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Ritesh Gobin, 11 ans, égorgé par Sachin Tetree, 37 ans : Pluie d’hommages pour un jeune garçon mort atrocement

29 octobre 2018

Suraj et Kushboo, les parents de Ritesh, sont anéantis.

Il a fait plutôt beau cette semaine. Pourtant, dans les cœurs des Mauriciens, l’orage n’a cessé de gronder. Tant la douleur causée par la mort atroce de Ritesh Gobin, 11 ans, était grande. Car le meurtre de ce jeune garçon par son voisin de 37 ans, Sachin Tetree, n’a pas seulement affecté sa famille mais toute l’île Maurice, comme à chaque fois qu’un enfant meurt dans de tragiques circonstances. Les hommages, les uns plus émouvants que les autres, ont plu sur les réseaux sociaux et dans les médias, une candlelight vigil a été organisée, des appels à éteindre les lumières ont été lancés. Les larmes de ses parents, de ses amis, de ses voisins, de tous ceux qui le connaissaient et même ceux qui ne le connaissaient pas n’ont pas arrêté de couler.

 

Oui, il a fait plutôt beau cette semaine. Y compris à Petite-Rivière, où habitait notre jeune ami. Un temps dont il avait toujours su profiter. Entre les balades à bicyclette, les parties de football avec ses amis et voisins, ou encore la cueillette de fruits dans le voisinage, il savait comment rendre agréable ses moments libres dans ce petit village où il ne se passe généralement rien d’extraordinaire. Il aimait aussi passer ses journées chez sa tante Simla*. «Li ti kontan get televizion, ekout lamisik, danse. Ti enn zanfan bien gayar. Li pa ti timid ditou», raconte celle-ci, effondrée. À 11 ans, Ritesh respirait l’innocence, l’insouciance, la naïveté, comme tous les autres enfants de son âge.

 

Sa générosité était sans bornes et il s’entendait bien avec tous ceux qui l’entouraient. D’où sa popularité dans sa localité. «C’était un enfant qui ne savait pas dire non. Il rendait service à chaque fois qu’on le lui demandait. Il avait passé la journée de samedi chez nous, avait déjeuné sur place et nous avait aidés avec le nettoyage», raconte, peiné, son oncle Pravesh. Une voisine, rencontrée au domicile de Ritesh quelques jours après le drame, ne tarit pas d’éloges sur lui.  «Il ne manquait jamais une occasion de me saluer. Il passait toujours devant ma porte avant d’aller jouer au foot avec ses amis après ses heures de classes.Ses parents nous répétaient sans cesse qu’il était un petit garçon débrouillard et qui ne se plaignait jamais lorsqu’il devait aider sa famille avec les tâches ménagères.»

 

Aux dires de ceux qui le côtoyaient régulièrement, il n’avait pas d’ennemis. D’ailleurs, comment un enfant de 11 ans pourrait-il en avoir ? Il y avait peut-être quelques animosités entre lui et des copains de classe avec lesquels il se serait disputé bêtement durant la récréation, mais sans plus. Pourtant, ce serait l’une de ces disputes qui aurait poussé Sachin Tetree, plus connu comme Sachin à commettre l’irréparable dans la soirée du samedi 20 octobre. Il a froidement assassiné Ritesh, dans la soirée du samedi 20 octobre sous les yeux de sa petite sœur de 9 ans. Il lui a tranché la gorge avec un cutter, ne lui laissant aucune chance de survie. Après son arrestation, il a clamé avoir fait cela par vengeance car le garçon se serait disputé, à l’école, avec l’un de ses fils, âgé de 11 ans également. Reshmi Sumboo, la concubine de Sachin, raconte que cette histoire remonte à deux ans : «Ritesh avait bousculé le fils de Sachin, né d’une première union. Mais les enfants avaient passé ce cap il y a longtemps et le problème était réglé.» Mais selon Sachin, le sujet serait revenu dans une conversation qu’il aurait eue avec le père de Ritesh plus tôt le jour du drame et tout cela lui serait revenu en tête. Il aurait alors décidé de s’en prendre au petit.

