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Ruth Dreifuss, présidente de la Global Commission on Drug Policy : Face à la guerre aux drogues, décriminalisons

21 juillet 2016

Ruth Dreifuss, présidente de la Global Commission on Drug Policy

Son message : il faut trouver des moyens pour réduire le marché illégal de la drogue et non punir la consommation. Alors que les nouvelles drogues synthétiques continuent à faire des ravages chez nos jeunes, Ruth Dreifuss, ancienne ministre de la Santé de Suisse et aujourd’hui présidente de la Global Commission on Drug Policy, en visite à Maurice, est venue partager son expérience et apporter un nouvel éclairage sur les possibles réformes de politique drogue.

 

Au cours de sa visite, l’ancienne conseillère fédérale a animé une conférence à l’Université de Maurice où elle a eu l’occasion d’interagir avec le public et d’aller à la rencontre du Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, d’Anil Gayan, ministre de la Santé, de la présidente Ameena Gurib-Fakim, et d’une coalition d’ONG impliquées dans la lutte contre le SIDA et la politique drogue, deux conditions fortement liées. Lors de ces rencontres, Ruth Dreifuss a fait part de son admiration pour les décisions prises par Maurice ces dernières années en matière de lutte contre la drogue : «Je sais que Maurice a été pionnier dans le traitement à la méthadone et dans la distribution de seringues stériles. Je tenais donc à rendre hommage à ces dix ans de travail dans la région africaine.»

 

Cependant, Ruth Dreifuss a aussi tenu à faire part de ses interrogations quant à l’avenir de la politique drogue à Maurice. «Je savais qu’il y avait eu une nouvelle orientation politique et, dans une certaine mesure, un changement de cap avec des tentatives de réduire le traitement à l’héroïne en n’acceptant pas de nouveaux patients. Cela, dans une phase où l’on met en place un traitement qui vise à l’abstinence, facilité par des médicaments. J’étais curieuse de savoir ce qu’il en était et inquiète à l’idée qu’on renonce à accepter de nouveaux patients sous méthadone si c’est le traitement qui leur convient le mieux»,a-t-elle expliqué lors d’une table ronde qui a eu lieu le jeudi 14 juillet à l’hôtel Le Labourdonnais.

 

Ruth Dreifuss a aussi tenu à visiter un des centres de distribution de méthadone afin de savoir comment et pourquoi la mise à disposition de la méthadone se fait dans les commissariats de police. Toutes ces questions ont donc été évoquées avec Anil Gayan lors de leur rencontre au cours duquel les mesures de santé et de prévention des risques ont été évoquées. Un échange qui a été, selon l’experte, «riche» en partage. «Nous avons abordé divers sujets, comme la méthadone accessible dans les postes de police – il a fait état de la difficulté de trouver d’autres lieux acceptés par la police. Le dialogue a été musclé. Il défend son point de vue avec beaucoup d’intérêt, mais il a aussi été d’une grande écoute»,a-t-elle souligné, en précisant qu’elle a défendu, face à Anil Gayan, la décriminalisation de la consommation et la dépénalisation du cannabis. Pour Ruth Dreifuss, il existe aujourd’hui une grande disproportion dans le monde entre les délits commis par les petits acteurs de la chaîne criminelle, comme les dealers, et ceux qui organisent le trafic à l’échelle internationale : «Ils sont punis avec une rigueur qui n’a aucune relation avec leur crime et qui ne prend pas en considération leur situation. Nous avons besoin d’une coopérative internationale pour lutter contre le crime organisé.»

 

Considérer la drogue comme un problème de santé publique et décriminaliser la consommation sont deux piliers du plaidoyer de la commission globale sur les politiques en matière de drogues. Pour la présidente de cette commission, la relation entre les mesures de santé publique et la répression de la consommation est en contradiction : «On ne peut pas à la fois affirmer que c’est un problème de santé publique, proposer des mesures qui en quelque sorte favorisent la consommation – donner une seringue, c’est reconnaître que quelqu’un consomme – et en même temps lui faire risquer une peine s’il est arrêté avec la seringue qui contient de l’héroïne.»

 

Pour Ruth Dreifuss, il est du devoir de l’État de reprendre le contrôle de ces marchés et de ne pas les laisser entre les mains de criminels. La production, l’exportation, la vente doivent être, dit-elle, organisées par l’organisation publique et non par les criminels afin de permettre une meilleure prévention. 

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