Publicité
7 décembre 2015 13:25
Plus les jours passent, plus l’angoisse de ces quatre familles grandit. Mais, d’un autre côté, l’espoir ne faiblit point. Elles ne veulent pas envisager une seule seconde que les pêcheurs portés disparus depuis presque une semaine ne reviendront pas vivants. Rassemblés dans la cour de la National Coast Guardde Grand-Baie, les proches d’Anand Auckhoojee, 54 ans, de Rajen Panchoo, 41 ans, de Satyanand Cheyetan, 54 ans, et Clovis Percy, 76 ans, gardent les yeux rivés sur l’océan. Depuis l’alerte de la disparition de ces quatre pêcheurs le lundi 30 novembre aux alentours de 18h30 (voir hors-texte), leurs familles vivent dans la peur et l’incertitude. Cela fera une semaine demain qu’elles attendent, en vain, que les pêcheurs soient retrouvés. Une douloureuse attente.
«On vient ici dès le lever du jour pour avoir des nouvelles. On ne dort pratiquement plus. On ne mange plus», confie Rajesh Panchoo, les yeux rougis et bouffis. La veille, il n’a pas fermé l’œil de la nuit. C’est la deuxième fois, précise Rajesh, que son frère Rajen est porté disparu en mer. «C’était il y a dix ans. Le bateau sur lequel il se trouvait avait eu une panne de moteur et avait dérivé. Mais il avait été retrouvé sain et sauf 24 heures plus tard», raconte l’homme. Il reconnaît que, cette fois, les circonstances sont différentes et que la situation devient, à mesure que les jours passent, de plus en plus inquiétante.
Depuis que Rajen Panchoo et ses amis pêcheurs ont embarqué à bord du Coruscan aux petites heures du matin le lundi 30 novembre, ils n’ont plus donné signe de vie. Au domicile de Rajen, à Pointe-aux-Piments, sa mère Leelawtee pleure sans arrêt. «Kot mo garson ete ? Kot li finn ale ?» ne cesse-t-elle de se demander en sanglotant alors que des parents venus lui rendre visite tentent tant bien que mal de la consoler. En vain.
Son fils Rajen, un célibataire, est un amoureux de la mer, dit-elle. Déjà tout petit, il rêvait de devenir pêcheur. «Il a grandi ici et la pêche est sacrée dans la région. D’autres membres de notre famille faisaient ce métier. C’est peut-être pour cette raison qu’il leur a emboîté le pas», soutient Leelawtee.
Non loin de là, chez les Cheyetan, Lutchmee, l’épouse de Satyanand, ne cesse de dire des prières à voix basse. Depuis la disparition de son mari, elle implore le ciel jour et nuit afin que celui-ci soit retrouvé sain et sauf. Assise aux côtés de sa fille Reena, elle essaie de ne pas se laisser décourager et de garder son espoir intact, alors que des proches n’arrêtent pas de défiler chez elle pour soutenir sa famille dans cette dure épreuve.
«Plus les jours passent, plus j’angoisse. Jusqu’à présent, nous n’avons eu aucune nouvelle. Nous ne savons pas ce qui a bien pu se passer. Les recherches ne donnent rien. Le bateau n’a pas été retrouvé. On ne sait plus quoi penser. Mes fils passent tout leur temps devant les locaux de la National Coast Guarddans l’espoir d’avoir des nouvelles», lâche-t-elle, alors que des larmes lui montent aux yeux.
Âgée de 50 ans, elle est mariée à Satyanand Cheyetan depuis bientôt 32 ans. Et c’est la première fois, dit-elle, que son époux est porté disparu en mer. «Il a de l’expérience. Je n’arrive pas à expliquer ce qui s’est passé. Mes trois fils et ma fille non plus ne comprennent pas. On met tout entre les mains de Dieu. Mais l’attente est terrible.»Le matin du 30 novembre, relate-t-elle, son mari s’est réveillé aux alentours de 4 heures du matin. «Je lui ai préparé un curry de poisson et des haricots verts ainsi que son petit déjeuner. D’habitude, il rentre de la pêche vers 17 heures. Mais pas cet après-midi là. Une heure plus tard, on a appris que son bateau était porté disparu.»
