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«Recount» au n° 19 : les soupçons l’emportent

8 février 2022

Un recomptage «polémique» : des anomalies qui font tiquer

 

Il y en a trois. D’abord, celle qui concerne le nombre de bulletins. En 2019, le Returning Officer avait déclaré que 28 169 bulletins de votes avaient été dépouillés lors du counting day du 8 novembre. Ils avaient, ensuite, été acheminés, scellés, vers la SMF. Néanmoins, lors du recount, ce chiffre est passé à 28 096. 73 bulletins n’ont pas été retrouvés. Ensuite, deux bulletins de vote sans sceau de la commission électorale ont été repérés dans deux salles de comptage. Selon le commissaire électoral, Irfan Rahman, les bulletins sans sceau ne sont pas considérés comme valides/utilisables. Et enfin, et cela semble le plus grave pour les observateurs, les membres de l’opposition et, même, le commissaire, un bulletin valide de la circonscription GRNO/Port-Louis (la circonscription n° 1) a été retrouvé parmi ceux de la circonscription n° 19.

 

Le commissaire électoral s’exprime

 

Si Irfan Rahman est d’avis qu’il ne faut pas confondre «erreur humaine et fraude», lors d’un point de presse, le mardi 1er février, il a dû concéder que, dans le cas du bulletin du n° 1, il y a quelque chose «d’illégal et de malveillant» : «Se enn zafer grav.» Pour ne pas entacher la réputation des fonctionnaires qui ont travaillé dur pendant les législatives de 2019 «à cause d’une ou de deux personnes», il a fait un appel au commissaire de police pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire.

 

La Central CID s’y colle. Dans les prochains jours, des personnes ayant travaillé au n° 19 lors des élections de 2019 devraient être interrogées.

 

Sous le regard des observateurs : parfum d’irrégularités

 

Pour Dev Sunassy, de 100% Citoyens, il n’y a pas de doute ; there is something fishy ! «On savait qu’en novembre 2019, inpe mazik inn deroule. Et là, on fait le recount et… ankor mazik !» ose-t-il. Aujourd’hui, il y a une question fondamentale qui est dans l’air et qui devrait être essentielle pour notre démocratie : «Est-ce que nous avons encore confiance en ce système électoral ? Pour le commissaire électoral, il n’y a pas de fraude, l’erreur est humaine ; mais je crois que les Mauriciens peuvent tirer leurs propres conclusions de ce qui s’est passé.» Parvèz Dookhy, du Ralliement Citoyen pour la Patrie, réclame, lui, la démission d’Irfan Rahman : «Si l’erreur est humaine, les erreurs multiples, graves et répétées, c’est juste de l’incompétence. Aucun employeur ne tolère l’incompétence de son salarié. Il se fait licencier. En démocratie, c’est le peuple qui est l’employeur des autorités.»

 

Jenny Adebiro : what next ?

 

Elle ne compte pas en rester là. C’est, du moins, ce que la candidate battue a laissé entendre quelques minutes après la fin du recount, le mardi 1er février. Depuis, la politicienne du MMM est restée silencieuse, ne prenant pas nos appels. Ce que l’on sait, c’est qu’elle a logé une protestation officielle auprès de l’Acting Master and Registrar de la Cour suprême, Me Wendy Rangan, pour contester les résultats du recomptage, en prenant en considération les anomalies qui ont été décelées pendant cette journée pas comme les autres. «On voit toujours des zones d’ombre, ce n’est donc pas possible d’accepter ces résultats», confiait-elle. Au niveau du MMM, une réunion du bureau politique a eu lieu le jeudi 3 février. Il y a été annoncé que l’équipe légale du MMM devra se rencontrer dans les jours qui viennent afin de décider des meilleures options qui s’offrent à Jenny Adebiro pour la contre-attaque (s’il y en aura une !). Dans l’immédiat, la réclamation de la démission d’Irfan Rahman est un premier mouvement de protestation non judiciaire.

 

Ivan Collendavelloo : «Le bon travail continue»

 

D’ailleurs, il ne s’était jamais arrêté, confie le leader du ML. Après le recount et la confirmation de son élection, sa vie de député a continué son cours. Les anomalies, il en a pris compte : «Ce n’est pas normal ! Mais si on compte toutes ces anomalies et qu’on donne tous les votes qui en découlent en cadeau à Jenny, malgré cela, je suis élu. Il n’y a plus aucun doute concernant la légitimité de mon élection.» Pour lui, les pétitions électorales ne sont qu’une «œuvre de déstabilisation orchestrée par Ramgoolam, suivi par Bérenger. Aucune pétition ne tient la route».

 

Pour situer

 

Jenny Adebiro, candidate battue du MMM au n° 19, lors des législatives de 2019, conteste les résultats de cette élection, dans une pétition électorale datée du 28 novembre 2019. Elle demande un recomptage des voix. Le 13 janvier 2021, en Cour suprême, la Recapitulative Sheet, document fourni par la commission électorale, permet de déceler plusieurs anomalies : pour qu’un bulletin de vote soit considéré comme valide et pris en compte, il faut que l’électeur ait correctement voté pour trois candidats. Donc, le chiffre final doit être divisible par trois. Au n° 19, dans 18 des 25 salles, ce n’est pas le cas. Ensuite, dans trois salles, le nombre de bulletins dépouillés est de 1 200. Dans le meilleur des cas (pas de vote blanc, entre autres), c’est 3 600 votes qu’il faut donc comptabiliser. Sauf que dans la salle 7, le nombre enregistré est le suivant : 3 620. Dans la 10, 3 673. Et dans la salle de classe 11, 3 678. Au vu de ces informations, le commissaire électoral, Irfan Rahman, et l’avocat d’Ivan Collendavelloo ne contestent pas le recomptage en cour. Les juges réservent leur jugement et, une semaine plus tard, accède à la demande de Jenny Adebiro. C’est l’Acting Master and Registrar qui s’occupera du recount qui a eu lieu le 1er février.

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