en partageant avec nous une photo de Shaïna prise à Vacoas lors de sa dernière visite à Maurice peu avant son assassinat.
Depuis quatre ans, le grand frère de Shaïna n'a, lui, jamais baissé les bras dans sa quête de justice. Dans les journaux comme sur les plateaux de télévision, Yasin Hansye raconte toujours avec une grande émotion le calvaire qu'a vécu sa petite sœur et celui que vit aujourd'hui sa famille. Car ces dernières années, pour les Hansye, il a été question de deux affaires, deux cauchemars... Une épreuve en plusieurs volets. La première : l'agression en réunion. La deuxième : l’assassinat qui a, à nouveau, fait la Une des journaux en France cette semaine. Avant le procès tant attendu, Shakill, Parveen et Yasin avaient affronté une précédente difficile épreuve le 1er juin, quand le tribunal pour enfants d'Amiens avait rendu son jugement dans l'affaire de l'agression dont Shaïna avait été victime quand elle avait 13 ans. Les trois hommes qui l’avaient agressée sexuellement en réunion à Creil en 2017 ont été condamnés en appel à des peines plus lourdes qu'en première instance.
C'est avec beaucoup de courage que Yasin a, encore une fois, raconté le drame que vit sa famille dans l'émission Sept à Huit diffusée sur TF1 le dimanche 4 juin. «Elle a été forte quand même», a-t-il souligné lorsqu'il est revenu sur tout ce que sa sœur avait vécu entre sa première agression, l'exposition sur un réseau social, un changement de collège pour la préserver ou encore l'étiquette «de fille facile» qui lui avait été attribuée malgré elle et qui a mené, selon certaines voix proches de l'affaire, à son assassinat. Entre autres épreuves…
«Ça me fait du bien de parler d'elle. Il ne me reste que ça, des souvenirs», a également confié le jeune homme d'origine mauricienne à la journaliste. Qualifiée «d'acte de barbarie», «révélatrice d'une extrême violence dans notre société», ou encore d’affaire qui est «plus qu'un fait divers mais un fait de société», l'histoire de Shaïna ne peut qu’interpeller et faire réfléchir.
Et le verdict de ce vendredi 9 juin restera à jamais gravé dans la mémoire, mais aussi dans le cœur de tous les membres de la famille Hansye qui ne cachent pas qu'ils pleureront à jamais Shaïna, arrachée trop tôt et trop brutalement à la vie...
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