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17 août 2022 23:34
Elle est complètement désemparée, abattue. Cette maman donne l’impression de porter tout le poids du monde sur ses frêles épaules en ce moment. Elle peine toujours à croire que sa benjamine Anju, âgée de 34 ans, tirerait les w d’un réseau de prostitution dans le spa qu’elle dirige à la rue Malartic, à Curepipe. «Mo ti kone li ena enn salon dan Kirpip me mo pa ti kone ki li fer laba. Mo ankor dan sok ziska ler. Si vremem sa, li ti bizin panse lavenir so garson avan fer sa kalite travay-la», lâche cette habitante de l’Est d’une voix qui en dit long sur sa détresse.
Elle explique que sa benjamine est divorcée et vit sous son toit avec son fils de 10 ans. «Zordi laniverser so garson. Malerezman li pann resi trouv figir so mama», regrette-t-elle. Cette dame âgée dit ne pas comprendre ce qui est arrivé à sa fille. «Mo pa kone ki bann frekantasion li ena. Me get kinn arive zordi. An plis de sa, mo pa mem kone kot sa mo tifi ferme», confie notre interlocutrice. Elle précise que c’est Anju qui s’occupait d’elle car elle souffre de plusieurs problèmes de santé. «Anju mem ki okip mwa. Mo ena problem katarak, kolesterol, diabet ek tansion. Mo dernye tifi la mem ti pe aste mo bann zafer.»
Les gens du voisinage avancent qu’Anju a toujours été très discrète. Cela les a donc beaucoup étonnés de voir plusieurs véhicules de la police débarquer dans la ruelle qui mène chez elle le lundi 8 août. Ce jour-là, une équipe de la Divisional Supporting Unit (DSU) de la Central Division et des éléments du poste de police de l’endroit ont effectué une fouille à son domicile en sa présence. Quelques jours plus tôt, le 4 août, elle avait été arrêtée après une descente au Professional Skin Care and Spa Centre qu’elle dirige et où plusieurs objets servant à des actes sexuels avaient été retrouvés. Une jeune femme présente sur place avait aussi déclaré qu’elle travaillait sous les ordres d’Anju, qu’elle se livrait à des actes sexuels sur place et qu’elle devait remettre une partie de ses gains quotidiens à la gérante des lieux.
Anju fait l’objet d’une accusation provisoire de «procuring, enticing and exploiting prostitutes» devant le tribunal de Curepipe. Chez elle, la police a recueilli plusieurs objets compromettants : un tube de gel de massage intime et un pot de Vaseline – elle aurait déclaré aux policiers qu’ils servaient dans le cadre des activités sexuels de ses employées avec leurs clients – et deux pages d’un account copybook contenant des détails des activités sexuelles qui se dérouleraient dans son salon en date du 15 et 16 juillet dernier. Elle a ensuite été reconduite dans les locaux de la DSU pour les besoins de l’enquête. Anju a fait valoir son droit au silence. Elle demeure toujours en détention car la police a objecté à sa remise en liberté sous caution. Ce vendredi 12 août, un développement de taille est survenu dans cette affaire : un caporal, affecté au poste de police de l'hôpital ENT, a été arrêté. Les enquêteurs n'écartent pas la possibilité qu'il soit le cerveau de ce réseau de prostitution (voir hors-texte).
Cette affaire a éclaté le 30 juillet après une descente de la DSU au Professional Skin Care and Spa Center. Cette unité avait eu vent qu’un réseau de prostitution opérait là-bas à côté d’une guest house. Lors de cette opération, les policiers ont recueilli plusieurs objets compromettant comprenant des préservatifs pour hommes et femmes, de même qu’un attendance wages book, un notebook et une somme de Rs 800. Une jeune femme de 19 ans se trouvant sur place a été questionnée et a confié aux enquêteurs qu’elle est employée par Anju pour avoir des activités sexuelles avec des clients contre paiement. Elle devait, dit-elle, remettre Rs 300 à son employeur sur chaque passe. Elle a aussi souligné qu’une autre jeune femme travaillait sur place comme prostituée.
La proxénète présumée, qui n’était pas présente au salon de massage au moment de la perquisition, a été arrêtée cinq jours plus tard. Les deux jeunes femmes qu’elle emploient l’ont formellement identifiée lors d’une parade. Les limiers ont également perquisitionné le guest house qui se trouve à côté du salon de massage. Sur place, ils sont tombés sur quatre couples en plein ébat. Ils y ont également recueilli des sex toys. Interrogé, le propriétaire des lieux a affirmé que ces objets appartiennent à des clients qui les ont laissés sur place après leur passage.
Les limiers veulent désormais connaître les noms des clients qui ont fréquenté le Professional Skin Care and Spa Centre et qui ont sollicité les faveurs sexuelles des filles employées par Anju. Le Central Criminal Investigation Department épaule la DSU sur cette partie de l’enquête.
Jean Marie Gangaram
Développement de taille dans le cadre de l'enquête sur le réseau ce prostitution démantelé à Curepipe. Alors que les enquêteurs pensaient boucler rapidement cette enquête avec l'arrestation d'Anju, ils étaient loin d'être au bout de leurs surprises. De nouveaux éléments ont conduit les hommes du sergent Appasamy jusqu'à l'un de leurs collègues : un caporal de 53 ans domicilié à Curepipe et affecté au poste de police de l'hôpital ENT. Il a été appréhendé sur son lieu de travail. Ce membre des forces de l'ordre est soupçonné de s'être, non seulement, lancé dans ce business très lucratif mais d'en être également le cerveau. Informé de ses droits, il a ensuite été conduit dans les locaux de la DSU pour la suite de l'enquête.
Après son arrestation, une fouille policière survenue à son domicile n'a pas arrangé ses affaires. Non seulement la police a saisi des documents compromettants – une facture de téléphone au nom d'Anju et le contrat d'embauche d'une «beauty therapist» – et de l'argent soupçonnée de provenir de ce trafic humain allégué, mais également plusieurs munitions pour lesquelles il ne détient pas de permis. Questionné sur la provenance des balles, il a déclaré en avoir récupéré quelques-uns lors d'une partie de chasse et ne pas se souvenir de la provenance du reste.
Ce qui a encore aggravé son cas, c’est qu’une balance électronique et des objets portant les traces d'une substance que la police soupçonne être de la drogue ont aussi été récupérés. Le caporal aurait déclaré avoir acheté la balance pour peser de l'or et concernant les autres objets, il aurait déclaré : «Mo finn ramas sa misie.»
Il a comparu devant le tribunal de Curepipe le même jour et fait l'objet d'une accusation provisoire de «human trafficking». Il a été informé que d'autres accusations provisoires, notamment «possession of ammunition without licence» et «possession of articles for use in connection with the smoking/consuming/administering/sniffing heroin», seront aussi logées contre lui. La police ayant objecté à sa remise en liberté, il a été placé en détention.
Elodie Dalloo
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