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6 juillet 2017 13:26
Facebook, Skype, Twitter, Messenger, WhatsApp, Viber… Bienvenue dans l’univers des tribunes virtuelles où tout se partage. La première fonction des réseaux sociaux est de permettre aux personnes à travers le monde de rester connectées et de communiquer, que ce soit pour des besoins personnels, familiaux ou professionnels. Malheureusement, ils ne sont pas toujours utilisés à bon escient.
Harcèlement, chantage, «sextorsion», propos diffamatoires entre autres sont les fléaux2.0 qui enflamment la toile. Dans certains cas, les victimes traumatisées n’osent plus affronter le regard de la société, certaines allant même jusqu’à se suicider. Et ce phénomène est mondial.
A Maurice, à en croire Clifford Motet, constable à la Cyber Crime Unit des Casernes centrales, c’est un problème qui gagne du terrain dans l’île (voir hors-texte). Et la plupart des personnes qui en sont victimes ne portent pas plainte à la police. Pourtant elles devraient car les lois les protègent.
Récemment une photo compromettante du chanteur Mr Love, de son vrai nom Ludovic Lamarque, a fait le tour de Facebook. Une situation qui aurait mis le moral de l’artiste à zéro. «On m’a fait du chantage pendant des semaines. On m’a menacé de publier cette photo qui datait de plusieurs années. C’était une pression terrible. Et je savais que la photo allait sortir tôt ou tard. Mais lorsqu’on la voit circuler, cela fait un choc et met le moral à zéro. Cela m’a beaucoup affecté», confie Ludovic Lamarque. Toutefois, ce dernier raconte que c’est grâce à l’aide de ses fans, de sa famille et de ses amis qu’il a pu refaire surface. «Sans eux, je ne sais pas ce que j’aurai fait. C’est un épisode que je ne pourrais pas effacer. Il faudra juste faire avec. Suite à cela, beaucoup de personnes qui sont victime de chantages se sont tournées vers moi. Même des gens très connus et influents», avance Mr Love. Il encourage les victimes de ne pas hésiter à dénoncer leurs maitres-chanteurs.
Et qu’en est-il de ceux qui lancent les attaques sur le net ou, qui lavent leur linge sale sur la toile ? Eprouvent-ils le besoin de s’exprimer en public ? Toujours concernant Mr Love, son ex-compagne avait publié un post relatant ses problèmes conjugaux sur la toile. Mais l’ex-compagne du chanteur n’a pas souhaité s’exprimer là-dessus. Nisha*, 28 ans, elle, regrette d’avoir nuit à la réputation de son ex-fiancé il y a quelques années sur un réseau social. «On avait des projets et quand tout s’est effondré ; je ne l’ai pas supporté et je n’avais que la vengeance en tête. Du coup, j’ai créé un faux profil en utilisant des photos intimes de lui que j’ai publié. Et en écrivant des posts diffamatoires. Il l’a su et ses soupçons se sont portés vers moi et il a porté plainte», témoigne cette dernière. Cette affaire, dit-elle, nuit à présent à sa réputation. Et pour cause ! «On me prend pour une personne dangereuse alors que j’ai agi sur un moment de colère. J’aimerai pouvoir revenir en arrière. Et les preuves sont accablantes contre moi car on a tout retracé.»
Mais le «sextorsion», c’est-à-dire la publication des photos dénudées d’une personne, n’est hélas pas le seul fléau 2.0 qui circule sur internet. Il y a aussi les «graphic content» ou images choquantes voire immorales. Sur Facebook, il n’est pas rare de voir circuler des photos de victimes des accidents de la route, baignant dans une mare de sang. Le réflexe premier devant un accident devrait plutôt être de porter secours que de prendre des clichés. Mais l’envie de partager ces scènes sur les réseaux sociaux semble être plus forte que le devoir de porter secours.
Un cas qui a choqué est celui d’un jeune homme de 25 ans qui s’est donné la mort par pendaison, en direct sur Facebook Messenger. La famille de la victime, complètement anéantie, n’en revient toujours pas. «C’était quelqu’un au moral d’acier. On ne comprend toujours pas comment il a pu faire une chose pareille. Toutefois, il y a certaines zones d’ombres qui entourent son décès. Car comment aurait-il pu filmer la scène alors que son portable a été retrouvé sur une table ? Et qu’une photo de lui, mort, a même été envoyée à son ex ? On soupçonne qu’il y avait une personne qui a assisté à toute la scène et qui a filmé sans lui porter secours», affirme le frère de la victime. Suite à cette affaire, la police a ouvert une enquête.
