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12 juin 2023 16:04
Une démolition et puis… du vert. En tout cas, l’annonce de la démolition du bâtiment Emmanuel Anquetil (qui regroupe plusieurs ministères ainsi que le Registrar, entre autres bureaux) pour laisser place à une mini-forêt n’a pas laissé insensible. Une annonce faite dans le Budget Speech du 2 juin par le ministre des Finances Renganaden Padayachy.
Le jeudi 8 juillet, la PNQ était axée autour de cette mesure, avec des éclaircissements venant du ministre de l’Infrastructure nationale, Bobby Hurreeram. Il a déclaré que c’est un comité ministériel, présidé par le Premier ministre Pravind Jugnauth, qui décidera du sort du bâtiment. Bobby Hurreeram était interrogé par le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, qui a qualifié, pour sa part, cette mesure de «mauvaise blague», «faite sur un coup de tête», avant d'ajouter par la suite : «Vous, en tant que ministre, avez décidé de démolir un bâtiment qui peut être encore en bon état, sans connaître le coût de la construction d’un nouveau bâtiment, ni l’effet écologique de la démolition sur les environs, ni l’endroit où les occupants du bâtiment seront déplacés.»
À la question du leader de l’opposition sur les millions de roupies déjà injectées dans l’entretien du bâtiment, Hurreeram a précisé que la démolition n’est pas pour maintenant et que «ce ne sera que dans quelques années financières qu’un nouveau bâtiment sera construit et les occupants relogés».
Beaucoup d’autres sont sceptiques concernant cette mesure budgétaire. Roshi Badhain, en conférence de presse le vendredi 9 juillet, a brièvement commenté celle-ci : «Il y a des annonces farfelues dans ce Budget, comme ce projet de démolir l’Emmanuel Anquetil Building pour en faire une forêt. Chaque fois que je passe devant le bâtiment, je me dis : mais comment vont-ils s’y prendre ? Ça n’a aucun sens !» L’écologiste Adi Teelock est, pour sa part, bien remontée : «C’est encore une de ces mesures avec effet d’annonces. C’est du greenwashing, le gouvernement ne peut pas venir parler de projet de mini-forêt, alors que nous voyons qu'il va souvent dans l’autre sens, comme on le voit en ce moment avec le projet de Smart City de Roches-Noires, et pour d’autres projets qui ne prennent pas en compte l’aspect écologique. C’est comme l’autre mesure budgétaire qui parle de la plantation d’un million d’arbres. On nous a déjà annoncé la plantation d’arbres dans des précédents budgets, mais où en est-on ? Où sont les arbres en question ?»
Si plusieurs tombent des nues face à l’annonce de ce projet de démolition, qu’en est-il des experts en urbanisme ? Nous avons ainsi demandé à Zaheer Allam, Urban Strategist (tout ce qui a trait à la planification urbaine), son point de vue sur ce projet qui va plus dans le sens d’une rénovation du bâtiment. «Je comprends parfaitement le besoin d’accroître la canopée verte à Port-Louis, car cela renforcera la résilience de la ville et améliorera considérablement la qualité de vie de ses habitants et des citadins. Nous avons des arguments solides pour cela, mais il est également important de noter que, malgré la présence de l’amiante, le bâtiment en question semble avoir une bonne structure, ce qui en fait un atout précieux. Moi, je préconiserais plutôt une rénovation complète du bâtiment. Imaginons le potentiel : éliminer l’amiante, résoudre tous les problèmes et optimiser l’utilisation de sa cour intérieure en l’ouvrant davantage sur son environnement ; le tout converti en espace publique – bibliothèque, espace culturel, etc... Cela rendrait le bâtiment plus accessible et dynamique, favorisant ainsi la fluidité des mouvements urbains. De plus, en rénovant le bâtiment, nous pouvons catalyser la régénération urbaine et renforcer les liens et synergies avec les bâtiments avoisinants, tels que la mairie de Port-Louis, le théâtre voisin, etc.»
Notre interlocuteur préconise aussi de voir plus grand pour le projet de mini-forêt dans la capitale : «C’est une initiative admirable et essentielle. Toutefois, je propose de voir plus grand : développons un réseau d’espaces verts interconnectés, en ouvrant des cours intérieures où de petites entreprises peuvent prospérer. Ce faisant, nous façonnerons un nouveau visage pour Port-Louis, qui deviendra un symbole de renouveau et d’innovation urbaine.»
Et, pour finir, qu'en pensent ceux qui bossent dans ce bâtiment ? Comme Akash (nom fictif) qui a bien roulé sa bosse en tant que fonctionnaire pendant de nombreuses années dans le fameux bâtiment. Il nous dresse un constat honnête de son expérience au building, tout en posant tout un tas de questions après l’annonce de Padayachy : «Je peux vous dire qu’il y a énormément de manquements. Pas besoin d’aller loin, vous n’avez qu’à venir y faire un tour et vous aurez le constat devant vous : infiltration d’eau, présence d’amiante, rouille, insalubrité. Ceci étant dit, je suis à la fois pour et contre de ce projet de démolition. Est-ce que démolir ce bâtiment ne va pas coûter plus cher que sa rénovation ? Est-ce que cette démolition ne va pas affecter tout ce coin hautement animé de Port-Louis ? Et comment va se passer tout le processus de relocation ? Je veux bien qu'il y ait des espaces verts dans Port-Louis, mais est-ce que c’est l’endroit idéal ? Faut-il pour autant démolir ce bâtiment en particulier, où il y a tellement de bureaux importants, pour en faire un espace vert ?»
Les questions se posent donc pas mal de part et d’autre.
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