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21 avril 2020 01:06
À l’heure du Covid-19, les commerces paient le prix fort, principalement les restaurants qui n’ouvrent plus depuis le début du confinement. Comment se maintenir à flot quand il y a zéro client et pas d’entrée d’argent dans les caisses ? C’est ce que se sont demandés de nombreux restaurateurs qui, après plusieurs semaines dans l’impasse, ont trouvé un moyen pour relancer, ne serait-ce qu'un peu, leurs activités. Depuis quelques jours, les restaurants et les fast-foods sont nombreux à proposer de nouveaux services. Livraison à domicile, plats à emporter ou encore surgelés… Face à la crise, les restaurateurs ont développé de nouvelles techniques pour exister malgré l’arrêt des activités.
Il a fallu pour cela définir une nouvelle stratégie, mettre en place de nouvelles logistiques et réorganiser le travail. Une réinvention nécessaire en ce temps de crise. Chez Aqua & Farina Pizzeria, le restaurant a été converti en laboratoire avec des règles d’hygiène strictes, lance Nicola Matera. «Nous proposons uniquement trois pizzas car il y a un manque de fourniture. Les personnes peuvent les récupérer ou se faire livrer. Il y a aussi des packs spéciaux avec des pizzas et des pâtes précuites qu’ils peuvent conserver au congélateur.»
Nicola Matera se heurte aussi à d’autres difficultés dont celle de la livraison. «Nous n’avons pas la logistique nécessaire. Nous sommes donc dans l’obligation de faire appel aux sociétés qui proposent ce service et je dois avouer qu’ils affichent des prix exorbitants.» Chez 3 Peppers, Kurush et Puja Parboteeah doivent aussi faire face à de nombreux défis. Au lieu de dix employés, la cuisine tourne aujourd’hui avec seulement trois personnes. «L’idée est de limiter les déplacements. Il y a aussi tout un système sanitaire avec des masques et des gants», explique Kurush Parboteeah.
À ces gestes barrières s’ajoutent d’autres dispositions, explique Puja Parboteeah. «Dès que nous recevons les produits, ils sont mis en quarantaine. Nous prenons beaucoup de temps pour désinfecter chacun d'eux. En fait, c’est beaucoup de travail pour peu de revenus.» Et en ce temps particulièrement difficile, les obstacles sont nombreux. Certains produits manquent à l’appel et les prix exercés n’arrangent pas les choses. «Certaines matières premières sont rares et tout est bien plus cher. Pour le moment, nous essayons de ne pas augmenter nos tarifs car nous savons que c’est un moment difficile pour tout le monde mais on se demande combien de temps nous pourrons tenir.»
Tout recommencer lorsqu’on a déjà un mode de fonctionnement bien huilé n’est pas évident. Ce n’est pas Javed Vayid, à la tête d’une chaîne de restaurants et du pub The Irish, qui nous dira le contraire. Les débuts, avoue-t-il, ont été laborieux mais avec une stratégie, l’esprit d’équipe et une bonne communication, les choses avancent pour Bazmanzer.com, un service de restauration en ligne lancé récemment. «L’entreprise fonctionne en équipe réduite bien en dessous de notre effectif normal. Je remercie d’ailleurs le staff qui a décidé de venir travailler ! Nous avons demandé et obtenu les permis nécessaires pour opérer, tout en respectant les normes prescrites par l’OMS. De nouvelles méthodes de travail et de nouvelles compétences ont été acquises ces derniers jours, n’ayant pas d’expérience antérieure dans le domaine de la logistique.»
Il a fallu apprendre vite. Aujourd’hui, lance Javed Vayid, le process est maîtrisé, si bien que son équipe et lui envisagent de proposer bientôt de nouvelles cuisines provenant d’autres restaurants et franchises internationales. Pour le moment, explique-t-il, le travail est divisé en trois équipes. Celle de la production qui s’occupe des commandes, de la préparation, de l’empaquetage et de la qualité des produits, celle de la livraison avec des chauffeurs et un parc de véhicules, et finalement l’équipe digitale qui gère le back-office, le marketing et la communication client. «Ce nouveau service est surtout un moyen d’innover et de découvrir de nouvelles opportunités de développement. L’environnement est propice pour lancer une telle plateforme, bien que les conditions d’opérations soient moins aisées qu’en temps normal.»
Rester positif malgré tout, c’est la devise de Clifford Ng, directeur d’Ocean Villas Mauritius. Depuis peu, le restaurant de l’hôtel, The Beach Kitchen, propose des plats en livraison. L’idée, affirme-t-il, n’est pas de faire du business as usual et de générer des profits. D’ailleurs, la rentabilité n’est pas forcément au rendez-vous. «C’est plus dans l’optique d’aider les Mauriciens. Après plusieurs semaines en confinement, ils veulent peut-être s’offrir un bon repas, célébrer un anniversaire en commandant quelque chose de spécial.» Comme les autres, The Beach Kitchen ne fait pas exception. Staff réduit, mesures sanitaires strictes, livraison sans contact. Tout est mis en place pour limiter les risques. «La désinfection est beaucoup plus fréquente. Nous avons seulement cinq employés en poste au lieu d’une bonne cinquantaine.»
Si beaucoup de restaurateurs affirment que ce geste est fait dans un élan patriotique, il y a quand même une réalité. L’argent doit rentrer pour pouvoir assurer le salaire des employés et payer les charges. Pour Nicola Matera, le plus important est d’optimiser les entrées économiques. «C’est ce qui nous permettra de maintenir le nombre d’employés et les conditions salariales. Nous faisons tous les efforts nécessaires et nous sommes confiants que ça finira par payer.»
En ce moment, poursuit Puja Parboteeah, l’idée n’est pas de faire des profits mais d’assurer la survie en attendant que viennent les jours meilleurs. Mais pour cela, dit-elle, ils auront besoin d’un coup de pouce. «C’est une situation très difficile pour tout le monde. Nous savons que les mois à venir seront difficiles. Les gens ne vont plus sortir comme avant. Nous attendons de l’aide de la part du gouvernement. Ce n’est pas d’un loan dont nous avons besoin mais d’un vrai soulagement. Peut-être au niveau des loyers, je ne sais pas, mais il faut trouver un moyen.»
Pour Javed Vayid, il est trop tôt pour dire si les frais sont couverts. Sur les 18 restaurants, un seul est opérationnel actuellement. «Le but aujourd’hui est simplement de garder la tête hors de l’eau et de pouvoir payer les salaires de nos employés et nos frais d’opérations. En tant que start-up et PME dans le secteur de la restauration, nous sommes l’une des entreprises les plus touchées par la crise. C’est un combat difficile mais je n’abandonnerai pas. Après la tempête vient toujours le soleil. J’espère juste qu’elle ne durera pas trop longtemps.» Clifford Ng est du même avis. Il est important, dit-il, de rester optimiste. Certes, l’avenir ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices mais il n’est pas question non plus de tomber dans le fatalisme.
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