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Par Yvonne Stephen
27 octobre 2015 17:36
Ça s’emballe ! Le pouls déraille. Massage cardiaque et bouche à oreilles. Palpitations de la langue. L’infection se propage. Il faudrait au moins 60 médecins pour sauver la situation, assure le corps gouvernemental. Celui de l’opposition n’est pas près de gober ce médicament. La résistance médicamenteuse s’organise à coups de piqûres de private notice question de Paul Bérenger concernant un recrutement douteux, de dépositions à l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) ou encore de plaintes à l’Equal Opportunities Commission (EOC). L’intraveineuse ne passe pas pour autant. Effet d’un trop long traitement ? Les observateurs politiques dénoncent cette «façon de faire» du gouvernement, sous-entendant que cet exercice est en ligne avec les agissements suspicieux d’autres gouvernements avant la bande à Lepep. Le vire ne serait donc pas un vrai virage à 360°. Le Premier ministre, lui, ne voit pas où est le problème. Tout va bien, tout a été fait dans les règles, assure-t-il.
Les premiers symptômes du malaise ? Le recrutement de 60 médecins temporaires par le ministère de la Santé, suite à un manque au sein des hôpitaux publics, au mois d’avril. «Les vacances pour les postes temporaires interviennent avec des médecins en congé pour des études supérieures», a expliqué sir Anerood Jugnauth au Parlement, le vendredi 23 octobre. Des recrutements dont les critères sont flous, selon les détracteurs de cette décision gouvernementale. Certains médecins qui n’ont pas été retenus après ce grand job fair privé (pas très fair, selon certains), estiment qu’il y a trop de coïncidences, trop de noms de médecins retenus qui ont des liens (familiaux ou non) avec des personnalités politiques.
D’ailleurs, une lettre en ce sens a été adressée au Premier ministre. On peut y lire de nombreuses allégations sur les médecins dont les noms ont été retenus. Mais aussi cette constatation : «Des médecins qualifiés, classés après les lauréats qui ont fait leurs études dans des universités prestigieuses, n’ont pas été retenus alors que d’autres, avec des résultats pitoyables et qui ont ‘‘étudié’’ en Chine ont été retenus.» De plus, que la Public Service Commission (PSC) ne soit pas intervenue soulève d’autres questions, d’autres suspicions. Un doute en entraîne d’autres. Comme les champignons. Ils prolifèrent dans le secret des non-dits. Néanmoins, au Parlement, sir Anerood Jugnauth a tenu à rappeler qu’il s’agissait d’une «pratique commune».
Que ce n’était pas la première fois que la PSC délèguait ses pouvoirs de recrutement au ministère de la Santé dans le cadre des embauches temporaires (en 2004, 2006, 2007 et 2011). Le chef du gouvernement a balayé d’un revers de gants chirurgicaux la proposition de Paul Bérenger d’annuler ce recrutement à cause de son aura de suspicion. SAJ n’en voit pas «la nécessité», a-t-il précisé, estimant qu’il avait été informé que l’exercice d’entretiens avait été réalisé en suivant strictement les conditions imposées par la PSC (que le recrutement se fasse parce qu’il existe des postes vacants, que les candidats ont les qualifications requises, entre autres).
Néanmoins, malgré l’assurance de SAJ, sa confiance qu’il n’y a aucune trace de boubou concernant cet exercice, il a été vraiment difficile de passer à côté de certaines réalités, rappelées par le chef du gouvernement lui-même lors de la PNQ (cela malgré une petite crise d’amnésie heureuse qui semble secouer actuellement le gouvernement) : plusieurs personnes se sentant lésées ont porté plainte auprès de l’EOC et de l’ICAC. La commission anticorruption a d’ailleurs pris la décision d’ouvrir une enquête préliminaire sur ce recrutement controversé. Les officiers de cette instance devraient prochainement faire une descente dans les locaux du ministère de la Santé. Les enquêteurs devraient déterminer si cet exercice a été ou non le théâtre de conflits d’intérêt, de pressions ou d’un trafic d’influence en vertu du Prevention of Corruption Act.
De quoi agacer les membres de la majorité. Eux qui, dans le programme électoral, s’étaient appuyés sur le terme «méritocratie» pour vendre l’idée d’une nouvelle île Maurice post-législatives. D’ailleurs, dans les coulisses du pouvoir, on ne veut pas vraiment commenter cette affaire. «Le Premier ministre sait ce qu’il fait et dit. Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter d’autre», a lancé, un peu agacé, un député MSM. Du côté du PMSD, on se la joue cool. «Il y aura d’autres recrutements. Chacun son tour. Pourquoi faut-il s’énerver ?» s’interroge un membre de ce parti. Relax ! Un écho de la déclaration du Premier ministre concernant le mécontentement qu’a provoqué ce recrutement. «On ne peut pas satisfaire tout le monde», a précisé le chef du gouvernement. Oui, c’est bien ce qu’Anil Gayan doit se dire également. Son ministère se retrouve, une nouvelle fois, au cœur d’une polémique.
Le trublion des Lepep pourrait provoquer un mini-remaniement ministériel, entend-on, afin de s’assurer de la bonne santé de la popularité du gouvernement. Mais pas tout de suite. SAJ attendrait un diagnostic plus poussé.
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