 

Mise en garde

 

Gagner la confiance de Ritesh afin de l’entraîner, avec sa sœur, dans les bois situés derrière le village intégré de Petite-Rivière n’a pas été difficile pour Sachin. Car les petits le connaissaient bien, à en croire leur père Suraj Gobin. «Cela fait plusieurs années que nous nous connaissons. Mon épouse et la sienne sont de la même famille. Et lorsqu’il a emménagé dans la localité, nous avons continué de nous fréquenter.» Ritesh n’avait aucune raison de se méfier du partenaire de beuverie de son père. «Sachin m’avait toujours donné l’impression d’être quelqu’un de bien. Il s’est toujours bien comporté avec moi. Si j’avais su qu’il pourrait faire du mal à ma famille, je ne l’aurais jamais laissé s’en approcher. À cause de lui j’ai perdu mon bras droit. J’espère que la peine de mort sera réinstroduite car je ne souhaite cette souffrance à aucun autre parent», confie Suraj. Pourtant, son épouse Kushboo l’avait déjà mis en garde concernant les intentions de Sachin. «Elle n’avait aucune confiance en lui et ne voulait pas qu’il s’approche de nos enfants. C’est une mère ; elle a l’œil pour ces choses-là. Mais je ne l’ai pas écoutée», regrette-t-il.

 

Kushboo Gobin, qui se trouve actuellement aux côtés de sa fille, admise à l’hôpital Jeetoo depuis qu’elle a été témoin du meurtre de son frère, est anéantie par le drame qui se joue dans la vie de sa famille. Et elle ne cache pas le mépris qu’elle a toujours eu pour Sachin Tetree. «Mo pa ti kontan manier li ti pe get mo tifi. Li ti pe fer lespri lor li», lance-t-elle avec émotion. La chronologie des événements du samedi 20 octobre, elle s’en souvient dans les moindres détails. Son époux étant rentré à la maison plus tard que d’habitude, elle l’avait questionné. «Il m’a répondu que Sachin et lui avaient bu quelques bières après le travail. Il m’a ensuite fait part de son intention de se rendre à la boutique pour acheter du poisson et une boisson forte. Lorsqu’il est rentré un peu plus tard, je lui ai demandé où se trouvaient les petits et il m’a répondu qu’ils arrivaient.»

 

Comme ils tardent à rentrer, Kushboo questionne à nouveau son époux. Ce dernier lui répond qu’il a appris qu’ils se trouvaient avec le même individu qui ne lui inspire pas confiance. «Sachin les avait convaincus de l’accompagner à la boutique en leur promettant des sucreries. Mais pendant que Suraj discutait avec le marchand de poisson, il en a profité pour s’éclipser avec les enfants.» La maman comprend que quelque chose de grave s’est produit en voyant arriver sa fille, complètement essoufflée. «Elle semblait traumatisée et m’a raconté que Sachin avait tranché la gorge de son frère. Elle était parvenue à s’enfuir après l’avoir mordu au bras lorsqu’il a tenté de la faire taire. Depuis, elle ne me parle plus de ce qui s’est passé ce soir-là.»

 

Protecteur

 

Le petit Ritesh s’en est allé comme ça, dans des circonstances aussi vaines qu’atroces, sans avoir pu réaliser de nombreux rêves. «Tout le monde souffre de ce qui lui est arrivé», raconte Simla. Pourtant, il croyait à sa bonne étoile. En Grade 6 à l’école primaire Pierre Desveaux de Marigny, il devait prendre part à ses examens du PSAC durant la semaine écoulée. «Il était convaincu de réussir et m’avait demandé de lui offrir un vélo lorsqu’il obtiendrait ses résultats», se souvient Suraj. Comme tous les petits garçons de son âge, il faisait de son mieux pour réussir à l’école afin de rendre fiers ses parents. «Il était l’aîné de la famille et s’était toujours montré protecteur envers ses frères et sœurs. Il nous aidait beaucoup à nous occuper d’eux», ajoute le père de famille.

 

Doté de nombreux talents, Ritesh allait bientôt tourner dans un film. Grâce à des amis, il avait récemment fait la connaissance du réalisateur Sada Rajiah lors d’un casting. «Des enfants de la région m’avaient parlé de leur ami et je leur ai demandé d’emmener Ritesh  au casting. J’ai réalisé qu’il était talentueux et qu’il pourrait incarner SAJ jeune dans mon prochain film», a affirmé le réalisateur. Mais alors que les choses étaient censées se concrétiser pour que le garçon ait sa petite heure de gloire au cinéma, sa vie s’est arrêtée subitement, atrocement. Il laisse derrière lui des parents bouleversés et trois sœurs et un frère encore trop jeunes pour comprendre ce qui leur est arrivé. Ainsi que toute une nation qui pleure sa tragique disparition.

