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8 juin 2016 03:34
Les résidents de Morcellement Hermitage à Coromandel ont décidé d’instituer un neighborhood watch. Que pensez-vous de cette initiative ?
J’ai toujours soutenu le projet de neighborhood watch. C’est une très bonne initiative. Ce concept fonctionne très bien dans toutes les régions où il a été mis en place. Je suis souvent appelé, en tant que représentant de Victim Support Mauritius, à animer des conférences-débats, et je suis toujours impressionné par le responsedu public et des policiers.
Mais qu’est-ce que le neighborhood watch exactement ?
C’est un service de surveillance mis en place par les habitants d’une région ou d’une localité. C’est une façon pour la police d’avoir des informations et renseignements si quelque chose de louche est noté dans la région. En gros, le voisinage devient les yeux et les oreilles de la police.
Ces cellules sont-elles populaires ?
Au départ, ce n’était pas vraiment évident. Dans certaines régions, les personnes n’ont pas la culture du bon voisinage. Il y avait donc des réfractaires, certains disant qu’ils n’ont pas besoin de l’autre où qu’ils sont à l’abri des vols et autres agressions parce qu’ils sont équipés. C’est cette mentalité qu’il a fallu changer. Et avec le temps, je constate que les choses ont évolué. Le neighborhood watchest maintenant présent dans plusieurs régions et ça marche très bien. Il y a un deskavec des policiers dédiés au mouvement dans presque tous les postes de police. L’année dernière, par exemple, j’ai assisté au lancement de la cellule de Batimarais.
Comment est-ce que ça marche dans la pratique ?
Ça ne coûte rien. Des voisins se regroupent pour mettre en place un système de surveillance dans leur localité. Ces personnes peuvent se rencontrer chez l’une d’entre elles ou dans un centre communautaire. Dans le groupe, seulement quelques personnes sont en contact avec la police. Les membres reçoivent des formations sur les gestes et les réflexes à avoir pour s’assurer de la sécurité dans leur région.
Ainsi, des rondes sont organisées et chacun se relaie. Si, par exemple, des habitants remarquent qu’il y a une dark zonedans une région et que cela peut causer un problème de sécurité, ils peuvent se mettre en contact avec les autorités. Qui mieux que les habitants d’une région connaissent mieux les autres habitants qui y vivent ? Dès qu’ils voient un visage qui ne leur est pas familier et que cette personne agit de façon suspecte, ils doivent avoir le réflexe de se méfier.
Les membres du mouvement apprennent aussi comment agir en cas de situation d’agression ou de vol à la tire. Par exemple, ne pas céder à la panique, rester vigilant, ouvrir les yeux, noter la couleur des vêtements du voleur, s’il est en voiture ou à moto, ou encore la plaque d’immatriculation.
Est-ce que des cellules ont aidé à des arrestations ?
Pour vous donner un exemple, il y a quelque temps, à Flic-en-Flac, les habitants avaient remarqué qu’un maçon qui travaillait sur un chantier agissait bizarrement et qu’il était revenu dans la région après ses heures de travail. Il avait ainsi été surpris au moment de passer à l’action et les habitants avaient alerté la police. C’était des field officersqui avaient fait le déplacement.
Avec les technologies modernes, les voleurs et autres malfrats sont bien équipés. Ils agissent en groupe et il y a des personnes qui guettent, postées dans des points stratégiques, quand les autres sont à l’œuvre. Si les policiers se pointaient en tenue, en un rien de temps, ceux qui guettaient auraient alerté leurs complices. C’est pour cela que les policiers interviennent en civil pour ne pas attirer l’attention.
Quel est votre avis sur ce qui se passe actuellement un peu partout dans l’île ? Les vols, les agressions…
Je ne vais pas dire que c’est alarmant. Mais c’est vrai qu’on entend de plus en plus parler de vols et d’agressions ces derniers temps. Et plus dans certaines régions. Il faut s’en inquiéter. Mais c’est ensemble qu’on pourra faire reculer tout ça. Si en marchant dans la rue, on voit que l’argent d’une personne dépasse de sa poche, il faut le lui dire. Il faut qu’on arrête de ne penser qu’à soi. Il ne faut toutefois pas s’alarmer, mais se dire qu’on peut compter sur la police.
Comme je l’ai souligné, il y a des desksspéciaux avec des policiers dédiés à ce service, qui sont dans tous les postes de police et en contact avec les habitants des régions concernées. Il y a une confiance qui se crée. Il faut cultiver cela. C’est cette entente de la police avec la population qui peut changer les choses et faire reculer les délits. Pourquoi pas une île Maurice sans criminalité ? C’est difficile, mais pas impossible.
Est-ce une bonne chose que les citoyens prennent leur sécurité en main ? Ne croyez-vous pas qu’il y a des risques de dérapages ?
Quand on surprend un cambrioleur, il y a plusieurs choses qui entrent en jeu. Il y a l’émotion et la notion de défense. Mais tout citoyen doit se dire qu’il n’est pas un policier et qu’il doit réfléchir avant d’agir. Personne ne doit se substituer à la loi.
Parlez-nous de l’association ?
L’objectif est de soutenir les victimes de viol, de meurtre, d’inceste, de cambriolage, de violence domestique, ainsi que leur famille. Nous faisons aussi de la sensibilisation auprès du public. J’ai souvent des séances de travail avec la police, lors desquelles je mets à contribution mes formations, en psychologie et en écoute notamment. En ce moment, je travaille avec les 350 sergents qui viennent d’être promus. Il s’agit de leur faire comprendre ce qui se passe dans la tête d’une victime quand cette dernière se tourne vers eux.
Raj Moothoosamy, 50 ans, est le fondateur de Victim Support Mauritius, association créée en 2002. Depuis, il en a fait une cause importante dans sa vie. Il s’implique dans la prévention de la criminalité et travaille en étroite collaboration avec la police. Marié, il est père de deux fils.
Quelle actualité locale a retenu votre attention cette semaine ?
Bien évidemment, je suis de très près tout ce qui touche à la paix sociale dans le pays. Il y a eu la fusillade contre l’ambassade de France ou encore les bagarres qui peuvent, si on ne fait pas attention, dégénérer en conflits communaux.
Et sur le plan international ?
Je m’intéresse à tout ce qui se passe en France, en Afrique et en Australie, plus particulièrement dans mon domaine de prédilection. Par exemple, en ce moment, je m’intéresse beaucoup au concept de police municipale introduit à Nairobi, au Kenya.
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