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1 mars 2023 16:57
La douleur est toujours présente et lancinante. Il suffit d'écouter parler Rudy Allas pour le comprendre. Il y pense encore et encore. À cet horrible drame qui a bouleversé sa vie à jamais. C'était dans la nuit du 4 au 5 février 2019. La terrible scène se déroule en France, dans un immeuble ancien de huit étages dans le fond d'une cour de la rue Erlanger, dans le XVIe, à Paris. En quelques minutes, après qu'un incendie a éclaté, des fumées toxiques et des flammes ont envahi les huit étages de l'immeuble difficile d'accès pour les secours, piégeant de nombreux habitants dans leur appartement.
Entre vives émotions, sanglots et larmes, ces derniers jours ont été très difficiles à vivre pour Rudy Allas. Depuis le 5 février et jusqu’à ce jeudi 23 février a eu lieu le procès suivant l'incendie le plus meurtrier à Paris depuis 2005 et dans lequel ont péri 10 personnes. Parmi, son fils Adel, 16 ans, et la mère de ce dernier, son ex-épouse Revena Hollandais-Allas, âgée de 37 ans.
Dans cette affaire qui avait fait la Une de tous les médias français à l'époque et qui a également occupé l'actualité ces derniers jours, le temps du procès, Essia Boularès, l'accusée, âgée de 44 ans, avait admis avoir mis le feu à l'immeuble. Souffrant d’addictions et d’importants troubles psychiatriques, elle avait déclaré que c'est après un différend avec un voisin qu'elle est passée à l'acte. Par contre, elle assure n'avoir pas eu conscience des conséquences que son geste pouvait provoquer et affirme qu'elle n'était «pas dans son état normal». En cour, les avocats des victimes avaient, eux, appelé le jury à «rendre une justice à la hauteur de leurs souffrances» et à protéger la société «de manière durable et efficace» des actes d'Essia Boularès.
Au 14e jour d'un éprouvant procès, la Cour d'assises de Paris a rendu son verdict ce jeudi 23 février et l’accusée a été condamnée à 25 ans de prison avec une période de sûreté des deux-tiers. Après plus de six heures de délibéré, le président de la cour, Franck Zientara, a justifié cette peine par «l’extrême gravité des faits». Un verdict qui, toutefois, ne convainc nullement Rudy Allas. «25 ans, ce n'est pas assez... Elle devrait être condamnée à vie», nous confie-t-il, peu de temps après l'annonce du verdict.
Le procès a été un moment pénible pour tous les proches des victimes. D'ailleurs, les derniers mots insoutenables d'une victime à sa mère, lus en cour, ont plongé la salle d'audience dans la sidération. «C'est pas grave maman... C'est fini... Je prends feu...» Ces derniers mots d'Adèle, 31 ans, qui habitait au huitième et dernier étage de l'immeuble, ont bouleversé l'assistance.
Ce déchirement dans le coeur, Rudy Allas, un habitant de Curepipe, le ressent au quotidien. Le courrier dans lequel il exprime ses sentiments et son état d'esprit, et qui a été lu durant le procès, a aussi bouleversé plus d'un. «Ce fut un moment d’émotion et de tristesse extrêmement intense pour tous ceux présents», nous confie Sandy Christ Bhaganooa, l'un des deux avocats qui représentaient Rudy Allas et ses proches. En effet, en France, la famille est soutenue par le cabinet LCMB et Associés, notamment les avocats Kevin Ladouceur et Sandy Christ Bhaganooa, tous deux Mauriciens.
Tout au long du procès, Rudy Allas n'a rien raté de ce qui se passait en cour d'assises via ses hommes de loi. «Je suis très affecté par ce drame. Perdre mon ex-épouse et mon fils n'a pas été facile. Bien que nous étions divorcés, nous avions une bonne entente et elle m'aimait encore, bien que la vie n'ait pas toujours été rose. Comme tous les couples, on avait nos petits problèmes. Mais elle m'aimait encore. C'est ce que j'ai appris à travers un très bon ami qu'on a en commun. Mais j'ai accepté sa décision sans rien dire. On était des parents qui voulions le meilleur pour notre enfant», nous confie l'homme meurtri.
À l'époque, les médias français avaient décrit Revena Hollandais-Allas comme «une mère très attentionnée. Une vraie battante» et Adel Allas comme «un jeune garçon très gentil, toujours souriant, amical, très proche de sa maman et qui adorait l'île Maurice».
Si l'affaire en cour a ravivé les tristes souvenirs, pas un jour ne passe sans que Rudy Allas ne pense à Revena et Adel. «Leur disparition est pour moi et notre famille très dure à accepter. Je pense tous les jours à eux. Je n'arrive même pas à dormir le soir. J'y pense même quand je suis au travail», poursuit celui qui a suivi avec attention l'audience. «J'ai de la colère envers la femme qui m'a pris tout qui ce qui était cher à mes yeux. Mon âme est meurtrie. Je me sens seul dans ce monde depuis leur départ si douloureux. Adel était mon fils unique. Il était si doux, si gentil. Il était un ange. Rien que de parler de lui me met dans tous mes états. Je n'arrive même pas à retenir mes larmes. C'est trop dur. Même si la justice a fait son travail, ça ne va pas me retourner mon Adel, ma chair, mon tout...»
Rudy Allas pense également, dit-il, aux autres personnes, à ces familles qui souffrent comme lui dans le cadre de cette affaire : «Je souhaite beaucoup de courage à tous ceux et celles qui sont affectés par ce drame. Que Dieu nous donne du courage parce que c'est très difficile.»
Christiana Hollandais, la grande soeur de Revena, est aussi terriblement bouleversée d'avoir à nouveau vécu le drame à travers le procès. «Pour notre famille, c'est quelque chose d'inoubliable. La souffrance et la tristesse sont toujours là. C'est trop dur. À chaque fois que je vois leurs photos sur le Net, mes yeux se remplissent de larmes. À la maison, j'ai ramassé toutes les photos de ma soeur et de son fils dans l'armoire car ma mère est toujours triste en les voyant», nous confie Christiana Hollandais, très émue.
Une autre proche de Rudy Allas, sa belle-soeur, raconte également comment le tragique décès de Revena et de son fils a marqué les esprits dans la famille. «Il n'y a pas un jour où on ne pense pas à eux... Leur perte reste gravée. On se demande souvent si c'est réel, si c'est vraiment arrivé», témoigne Jessica Henry Allas qui, comme d'autres membres de la famille, pleure toujours Revena et Adel, deux malheureuses victimes, parmi huit autres, de l’un des incendies les plus meurtriers de Paris...
Le procès a apporté plusieurs éléments de réponses autour du décès de Revena Hollandais-Allas et de son fils Adel. Ainsi, dans la déposition à la barre du voisin de palier de Revena et d'Adel, il ressort qu'il «a entendu Revena crier dans un premier temps, et quelques minutes plus tard, Adel est sorti de l’appartement pour se défenestrer du 6e étage. La chute l'a tué sur le coup». Selon le témoignage recueilli, «Adel a donc vu sa mère mourir devant lui, et ce n’est qu’ensuite qu’il s’est défenestré. Il a été traumatisé de voir mourir sa mère dans de telles circonstances et il ne voulait pas subir le même sort. Déboussolé et traumatisé, il s’est jeté dans le vide».
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