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Ses poignets sectionnés lors d’une agression | Aslam Noursing : «Je vis une souffrance terrible au quotidien»

21 mars 2016

Aslam a, à sa charge, deux enfants en bas âge.

Il est 20 heures en ce vendredi 18 mars. Les préparatifs vont bon train au domicile des Noursing, à New-Grove, en attendant le début de la réunion organisée par le Comité Solidarité Familles Noursing et Edoo prévue pour 20h30. Ceux présents s’activent à mettre la touche finale à la sonorisation pour permettre à tous les invités d’entendre le discours de circonstance du principal concerné, Aslam Noursing.

 

Le jeune homme, qui a été autorisé à rentrer chez lui après neuf jours d’hospitalisation, est là avec ses amis et co-équipiers du New Grove Blackpool Football Club qui joue en première division régionale. Ils discutent, entre autres, du dernier match de foot qu’ils ont joué le 27 février sur le terrain de foot de Rose-Belle.

 

Assis sur un canapé, vêtu du pantalon de tracksuitde son équipe et d’un débardeur, Aslam affiche un sourire qui masque momentanément son tourment pour raconter ses prouesses ce jour-là en tant que gardien de but. Son ami d’enfance Balloo, qui joue dans la même équipe, fait également son éloge. Tous rigolent, plaisantent, évoquent les bons souvenirs. On en oublierait presque les bandages qui enrobent les poignets d’Aslam où il n’y a plus de mains. Mais derrière cette joie de façade, l’amertume est plus que jamais présente. «Sa mem mo dernie match. Get kinn ariv mwa so mardi», lance Aslam tout à coup. L’atmosphère s’alourdit, les visages se ferment.

 

Tous repensent à ce mardi maudit où, suite à un appel téléphonique signalant une panne, Aslam, tôlier et propriétaire d’un dépanneur-remorqueur, s’est rendu à Cluny avec son ami Fadil Edoo pour aider le véhicule en difficulté. C’était un piège car, sur place, une bande d’hommes masqués a attaqué sauvagement les deux hommes. Aslam a eu les poignets sectionnés ainsi qu’un tendon d’Achille partiellement, alors que Fadil a été grièvement blessé à la main, à la tête et à d’autres parties du corps.

 

Aujourd’hui, Aslam doit être assisté dans presque tout ce qu’il fait. Pour se vêtir, se laver, se nourrir, pour boire ne serait-ce qu’un verre d’eau, il doit faire appel à quelqu’un. Ce qui est terrible pour une personne qui avait l’habitude d’être totalement indépendante.«Je vis une souffrance terrible au quotidien», nous confie-t-il en larmes.

 

L’heure de la réunion approche en ce vendredi 18 mars. Après l’azaanpour le namaz esha, soit l’appel à la prière du soir pour les musulmans, Aslam profite que la petite salle verte aménagée devant sa maison est encore quasiment vide pour aller se rafraîchir. Aidé de ses amis, il emprunte l’escalier qui mène à sa chambre au premier étage de la demeure familiale. Malgré sa blessure au talon d’Achille, il arrive à se tenir sur ses jambes et à se déplacer.

 

Sur le coup de 21 heures, la rencontre est lancée par une récitation du saint Coran. Quand Aslam fait son entrée sur le podium, tous les regards sont braqués sur ses poignets bandés. Les traits tirés et surpris par l’importante foule présente, il avance vers le micro à petits pas en raison de sa blessure au pied. Mais il a l’air sûr de lui.

 

Ses amis et les membres de sa famille ne le lâchent pas d’une semelle. Ils constituent sa garde rapprochée depuis qu’il est rentré à la maison et sont aux petits soins pour lui. Le silence qui s’installe au moment où Aslam prend la parole donne des frissons. D’emblée, il martèle qu’il a été victime d’un acte de vengeance.

 

Alors qu’il avait déclaré sur son lit à l’hôpital, juste après son agression, que son agression était peut-être due à sa liaison extraconjugale avec une coiffeuse, il soutient cette fois que ce n’est pas vrai. Il est convaincu, dit-il, que c’est à cause d’une violente altercation qu’il a eue avec un pompier et un chauffeur d’autobus à la suite d’un incident avec sa mère. Il avait giflé les deux hommes qui avaient promis de se venger. Il l’a dit dans sa déposition à la police, le mercredi 16 mars. Déposition sur laquelle il a apposé l’empreinte de son orteil en guise de signature.

 

«Mauvais pressentiment»

 

Son calvaire, nous raconte-t-il en aparté, a commencé après un appel téléphonique à son père ce soir-là. Quelqu’un disait être tombé en panne à Cluny. Sans hésiter, il s’est mis en route avec son ami Fadil. En arrivant à Banane, il a eu un mauvais pressentiment et a appelé le propriétaire du véhicule en question. «Il m’a rassuré en me disant que je devais rouler quelques minutes encore avant de l’apercevoir. Sur place, Fadil et moi sommes tombés sur une fourgonnette. Le chauffeur m’a dit que c’était ce véhicule que je devais remorquer», se souvient Aslam.

 

Quelques secondes plus tard, c’est le drame. «Je suis descendu pour attacher la fourgonnette à la remorque lorsque j’ai reçu un premier coup de sabre à la tête. Malgré la douleur, j’ai pu me retourner pour voir le visage de mon agresseur. Il n’avait pas de cagoule. D’autres personnes portant des cagoules ont surgi de nulle part pour m’agresser. Fadil a également été agressé», raconte Aslam.