 

* Prénom modifié

 


 

Hommage à Ritesh Gobin le temps d’une veillée à la bougie

 

 Ils ne sont pas restés insensibles au drame qui a frappé la famille Gobin après le décès du petit Ritesh, 11 ans, froidement assassiné à coup de cutter le samedi 20 octobre dans sa localité. C’est la raison pour laquelle ils sont environ une centaine à avoir fait le déplacement jusqu’à la Place d’Armes, le mercredi 24 octobre, en signe de recueillement. Pendant environ 40 minutes, la petite foule, munie de bougies, de lampes ou de mouchoirs blancs, a rendu hommage au jeune garçon. Pour beaucoup, il est impératif de trouver une solution pour que de tels drames ne se produisent plus. Rubeena, l’une des participantes à cette veillée à la bougie, elle-même mère de famille, déclare : «Nous devons nous mobiliser pour que de tels crimes ne se produisent plus. Nos lois doivent être plus sévères. C’est une situation vraiment difficile que doit traverser cette famille, mais la peine de mort de serait pas forcément une solution. Le public doit commencer par changer de mentalité.» Tandis que Kevin, un autre participant, est d’avis que le gouvernement doit réinstaurer la peine de mort. «J’ai tenu à participer à cette marche parce que ce qui est arrivé à ce petit garçon m’a particulièrement touché. Il aurait pu être mon frère ou mon neveu. Cela aurait pu arriver à n’importe qui. J’estime que la peine capitale devrait être envisagée de sorte à décourager d’autres personnes à commettre de tels crimes. » Par ailleurs, un grand rassemblement aura aussi lieu à 10 heures, ce matin, au domicile du petit Ritesh Gobin afin de lui rendre un dernier hommage. Cette marche débutera à son domicile et prendra fin sur le lieu du crime, où une prière sera dite à midi. Tous ceux souhaitant prier pour lui y sont conviés.

 


 

Les politiciens touchés

 

Ils ne pouvaient pas faire l’impasse sur ce terrible drame. Que ce soit Pravind Jugnauth, Alan Ganoo, Paul Bérenger ou Xavier-Luc Duval, ils ont tous évoqué le meurtre du petit Ritesh. Le Premier ministre a été l’un des premiers à prendre la parole. C’était lors du congrès du MSM à Rivière-du-Rempart. «Ce genre de personne, ce genre de criminel ne mérite pas de vivre sur la terre. J’ai mon opinion personnelle. J’espère que chacun prendra ses responsabilités», a-t-il déclaré, relançant ainsi le débat autour de la peine capitale. Comme à chaque fois après un crime odieux et, plus particulièrement depuis le drame de Petite-Rivière, de nombreux Mauriciens réclament en effet la peine de mort pour le meurtrier. Touchés par ce drame, les autres politiciens en ont également parlé lors de leurs conférences de presse.

 

Selon Alan Ganoo, du Mouvement Patriotique, aujourd’hui, plus que jamais, il faut un renouvellement des valeurs morales et sociales de notre société. «Ce qui s’est passé nous a tous choqué. Nous sommes tous coupables.» Il est impératif, dit-il, que le gouvernement vienne de l’avant avec un Child Protection Bill. Paul Bérenger a également parlé du petit Ritesh dans sa conférence de presse affirmant que son parti est bouleversé par tous ces crimes qui secouent le pays ces derniers jours particulièrement celui de cet enfant. «C’est révoltant de voir ces crimes à un moment où ceux qui sont à la tête du pays réagissent comme si tout allait pour le mieux», a-t-il martelé.  Xavier-Luc Duval a, lui, tenu à sympathiser avec la famille de la victime :  «Je présente mes sympathies à la famille. Ce crime nous a brisé le cœur.»

 


 

Ces enfants martyrs

 

La fin tragique de Ritesh nous rappelle, hélas, que plusieurs enfants ont succombé à des agressions au fil des années. Retour sur quelques cas qui sont restés dans les mémoires.

