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Série de noyades : La détresse des proches des victimes

10 janvier 2015

Ses deux fils se noient à Bassin Loulou

 

Trilock Dooblab : «Ma maison est devenue un cimetière»

 

 Trilock Dooblab et son épouse sont suivis par un psychologue depuis la fin tragique de leurs fils Vimal et Vishal.

 

C’est un homme désespéré. L’heureux père qu’il était jusqu’à dimanche n’est plus que l’ombre de lui-même depuis les terribles événements qui ont frappé sa famille ce jour-là. Le front ridé, le visage triste, les yeux perdus au loin, Trilock Dooblab essaie de mettre des mots sur le calvaire qu’il vit depuis le 4 janvier. «Enn sel kou monn perdi mo de garson. Mo ti ena zis de zanfan. Ma maison est devenue un cimetière», confie-t-il, la voix nouée par le chagrin.

 


En ce premier dimanche de 2015, Vishal, 21 ans, étudiant à l’Université de Maurice, et son frère Vimal, 20 ans, un policier affecté à la Special Mobile Force, se sont tous deux noyés à Bassin Loulou, Belle-Rose. Laissant leurs parents dans une tristesse indescriptible. Pourtant, ce jour-là avait bien commencé pour les Dooblab. La famille recevait des proches chez eux à l’avenue Poivre, Quatre-Bornes, pour célébrer le Nouvel An et tout se passait très bien, dans la joie et la bonne humeur. Et puis, ce fut le drame quand les jeunes ont décidé d’aller nager à Bassin Loulou.

 


Depuis, Trilock, 56 ans, et son épouse Chanda, 46 ans, qui travaillent comme marchands de gâteaux à Sodnac, font peine à voir. Chanda s’est murée dans le silence tant son calvaire est dur à supporter. Son époux semble tenir le coup bon gré mal gré. Il nous raconte ce qui s’est passé ce jour-là. «Vishal et ses deux cousins devaient initialement se rendre à la colline de Candos pour une balade. Je ne sais pas comment ils se sont, par la suite, retrouvés à Bassin Loulou. C’est la première fois qu’ils se rendaient là-bas. Vimal est parti les rejoindre à moto plus tard. Mon aîné et mes deux neveux étaient dans l’eau à ce moment-là. Le drame s’est produit quand Vishal a commencé à couler», explique Trilock.

 


Le jeune policier, qui était assis sur un rocher au bord de l’eau, s’est alors jeté à l’eau pour secourir son frère : «Vishal criait à l’aide et s’est agrippé à Vimal lorsque ce dernier est arrivé à sa hauteur. Tipti la inn rod tir li me gran la inn may li ek tou so pwa lekor avan kumans bwar dilo ek larg so ti frer. Vimal s’est noyé peu après sous le coup de la fatigue. Paniqués, mes deux neveux ont alors téléphoné à gauche et à droite pour avoir de l’aide.»

 


C’est vers 17h50 que la terrible nouvelle lui est parvenue. «J’ai eu le choc de ma vie. Mettez-vous à ma place ; j’ai tout perdu. Je ne souhaite à personne de vivre ce que nous vivons depuis dimanche dernier. C’est un véritable calvaire. Notre vie est devenu un enfer. Mon épouse est complètement abasourdie. Pa fasil ditou sa, de kadav sorti dan ou lakaz enn gran le 5 zanvie. Ou rann ou kont, zour so lamor inn fer enn an depi mo dernie garson inn rant la polis. Se ki pli gran la ti ena plin proze. Li ti anvi al Canada pu travay apre so bann kour liniversite», se lamente Trilock.

 


Vishal et Vimal laissent derrière eux une famille accablée et rongée par le chagrin. Un psychologue a été dépêché chez le couple Dooblab par le gouvernement pour les aider à faire face à la douleur. Une douleur atroce, car perdre son enfant est la pire chose qui puisse arriver à des parents. Et dans ce cas, ils en ont perdu deux d’un seul coup. Les deux seuls qu’ils avaient.

 


 

 

Varun Dindoyal perd la vie alors qu’il est en vacances à Maurice

 

Son frère Vashisht : «Je n’ai rien pu faire pour le sauver»

 

Vashisht vit très mal cette douloureuse séparation.

 

Il est rongé par le chagrin et les regrets. Vashisht Dindoyal, 25 ans, habitant Mare-Tabac, a vu son frère aîné Varun, 27 ans, se noyer sous ses yeux. Le drame s’est produit le dimanche 4 janvier à Bassin Camaron, La Cambuse, où les deux frères faisaient du camping avec des amis. Varun, Wine Keeper sur un bateau de croisière, était rentré au pays le 5 novembre et devait repartir le 6 janvier. Mais deux jours avant son départ, alors qu’il nageait en compagnie de six autres personnes, il a été englouti par de grosses vagues. Il ne s’en est pas sorti vivant.