L’utilisation d’un pseudo donne l’illusion d’anonymat et un sentiment d’impunité à des internautes qui se croient tout permis sur les réseaux sociaux. Ils oublient qu’il y a des lois qui s’appliquent. Ceux qui ont déjà publié des propos diffamatoires et à caractère communal en savent quelque chose. Il y a quelques années, une jeune femme de la capitale été poursuivie pour avoir posté des propos à caractère sectaire sur Facebook. Reprise par la justice et la réputation ternie, elle a depuis quitté son domicile pour s’installer incognito ailleurs.
Face aux dérives qui foisonnent sur la toile, il est primordial que l’internaute reste prudent pour éviter ces pièges. Mais il est aussi urgent de démontrer que l’Internet est une zone virtuelle où les mêmes droits s’appliquent que dans la vie réelle. Et que nul n’est au-dessus de la loi, caché derrière son écran.
*Prénom fictif
Le«cyberbullying» ne cesse de faire des dégâts. La psychologue Véronique Wan Hok-Chee avance que cette forme d’attaque sur le Net«reste l’un des moyens les plus puissants de faire du mal à autrui.» Et d’avancer que le sentiment d’impunité est un des facteurs qui poussent une personne à commettre des délits sur internet.
«Lorsque la personne se lance, elle éprouve à la longue une certaine excitation à tirer les ficelles, donc à faire du mal et à nuire. Ce genre de personne a un profil type. Ce sont des gens qui aiment avoir le contrôle, qui ont besoin de dominer», explique la psychologue.
Et, lorsqu’ils n’arrivent pas à leur fin, c’est le chantage qui entre en jeu.«Ils se servent alors de l’intimité de la personne pour la détruire. Et, souvent, les victimes cèdent aux chantages. D’où l’importance de dénoncer dès la première attaque», soutient-elle.
Véronique Wan Hok Chee commente que, de manière générale, ceux qui sont «accros» aux réseaux virtuels ont des difficultés importantes à créer des liens sociaux dans la vie réelle.«Internet reste alors un moyen de communiquer avec les autres. Mais il n’est pas rare qu’ils commettent des délits et filment les gens à leur insu avant de leur faire du chantage.» Pour autant de raisons, la prudence doit être de mise lorsqu’on diffuse des informations et images privées sur les réseaux sociaux.
Les délits et abus sur les réseaux sociaux se multiplient sur l’île. Selon Clifford Motet de la Cybercrime Unit des Casernes centrales, une cinquantaine de cas a été recensée depuis le début de l’année. Et ce sont les violations de la vie privée liées aux «sextorsions» qui priment. Le «sextorsion» est la diffusion ou la menace d’exposition d’images ou de vidéos intimes d’une personne sur les réseaux sociaux. Il peut s’agir d’images à caractère sexuel de la personne, capturées avec ou sans son consentement dans le cadre privé, et ensuite utilisées pour lui causer du tort ou qui extorquer de l’argent.
«Malheureusement, beaucoup de cas ne sont pas rapportés. Certaines personnes qui viennent nous voir ne vont pas au bout de leur action et se rétractent. Du coup, les agresseurs ne sont pas poursuivis et peuvent recommencer»,explique Clifford Motet. Selon ses dires, il n’est pas rare que, dans certains cas, les victimes cèdent au chantage et versent de l’argent à leur agresseur. «Et cela continue, l’agresseur demandera toujours plus d’argent et tirera profit de la situation. C’est pour cela que nous demandons aux victimes de ne pas céder au chantage et de dénoncer afin de mettre une fin à ce qu’ils endurent.»
Il recommande par ailleurs aux internautes de ne jamais accepter une demande d’amie d’un inconnu. Encore moins de se livrer à des jeux sexuels via la caméra et de ne jamais divulguer son mot de passe.
D’après la loi, il explique qu’une personne trouvée coupable d’un quelconque délit sur Internet peut être poursuivie. «Il y a l’ ICTA (Information and Communication Technologies Authority) Act qui prévoit une peine d’emprisonnement ne dépassant pas cinq ans et une amende ne dépassant pas Rs 1 M. Le Cybercrime Actprévoit une peine de prison de cinq à vingt ans et une amende ne dépassant pas Rs 200 000.»
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