 

Eleana Gentil, la tragédie de l’enfant d’Anoska

 

 

Elle avait disparu un dimanche de Pâques, à Cité Anoska, 16e mile. Onze jours plus tard, le 15 avril 2015, le corps de Marie Eleana Eduarda Gentil, 11 ans, est découvert à Nouvelle-France, gisant à quelques mètres de la route. La victime est partiellement dénudée, ce qui laisse penser qu’elle a été agressée sexuellement, et porte une profonde blessure à la tête. Mais difficile pour le médecin-légiste de déterminer la cause exacte de la mort vue l’état de décomposition avancé du corps. Deux suspects sont arrêtés avant d’être finalement relâchés. Quelques jours plus tard, une marche pacifique est organisée au nom de la petite. Maurice crie «plus jamais ça».

 

Joannick Martin, martyrisée par son oncle

 

 

Horreur à Cité Richelieu. Le 12 septembre 2010, José Tristan Casimir, 47 ans, viole et tue sa nièce, Joannick Martin, 7 ans. Depuis la séparation de ses parents, la petite vivait avec sa mère et d’autres membres de la famille dans une petite maison à Cité-Richelieu, dans la précarité. Elle avait même été contrainte de demander l’aumône. Joannick était aussi le souffre-douleur de son oncle qui a fini par la tuer. Face à l’horreur de cette affaire, plusieurs Mauriciens se réunissent pour une marche pacifique et un dépôt de gerbes en hommage à la fillette. Deux ans plus tard, alors qu’il devait faire face à la justice, son meurtrier s’est donné la mort dans sa cellule.

 

Drishtee Jeetoo, torturée par son beau-père

 

 

Elle n’avait que 3 ans ! Le 14 décembre 2010, Drishtee Jeetoo, succombe aux coups du compagnon de sa mère, Yavinash Luchmun, 27 ans. Le matin du drame, Yavinash avait emmené sa belle-fille à la boutique du coin pour acheter quelques friandises et ensuite sur le terrain de foot de la localité. Mais lorsque la fillette refuse de rentrer, Yavinash entre dans une colère noire et la tabasse. En route pour l’hôpital, Drishtee rend son dernier souffle dans les bras de son bourreau.

 

Anusha Banee, tuée par le compagnon de sa mère

 

 

En juillet 2006, Stephano Tossé, 26 ans, s’acharne sur Anusha, 3 ans, et Ryan, 5 ans, les enfants de sa compagne Rajnee, avant de se jeter d’un autopont à Pailles. À l’hôpital, on découvre que la fillette, dans un état grave, a été brulée avec des mégots de cigarette, blessée avec une arme chauffée à blanc. Elle rendra l’âme plus tard des suites d’une septicémie. L’autopsie révèlera qu’elle avait également subi des sévices sexuels. Rajnee avouera être responsable de la mort de sa fille avant de revenir sur sa version des faits et d’accuser son compagnon.

 

Manchika Ghumariah, égorgée par son père

 

Soupçonnant sa femme d’infidélité, Rakesh Ghumariah, un maçon de 29 ans, perd la tête le 18 septembre 2005. Il s’empare d’un canif, s’acharne sur Dulekha, 24 ans, avant de trancher la gorge de leur fille Manchika, 4 ans et demi. Ensuite, il tente de se suicider par immolation. Sur son lit d’hôpital, il dit ne pas avoir supporté que sa femme puisse avoir un amant. Deux semaines avant le drame, Dulekha, qui était une femme battue, avait appelé sa mère pour lui demander de l’accompagner au poste de police. Elle voulait demander un Protection Order.

 

Marie Anita Jolita, la fin atroce d’un bébé

 

 

Ce n’était qu’un bébé. Le 5 juillet 2005, le corps sans vie de la petite Marie Anita Jolita, 2 ans et demi, est retrouvé dans un marécage à Mare-La-Chaux. L’autopsie révèle que l’enfant, qui porte de nombreuses blessures, a été victime d’agression sexuelle. Deux suspects sont arrêtés. Le 13 juin 2011, la cour d’Assises déclare Jean Mervyn Roberto Lotoah, 24 ans, coupable du viol qui a occasionné la mort de la petite Marie Anita Jolita. Il est condamné à 30 ans de prison pour viol et à 40 ans pour tentative de meurtre. Ludovic Prodigue, son complice, a admis sa culpabilité en cour et a été condamné à 26 ans de prison.

 

Textes : Elodie Dalloo  et Amy Kamanah-Murday

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