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Par Elodie Dalloo
20 octobre 2020 02:34
Ils avaient longtemps pensé qu’il n’y avait rien de pire que la douleur et le chagrin causés par la perte d’un être cher ; surtout lorsque celle-ci survient de manière brusque et tragique. Mais au cours de ces deux dernières années, les membres de la famille Chaumun ont été submergés par une multitude d’émotions ayant rendu leur deuil impossible. Rongés par les interrogations et le doute suite à l’agression mortelle de l’un des leurs – Farouq, un chauffeur de taxi de 64 ans, égorgé à quelques mètres de leur domicile le 3 novembre 2018 –, ils n’ont, depuis, cessé de s’en remettre aux forces de l’ordre afin d’obtenir les réponses à leurs innombrables questions ; l’affaire n’ayant pas encore été résolue. Jusqu’à ce mardi 13 octobre, où de nouveaux développements dans cette affaire sont venus augmenter leur détresse au lieu de leur apporter la paix qu’ils recherchent tellement. Le fils unique de la victime, Riyad Chaumun, a été arrêté pour le meurtre.
Les analyses ADN effectuées par un laboratoire étranger ont livré leurs résultats presque deux ans plus tard et incriminent cet homme de 40 ans. Il était d’ailleurs l’une des personnes à faire la découverte macabre dans la matinée du 3 novembre. Le corps sans vie de Farouq Chaumun gisait sur un terrain en friche situé au bout de l’entrée conduisant à sa maison, à la rue Rémy Ollier, Quatre-Bornes. Il avait une profonde entaille au cou ; un coup donné par un couteau de cuisine appartenant à sa famille. C’est d’ailleurs ce «slash wound to the neck» qui, selon l’autopsie, avait entraîné sa mort. Cette semaine, Riyad Chaumun a donc été appréhendé par les limiers de la Major Crime Investigation Team (MCIT) et une accusation provisoire de meurtre a été logée contre lui devant le tribunal de Rose-Hill. À ce stade, il nie en bloc les faits qui lui sont reprochés et bénéficie du soutien sans précédent de son entourage qui reste convaincu de son innocence. Surtout sa mère Sulmah qui est plus désemparée que jamais après ce développement de taille et tellement inattendu.
D’autant que son fils et elle n’ont eu de cesse de rechercher des réponses durant ces deux dernières années. «Nous avons fait des allers-retours au bureau de la CID de Quatre-Bornes pour savoir où en était l’enquête durant tout ce temps. Mon fils m’assistait à chaque fois dans mes démarches. Pensez-vous que s’il était réellement derrière ce crime, il m’aurait accompagnée ?» lâche celle qui est l’épouse de la victime et la mère du présumé meurtrier. Alors qu’elle n’a pas encore pu faire le deuil de son mari, voilà que son fils unique, devenu son pilier après ce décès tragique, a été arrêté dans cette affaire. Un cauchemar sans fin pour Sulmah. «Riyad ti enn bon garson avek so papa. Li ti pe viv extra bien avek so fami. Il ne boit pas, ne fume pas, n’a aucun vice. Il a toujours été généreux et son entourage a toujours été une priorité pour lui. Il n’aurait jamais été capable de faire une chose pareille à son père.» Elle poursuit, la voix cassée par l’émotion : «Je garde tout de même la foi. La vérité finira par triompher tôt ou tard, par la grâce de Dieu.»
C’est en se basant sur plusieurs facteurs que les limiers de la MCIT ont procédé à l’arrestation de Riyad cette semaine. Le premier est la présence de ses empreintes sur l’arme du crime – le couteau de cuisine appartenant à la famille Chaumun –, confirmée par les tests ADN. Pour justifier cela, Sulmah explique : «N’importe qui aurait pu y avoir accès. Nous avons une cuisine se trouvant à l’extérieur et tout le monde peut y accéder car elle n’a pas de portes. Nous sommes plusieurs à avoir utilisé des couteaux de cuisine pour couper des fruits pour le service des morts. Les empreintes de n’importe qui d’entre nous auraient donc pu se trouver sur l’objet.» D’ailleurs, les empreintes de Riyad ne sont pas les seules à avoir été relevées sur l’arme ; celles de sa mère s’y trouvaient aussi mais les enquêteurs ont déterminé qu’elle n’aurait pas eu la force nécessaire pour maîtriser le sexagénaire, vu la manière dont il a été tué. Elle n’a donc pas été inquiétée jusqu’ici.