 


Vashisht raconte que le drame s’est déroulé en quelques secondes : «Nous étions allés camper depuis la veille avec des amis. Le matin, peu après le réveil, nous sommes tous rentrés dans l’eau pour nous rafraîchir avant de prendre le déjeuner et de rentrer à la maison. Peu après, mon frère a été englouti par trois vagues successives et s’est noyé.» À ce moment-là, Vashisht venait de sortir de l’eau. «J’étais sur la plage et mon frère nageait avec deux amis non loin. Ils ont été subitement emportés par le courant après qu’une grosse houle s’est écrasée sur eux. Les deux autres ont pu s’en sortir, mais mon frère a été happé par deux autres grosses vagues. Enn sel kou linn disparet. Enn peser inn ampes mwa rant dan dilo pu sey sov li. Je n’ai rien pu faire pour sauver mon frère de la noyade», pleure Vashisht amèrement.

 


Le corps de Varun a été retrouvé après presqu’une heure, une centaine de mètres plus loin. «Au début, il a tenté de s’en sortir en s’agrippant à un morceau de bois qui flottait», souligne le jeune frère. Hélas, les flots l’ont emporté et englouti.

 


Depuis le drame, les parents de Varun, Viranand, 53 ans, et Saviata, 45 ans, ainsi que Vashisht, le seul fils qui leur reste, vivent un immense chagrin. Comment accepter la mort soudaine et tragique de cet être cher qui avait tellement de projets ? Le jeune homme, qui travaille sur des bateaux de croisières depuis cinq ans, devait se rendre au Brésil pour exercer sur un bateau de croisière lors du grand carnaval de Rio.

 


Varun a commencé comme serveur et a très vite gravi les échelons pour devenir Wine Keeper. Il se donnait à fond dans son travail qui le passionnait. Hélas, il ne prendra plus jamais la mer qu’il aimait tant, c’est cette dernière qui l’a pris. 

 


 

 

Nishal Chooramun, 14 ans, et son oncle Madan Ramrecheea unis dans la mort

 

Roshan Ramrecheea remercie ceux qui ont témoigné leur sympathie à sa famille après le décès de son frère Madan.

 

Il passait les vacances scolaires chez son oncle avec d’autres cousins. Une tradition qui perdure depuis des années. Pour ne pas déroger à la règle, Nishal Chooramun, 14 ans, se trouvait chez Madan Ramrecheea à Carreau Laliane, Vacoas, en ce début d’année, pour vivre sa dernière semaine de vacances. Quelques jours que l’adolescent voulait savourer aux côtés de son oncle et de ses cousins avant de reprendre l’école.

 


«Mon frère adorait ses neveux et nièces. Il faisait tout pour leur offrir des vacances scolaires extraordinaires avec le peu de moyens qu’il avait. C’était le genre de personne qui pouvait donner son cœur à sa famille», pleure Roshan Ramrecheea, écrasé de douleur. Car depuis le 4 janvier, cette famille vit un terrible drame : Madan Ramrecheea, 50 ans, et son neveu Nishal Chooramun sont morts noyés ce jour-là.

 


«Il y avait une sortie familiale de prévue. Mais mon neveu Nishal, lui, voulait aller à la plage pour admirer la marée. Un autre cousin et lui ont insisté auprès de mon frère pour qu’il les conduise à la plage de Flic-en-Flac. Et les trois y sont allés, alors que le reste de la famille a suivi le plan initial», soutient Roshan Ramrecheea, sous le choc.

 


Mais une fois à Flic-en-Flac, ce fut le drame. «Ils sont allés du côté de Villa Caroline pour voir la marée et sont tombés dans un trou. L’un de mes neveux a réussi à sortir sa main de l’eau et a fait des signes pour qu’on vienne le secourir. Un touriste qui était dans les parages s’est jeté à l’eau et l’a secouru, raconte Roshan qui ne peut contenir ses émotions. Une fois hors de danger, mon neveu a réalisé que son oncle et son cousin manquaient à l’appel et l’a fait savoir à ceux présents sur les lieux. L’alerte a été donnée à la National Coast Guard et leurs corps sans vie ont été repêchés plus tard.» Le rescapé,  un adolescent de 14 ans, a reçu des soins à l’hôpital avant de regagner son domicile.

 


À Pailles, où vivait Nishal Chooramun, ses parents se sont murés dans un silence implacable et n’ont pas de mots pour exprimer leur tristesse. «Nishal avait brillamment réussi à ses examens de Form IV et devait participer aux examens du School Certificate cette année, tout comme son cousin qui a échappé à la noyade. C’était un adolescent responsable qui voulait compléter ses études et, plus tard, aller à l’université. Hélas…» murmure Roshan, les yeux gonflés d’avoir trop pleuré. Car perdre deux personnes de sa famille de façon tragique dans la même journée est une terrible épreuve.

 


Madan Ramrecheea, marié et père de famille, était chauffeur d’autobus au sein de la Compagnie nationale de transport. «C’était un père très dévoué. Son fils attend actuellement ses résultats du Higher School Certificate et il avait déjà entamé des démarches pour lui trouver un établissement tertiaire à l’étranger.» Pour joindre les deux bouts, Madan Ramrecheea cultivait des légumes sur un terrain agricole familial et offrait des services d’électricien de temps à autre à ceux qui faisaient appel à lui.

 


«Nous remercions tous ceux qui nous ont aidés et soutenus durant cette épreuve», précise Roshan Ramrecheea. Car chaque petit geste compte pour cette famille qui vit l’un des pires moments de sa vie avec les départs subits de Nishal Chooramun et Madan Ramrecheea.

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