Chez les Furcy, l’angoisse est tout aussi palpable. Réunis sous la varangue, les proches de Noé Clovis Furcy restent soudés. Noémie Lascar, sa fille, ne lâche pas son téléphone. À l’intérieur de la maison, la radio reste branchée non-stop. «On écoute tous les bulletins d’information pour avoir les dernières nouvelles. Cela devient de plus en plus dur d’attendre et de ne pas avoir de réponses à ses questions. Mais nous gardons espoir de retrouver mon père en vie. On prie beaucoup et on garde confiance», confie Noémie.
Père de neuf enfants, cinq filles et quatre fils, Noé Clovis Furcy, 74 ans, veuf depuis de nombreuses années, venait de se remarier trois mois de cela. Son épouse Helena, qui s’est réfugiée dans la prière, témoigne : «On s’est mariés le 1er septembre. On commençait à peine une nouvelle vie et voilà que quelque chose de terrible nous frappe. Mais je garde espoir qu’il soit retrouvé en vie, car rien n’est impossible à Dieu.»
Varsha Humool, la fille d’Anand Aukhoojee, avoue quant à elle qu’elle ne vit plus depuis cette disparition. Son angoisse la paralyse et les questions qu’elle se pose restent sans réponse. «Je veux savoir ce qui s’est passé et où ils se trouvent. Mais jusqu’ici, on n’a aucune nouvelle», lâche Varsha. Sa sœur Vanita Jeenah, 28 ans, est tout aussi bouleversée. Elle explique que son père, qui a quatre filles et un fils, est pêcheur depuis l’âge de 18 ans. Séparé de son épouse, il vit avec son jeune fils de 13 ans.
«Durant les vacances, il tentait d’initier mon jeune frère à la pêche. Mais ce dernier a le mal de mer», raconte Vanita. Son père Anand Auckhoojee passe le plus clair de son temps en mer, sa plus grande passion, selon elle. La mer l’aurait-il pris, ainsi que les autres ? Ou bien les quatre hommes sont-ils toujours en vie, dérivant quelque part ? Plus les jours passent, plus les chances de les retrouver vivants s’amenuisent. Mais les recherches se poursuivent. Et leurs proches continuent de garder l’espoir de les retrouver en vie.
Depuis la disparition du Coruscan, les autorités concernées ont déployé de grands moyens en vue de retrouver les quatre pêcheurs. Ainsi, le CGS Observer de la National Coast Guard,un hélicoptère de la police ainsi que le Dornier ont participé aux recherches. Sans résultats. Les recherches se poursuivent toujours.
C’est lui qui a signalé la disparition du Coruscan à la police. Vishnu Permal est le propriétaire du bateau de pêche sur lequel se trouvaient les quatre pêcheurs disparus. «À chaque fois que les pêcheurs sortent en mer, je vais attendre leur retour sur la côte pour leur payer leur journée de travail. D’habitude, ils rentrent vers 17 heures. Mais parfois, ils ont du retard et rentrent une heure plus tard. Ne les voyant pas arriver après ce délai, j’ai signalé leur disparition à la police», explique cet habitant de Cap-Malheureux qui a donné l’alerte aux alentours de 18h30. Selon lui, l’embarcation où se trouvaient les quatre hommes est bien équipée. «Il y a six gilets de sauvetage, une voile en bon état ainsi qu’une réserve de diesel en cas de panne. Mais il n’y a pas de radio. Ils utilisent leur téléphone portable qui capte le réseau dans les parages de l’île Ronde. D’ailleurs, ils ne vont jamais pêcher plus loin que ça. Des pêcheurs les ont même croisés à cet endroit aux alentours de 12h30 et 14h30.»Cette disparition, dit-il, le plonge dans une profonde tristesse : «Je suis de tout cœur avec les familles.»
Publicité