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25 janvier 2022 02:50
Son combat, elle l’a mené avec acharnement pendant plus de deux ans. Et ce vendredi 21 janvier, elle a accueilli la bonne nouvelle du recount comme une première victoire avant la plus importante. Du coup, la flamme de l’espoir est encore plus présente en elle : «C’est la dernière ligne droite.» Et Jenny Adebiro espère obtenir justice avant la naissance de son enfant, prévu pour fin février-début mars. Surtout, estime-t-elle, que beaucoup de temps a été perdu : «Deux ans dans le mandant d’un député, c’est énorme. Imaginez tout le travail qui aurait pu être fait. Nou ti kapav ena plis lafors, plis lavwa.» Ivan Collendavelloo, lui, attend le résultat du recomptage pour se prononcer. Mais a tenu à souligner que c’est la Master and Registrar qui s’en chargera.
Les juges Aruna Devi Narain et Dennis Mootoo l’ont décidé : ce sera à l’Acting Master and Registrar, Wendy Rangan, de décider des modalités de ce recomptage. L’exercice ne concernera que les votes valides de Jenny Adebiro et d’Ivan Collendavelloo. Dans leur jugement, ils ont également tenu à demander plus de vigilance à la commission électorale et au Returning Officer lors du dépouillement.
… avec l’apparence du détachement. Ivan Collendavelloo étant un partenaire un peu «gênant» depuis les retombées de l’affaire Saint-Louis, le gouvernement ne lui affiche ni son soutien ni son dédain : «Au n°19, le combat qui est en train ne nous concerne pas vraiment. Mais il ne faudrait pas que l’opposition pense que ce qui vient de s’y passer aura un impact positif pour eux concernant les autres pétitions électorales dans les autres circonscriptions. Ça n’a rien à voir. Il ne faut pas faire croire des faussetés à la population», confie un membre du MSM. Ce qu’a tenu à préciser l’Attorney General, Maneesh Gobin, en conférence de presse le samedi 22 janvier (voir texte ci-dessous) : «Les faits ne sont pas les mêmes dans les autres pétitions. Il est inutile de jump to conclusion.» Que la perception de législatives truquées que véhicule l’opposition depuis 2019 prenne du corps ; c’est ce que redoute le gouvernement actuellement.
Dans d’autres circonscriptions, des pétitions électorales contestent également les résultats des législatives de 2019. Et en conférences de presse et lors d’autres prises de parole (voir textes ci-dessous), les partis de l’opposition ont fait entendre leur souhait : que ce qui s’est passé pour le n°19 se répète ailleurs. Et que les Recapulative Sheets soient soumis ; ce qui n’a pas été accepté par la commission électorale concernant d’autres circonscriptions.
13 janvier 2021. En Cour suprême, alors que l’affaire est entendue, les avocats de Jenny Adebiro font part des anomalies présentes dans la Recapitulative Sheet, document fourni par la commission électorale deux jours plus tôt. C’est sur cette sheet que le Returning Officer inscrit, entre autres informations, le nombre de voix qu’a obtenu chaque candidat dans chaque counting room (il y en avait 25 au n° 19). Quelles sont ces «erreurs» ? D’abord, un problème de division. Pour qu’un bulletin de vote soit considéré comme valide et pris en compte, il faut que l’électeur ait correctement voté pour trois candidats, explique-t-il. Donc, le chiffre final doit être divisible par trois. Au n° 19, dans 18 des 25 salles, ce n’est pas le cas. Ensuite, dans trois salles, le nombre de bulletins dépouillés est de 1 200. Dans le meilleur des cas (pas de vote blanc, entre autres), c’est 3 600 votes qu’il faut donc comptabiliser. Sauf que dans la salle 7, le nombre enregistré est le suivant : 3 620. Dans la 10, 3 673 votes. Et dans la salle de classe 11, 3 678. Au vu de ces informations, le commissaire électoral, Irfan Rahman, et l’avocat d’Ivan Collendavelloo ne contestent pas le recomptage en cour.
Son nom circule avec insistance. S’il arrive que le recount change la donne, que Jenny Adebiro prenne la troisième place d’Ivan Collendavelloo, il est très probable que le calcul propre au Best Loser System devra être refait. Et la députée correctionnelle Tania Diolle pourrait perdre son poste. C’est, en tout cas, ce qui se dit avec insistance. La principale concernée, elle, se dit sereine et heureuse de voir «que les institutions fonctionnent» : «C’est sain ce qui se passe actuellement, de se dire que si des personnes ne sont pas d’accord avec quelque chose, elles ont des recours....» Néanmoins, elle trouve que la «fixation» sur elle est «ridicule» : «Je ne suis pas la seule députée concernée, des élus de l’opposition le sont aussi si un nouveau calcul s’avère nécessaire.» Néanmoins, elle ne croit pas en la possibilité d’une fraude électorale au n° 19 et estime qu’il faut plutôt parler de marge d’erreur : «Je ne pense pas qu’une tricherie de cette envergure soit envisageable. Il faudrait tellement de complicités que ça me semble farfelu.»
Le jugement et les faits dans l’affaire du no 19 ne font pas cas de précédent et sont exceptionnels, a déclaré Maneesh Gobin lors de la conférence de presse du gouvernement le samedi 22 janvier. La décision du recount, qui ne saurait tarder selon ses informations, a «tout son poids et toute son autorité venant de la Cour suprême». Cet exercice devrait être «fait rapidement et dans les meilleures conditions». Face aux critiques, il a appelé la population à garder la tête sur les épaules et à ne pas faire de démagogie. «C’est un jugement exceptionnel dans un cas spécifique qui n’aura pas de conséquences sur d’autres cas. Le jugement dit de faire un recount uniquement pour les candidats Adebiro et Collendavelloo, et pas de refaire les élections.»
Le ministre s’est aussi exprimé sur le pèlerinage du Maha Shivaratree qui n’aura pas lieu cette année. Il a rappelé les dévots à respecter les règlements sanitaires et à éviter tout regroupement pour le bien-être de tous. «Le nombre de cas se stabilise. Ce n’est pas le moment de défier les mesures sanitaires car les conséquences seront très graves.» De son côté, le ministre Soodesh Callichurn s’est exprimé sur la qualité de la farine et du pain décrié par de nombreux boulangers. «La STC et le Moulin de la Concorde font des tests régulièrement et tout est aux normes.» Vikash Nuckcheddy a, lui, fait une sortie contre l’opposition qui ne sait plus, selon lui, sur quel pied danser. «Jolies paroles mais action zéro. Ils vont bientôt être leader de l’opposition sur un système de rotation. Ils cherchent leur intérêt avant celui de la population.»
Yvonne Stephen et Amy Kamanah-Murday
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