 

Selon ses dires toujours, un 4x4 est aussi arrivé avec d’autres personnes à son bord. «On m’a sabré à une épaule, à un bras et à la hanche. On m’a sectionné les deux poignets lorsque je me suis effondré sous les coups», poursuit Aslam d’une voix tremblotante qui témoigne de toute la souffrance qu’il a ressentie à ce moment-là et de celle qu’il vit toujours au quotidien. «Il y avait une vingtaine de personnes dont au moins deux n’avaientpas de cagoule.»Il a donné tous les détails à la police et assure qu’il peut facilement identifier ceux qui n’avaient pas le visage masqué.

 

Sous les coups de ses assaillants, Aslam perd connaissance. À son réveil, il constate qu’il est sur un lit à la salle 2.3 de l’hôpital de Rose-Belle. Ce n’est qu’après deux jours, dit-il, qu’il a réellement pris conscience qu’il avait perdu ses deux poignets. L’émotion est trop forte. Il éclate en sanglots et n’arrive plus à raconter son calvaire devant tous ceux présents à la rencontre de vendredi. Ses proches pleurent également.

 

Ses deux fils, âgés de 5 et de 2 ans respectivement, sont avec les femmes de la famille un peu plus loin. Ils n’ont pas vraiment conscience de ce qui se passe mais Aslam, lui, est terriblement conscient des difficultés qu’il aura maintenant à s’occuper d’eux et à pourvoir à leurs besoins – ils habitent avec lui depuis sa séparation d’avec son épouse. Mais heureusement, il sait qu’il peut compter sur sa famille. Une famille soudée autour de lui, qui prie nuit et jour pour son rétablissement et se démène pour trouver des moyens de le faire vivre une vie correcte.

 

 

 


 

Il a besoin de Rs 2,5 millions pour se faire opérer en Afrique du Sud

 

Les amis et proches des familles Noursing et Edoo ne sont pas restés insensibles à l’appel lancé par Nizam Noursing dans nos colonnes la semaine dernière. Ce dernier avait fait un appel à l’aide pour pouvoir collecter des fonds pour l’achat de prothèses pour son fils et pour que ce dernier subisse une intervention en Afrique du Sud. Pour cela, les Noursing ont besoin d’au moins Rs 2,5 millions. Jusqu’ici, ils ont pu récolter environ Rs 250 000, explique Nizam, qui attend impatiemment ce mercredi 23 mars, date du prochain rendez-vous d’Aslam chez le médecin.

 

Tous attendent un certificat médical de ce dernier attestant que le blessé nécessite des soins à l’étranger. Ce qui est nécessaire pour que la police octroie un permis officiel à la famille pour la collecte de fonds. En attendant, ceux qui veulent déjà aider Aslam peuvent faire un virement bancaire sur le numéro de compte suivant à la succursale de la Mauritius Commercial Bankde Rose-Belle : 000 444 214 194.

 

Dans son discours vendredi dernier, Raffick Nabee Mohamed, qui a présidé la rencontre du Comité Solidarité Familles Noursing et Edoo, a donné les raisons de ce regroupement. D’abord, c’est en signe de solidarité avec les blessés et leurs familles respectives. Ensuite, c’est pour sensibiliser la population sur cette agression barbare. Les autres orateurs ont tous rappelé à l’assistance que l’islam est une religion qui prône la paix et l’harmonie. Ils ont également attiré l’attention des personnes présentes sur les récents actes de vandalisme dont ont fait l’objet des lieux de cultes et souligné qu’il ne faut pas céder à la provocation. Tous ont formulé le souhait que la police fasse son travail en toute transparence afin de mettre la main sur ces personnes qui sèment la terreur dans le Sud depuis quelque temps, au nez et à la barbe des autorités.

 


 

Les quatre suspects en liberté conditionnelle

 

La police a déjà arrêté quatre suspects dont un pompier et un chauffeur d’autobus. Ils sont tous accusés provisoirement de tentative d’assassinat. Après détention, ils ont retrouvé la liberté après avoir fourni chacun une caution. Ils nient tous les faits qui leur sont reprochés. Ils auraient également fourni un alibi pour le soir de l’agression. Cette affaire éclate dans la soirée du mardi au mercredi 2 mars. Peu après minuit, la police se rend à Banane suite à une requête. Sur place, les policiers découvrent un dépanneur-remorqueur dont le pare-brise a volé en éclats et deux hommes blessés allongés sur la route. L’un d’eux, Aslam Noursing, baigne dans une mare de sang et a les poignets sectionnés ainsi que d’autres blessures. Fadil Edoo, un salesman de 24 ans, a également de graves blessures à la tête et à une main. Ses doigts ont été sectionnés.

 


 

Fadil Edoo admis aux soins intensifs

 

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Fadil Edoo n’est plus à la salle 2.3 de l’hôpital de Rose-Belle, réservée aux patients ayant des problèmes orthopédiques. Depuis quelques jours, il a été transféré à l’unité des soins intensifs. Il a dû subir une délicate intervention chirurgicale durant la semaine écoulée car ses plaies à la tête s’étaient infectées. Lors de l’agression, il a eu de graves blessures à la tête et à une main. Ses doigts ont également été sectionnés. Son père Abdool souligne que son état de santé n’inspire plus d’inquiétude car il a repris connaissance et se remet lentement de ses blessures.

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