De plus, les enquêteurs ont noté des contradictions dans les différentes dépositions faites par le fils de la victime depuis 2018. Il avait, dans un premier temps, avancé qu’il n’avait jamais vu le couteau récupéré sur les lieux. Mais suite à son arrestation, il a déclaré qu’il se pourrait que celui-ci appartienne à sa famille, d’où la présence de ses empreintes sur l’objet. Enfin, les enquêteurs ne comprennent pas pour quelle raison Riyad était allé à la recherche de son père le jour du drame, alors qu’il ne le faisait pas d’habitude. À cela, son entourage explique : «Lorsqu’il est allé voir sa mère, celle-ci lui a dit que Farouq s’était rendu à la boutique il y a un bon moment et qu’il n’était pas encore rentré. Il est allé voir son cousin, qui habite à côté, en pensant que son père s’y trouverait. Vu que Farouq était introuvable, ils sont tous les deux allés à sa recherche et sont tombés sur son corps. C’est normal pour un fils de s’inquiéter lorsqu’il ne sait pas où est son père !»
C’est là que Riyad et son cousin ont retrouvé le corps sans vie de Farouq Chaumun sur un terrain en friche, au bout de l’entrée menant à sa maison. Ils auraient pensé, dans un premier temps, qu’il avait fait un malaise – le sexagénaire souffrant de tension basse – mais en le retournant, ils ont constaté qu’il avait été agressé. Dans un premier temps, Riyad avait orienté les policiers vers la thèse du vol ayant mal tourné, leur expliquant qu’il serait probable que la victime ait été égorgée en tentant d’empêcher un voleur de cueillir des jaques. Deux individus avaient même été interpellés avant d’être relâchés mais vu que les images des caméras de surveillance situées à proximité n’avaient révélé la présence d’aucun individu suspect, cette possibilité avait par la suite été écartée.
L’épouse de Riyad défend également ce dernier bec et ongles. «Mo finn lev avan li sa zour-la pou okip nou bann zanfan. Ce n’est que vers 6h35, après que son alarme se soit déclenchée, qu’il s’est réveillé et s’est préparé. Il est descendu voir sa mère aux alentours de 7 heures. Il est inconcevable pour la police de l’accuser d’un tel acte alors qu’il est tombé sur le corps de son père durant les minutes qui ont suivi», justifie-t-elle. Les tantes du quadragénaire, qui habitent dans la maison d’à côté, confirment ses dires : «Nous avons entendu Riyad sortir de chez lui pour se rendre chez sa mère. Vre krim-la se ki pe akiz piti-la. Se enn bon zanfan ki finn deza met so prop lavi an danze pou so papa. Eski la polis gagn drwa fer sa ek enn dimounn inosan ?»
Suite au décès tragique de son père, Riyad n’avait cessé de hurler sa peine. «Sa dimounn kinn fer sa-la pena so plas lor later ! Mo tia prefer Bondie pran mwa ek retourn mo papa. Li inexplikab seki mo pe resanti zordi», nous avait-il déclaré le jour des funérailles de son père. Jusqu’à présent, il clame haut et fort son innocence dans l’enquête pour le meurtre de son père et déclare que la vérité finira par triompher. Il a retenu les services des Mes Shafik Cassim Jeehan, Imtihaz Mamojee et Rama Valayden. Est-il réellement innocent, comme il l’affirme, ou bien s’en est-il pris à son père à cause d’une histoire d’héritage, comme le soupçonne la police ? Il sera confronté à d’autres éléments lors de ses prochaines auditions.
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