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20 avril 2021 13:49
C’est comme se tenir au bord du gouffre et être à bout de souffle. Depuis un an, en raison de la pandémie de Covid-19, les restaurateurs, comme de nombreux autres commerçants, sont touchés de plein fouet par la crise sanitaire. Une question revient sans cesse : comment se relever ? Après le premier confinement de 2020, qui a laissé de lourdes séquelles sur ceux exerçant dans ce domaine, ils essaient aujourd’hui de survivre à ce second lockdown, qui est venu une fois de plus tout chambouler. Si les restaurateurs ont pu reprendre du service le 1er avril avec la réouverture partielle autorisée par le gouvernement, cette reprise d’activités, qui leur permet d’opérer uniquement en livraison et en takeaway, est loin d’améliorer une situation déjà fragile et instable.
Cependant, malgré les challenges, les difficultés et des chiffres d’affaires qui peinent à remonter, nombreux sont les restaurateurs qui ont décidé de se battre et d’avancer pour ne pas mettre la clé sous la porte. Pour éviter de tomber dans le précipice, ils se réadaptent, réorganisent le travail et trouvent de nouvelles stratégies pour continuer à exister. Après trois semaines de fermeture, Nicola Matera de la pizzeria Aqua & Farina doit une nouvelle fois composer avec les aléas générés par la crise sanitaire. Si la situation semblait s’éclaircir après le premier confinement, replonger dans le même scénario laisse des traces.
Aujourd’hui, lance cet Italien installé à Maurice depuis quelques années, l’objectif est que le restaurant et son personnel puissent survivre. «La reprise a été assez compliquée. Nous avons réorganisé toute la logistique avec un service de livraison géré directement par nos soins. Cela m’a permis de garder tout le personnel.» En plus de proposer la livraison, il rivalise d’idées pour attirer les clients et leur plaire. Outre les différentes promos proposées, il offre aussi des menus précuits. «Pour faire face à la fermeture du dimanche, jour très important pour la restauration, les menus précuits sont préparés. Nous avons abandonné l'option surgelée car nous ne parvenions pas à gérer la chaîne de froid, les changements brusques de températures. Les plats précuits offrent un meilleur résultat et sont pratiques pour le client.» En ce temps de crise, son état d’esprit en tant que restaurateur et chef d’entreprise a changé, lance Nicola Matera. «Ce sont des mois où nous ne pensons pas aux bénéfices des entreprises. L'objectif est de couvrir les coûts et de maintenir l'entreprise en vie, sans réduire le personnel.»
Ce sont les mêmes préoccupations qui animent Brian Kong du Café de la Presse. Face à une situation compliquée, difficile de rester à flots. «C’est très difficile, surtout que nous nous trouvons à Port-Louis. La majorité de nos clients sont des employés de bureau des alentours et en ce moment, beaucoup de gens travaillent à la maison. On a quelques commandes mais ce n’est pas suffisant pour faire tourner l’entreprise.» Avec une situation financière de plus en plus critique, assumer les charges devient aussi un casse-tête. «Il y a les salaires, la location et l’électricité, qui demandent un gros budget. Pour le moment, heureusement que nous pouvons compter sur l’aide du gouvernement. Sinon, ce serait catastrophique pour nous.»
La priorité, lance Brian Kong, est de préserver autant que possible le staff mais combien de temps pourra-t-il tenir le coup ? C’est ce qu’il se demande. «Pour le moment, on tient bon. J’ai pensé mettre le personnel à mi-temps mais je ne veux pas en arriver là. Je sais que tout le monde essaie de s’en sortir.» Les mois à venir ne semblent pas augurer mieux. «Ça va peut-être s’avérer pire que 2020. Les dettes s’accumulent et ça devient de plus en plus difficile. Si la situation reste telle quelle, nous ferons face à de gros problèmes. Tout va dépendre de comment le gouvernement va gérer et des résultats apportés par la vaccination. Seule une vraie reprise pourra nous sauver.»
Aujourd’hui, tous ceux qui évoluent dans ce milieu, lance Javed Vayid, à la tête d’une chaîne de restaurants et du pub The Irish, vivent avec une épée de Damoclès sur la tête. «La plus grande crainte était de retomber en confinement après une année 2020 qui a connu son lot de défis à relever. La deuxième crise a été décisive et personne ne peut dire que c’est du business as usual. Nous devons continuellement faire face aux restrictions et aux conséquences économiques. Certains emplacements qui étaient nos best performers avant la Covid ont connu une baisse allant jusqu’à 50 % du chiffre d’affaires depuis juin dernier, surtout dans les zones touristiques. D’autres se sont montrés plus résilients. Nous allons conserver ces derniers et négocier un exit avec les autres.»
En effet, les conséquences de cette seconde vague ne sont pas négligeables. «Notre cas est particulier. Nous avons ouvert des restaurants dans presque tous les grands centres commerciaux de l’île entre 2019 et 2020, qui étaient essentiellement des années de construction. De nos quatre activités, il n’y a que l’activité fast-food qui a souffert. The Irish, par exemple, qui est notre pub-phare, a connu une forte croissance dès la reprise et a pu afficher des profits à la fin de l’année. Notre activité événementielle a pu également sortir du lot avec une croissance phénoménale. Aujourd’hui, tout est à l’arrêt et nous puisons dans nos réserves pour assurer les coûts d’opération.»
Cependant, pas question de baisser les bras. L’année dernière, son entreprise avait lancé bazmanzer.com, une plateforme en ligne pour répondre à la demande des Mauriciens. Aujourd’hui, dit-il, l’accent sera une fois de plus mis sur la digitalisation de l’entreprise et des services proposés. «L’homme a toujours su s'adapter à son environnement et nous sommes une entreprise très flexible. Selon les mesures prises par le gouvernement concernant les activités de restauration et événementielles, nous adapterons notre stratégie. Ce qui est certain, c’est que nous sommes déjà en train de nous diversifier dans la technologie et le digital. Nous venons de créer une entreprise de traitement de big data et nous sommes en train d’investir dans les nouvelles technologies financières. Le segment retail, qui était une valeur sûre, est devenu trop instable et prend du temps à récupérer. Entre-temps, nous n’avons d’autres choix que d’explorer de nouveaux centres de profits Covid-proof.»
C’est, dit-il, le seul moyen de s’en sortir.
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