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2 mars 2022 16:00
TRAUMATISME. Comme tous les Mauriciens, j’ai vécu un traumatisme avec l’arrivée de la Covid. C’était la première fois que nous vivions cela et nous étions tous au départ désarmés face à cette situation. Le premier confinement surtout a été très dur pour tout le monde. Quand cela a été annoncé du jour au lendemain, nous n’avions presque pas de réserves de nourriture à la maison car nous n’étions pas allés faire les courses les jours précédents. Mais heureusement, nous avons pu nous débrouiller, avec l’aide des proches mais aussi avec les commandes en ligne.
SOLIDARITÉ. Puis, nous avions très peur de cette maladie, qu’elle s’invite chez nous ou chez nos proches, ici et à l’étranger. Et ne pas en voir certains durant des semaines, c’était très dur. Mais le côté positif de tout ça, c’est cette solidarité mauricienne extraordinaire qui s’est mise en place très vite pour aider ceux qui en avaient le plus besoin. Car nous avons réalisé encore plus à quel point certaines personnes étaient démunies, surtout dans ces périodes de confinement où beaucoup ne travaillaient pas. Au niveau de BCC aussi, dès que nous avons pu, nous sommes venus en aide à nos warriors qui étaient en difficulté avec l’aide de la famille, des amis, entre autres. C’était vraiment touchant de voir cette entraide, cette solidarité des Mauriciens.
PROTÉGER. Mais c’est dur de ne plus voir nos warriors comme avant, même si nos centres sont ouverts et qu’elles peuvent venir quand elles veulent. Nous préférons ne pas organiser d’activités de groupe pour le moment, pour les protéger. Nous avons aussi beaucoup travaillé en ligne, de la maison, pendant les périodes critiques, pour protéger le staff. Mais ce contact humain nous manque beaucoup.
INCONNU. On est dans l’inconnu et on ne peut pas trop faire de prévisions. Il y a eu une petite accalmie récemment mais avec la réouverture des écoles, on a l’impression que le virus se propage à nouveau à la vitesse grand V. Nous avons peur pour nos jeunes. Mais en même temps, ils ont besoin de ce contact entre eux et avec les profs. Ces enfants qui vivent un calvaire à la maison avec des parents violents ont aussi besoin de sortir, de vivre autre chose. Certaines femmes ont également beaucoup subi chez elles durant ces deux dernières années, notamment durant les confinements, et ça, c’est très triste.
COMMUNICATION. Nous n’avons pas de visibilité sur la maladie, sur comment elle va évoluer dans le futur. D’ailleurs, il y a un gros problème de communication, ce qui fait qu'on ne connaît pas la situation réelle. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter de vivre pour autant. Il nous faut juste nous adapter à la situation et foncer.
AU REVOIR. Le drame des dialysés, dont plusieurs sont décédés de la Covid, m’a brisé le coeur. En plus, leur famille ne pouvait même pas leur dire un dernier au revoir dignement. Il y a eu de grosses lacunes de la part des autorités dans l’accompagnement des proches des personnes décédées de la Covid. Il y a aussi eu de grosses lacunes dans la prise en charge hospitalière des patients souffrant d’autres maladies, notamment du cancer. Cela a eu un impact psychologique sur les patients et un impact sur notre travail.
RASSURER. Ç’aurait été tellement bien qu’on ait un Premier ministre ou un président qui vienne à la télévision pour nous rassurer, nous dire la vérité sur ce qui se passe. Nous sommes un peuple intelligent et nous pouvons ainsi prendre nos dispositions en connaissance de cause.
TRASER. Beaucoup de gens qui ont perdu leur emploi se sont reconvertis, sont devenus entrepreneurs ; les Mauriciens sont des traser, zot pa asize atann. Beaucoup ont commencé à planter des légumes pour leur propre consommation et pour les vendre. Nous sommes retournés à la terre. Et c’est important que nous devenions autosuffisants, au moins en bonne partie, en légumes et fruits. Le gouvernement devrait accorder des terrains inexploités à des personnes aptes à les cultiver et qui n’ont pas de terrains pour le faire.
EXPORTER. Il faudrait aussi apprendre aux gens à cultiver bio. Il y a tellement de plantes à Maurice qui sont très prisées à l’international aussi, comme l’avocat, la papaye, entre autres, et qu’on pourrait exporter. Comme plein de produits Made in Moris ! À Rodrigues, ils ont l’expertise en élevage et si on exploite bien cela, on pourrait devenir autosuffisants en viande. Il faudrait aussi que les autorités prévoient des formations pour les personnes qui veulent se reconvertir professionnellement.
LOCAL. Beaucoup de Mauriciens ont également commencé à acheter local et c’est important d’encourager ces entrepreneurs qui font des choses magnifiques. Nous sommes nous-mêmes très fiers d’avoir lancé la marque Madam Rodrig durant le second confinement, en 2021, et nos produits se vendent jusqu’en Australie. J’ai aussi une idée de coopérative pour les femmes, qui, je l'espère, se concrétisera un jour.
AVANTAGE. On va vivre comme ça pendant encore plusieurs années et il n’est jamais trop tard pour bien faire, pour tourner la situation à notre avantage. Malheureusement, il n’y a pas de coordination entre le gouvernement et ceux qui ont des idées et de l’expertise. Il faudrait mettre tout le monde autour d’une table, échanger les idées et voir comment les implémenter.
ESSENTIEL. Grâce à la Covid, nous sommes revenus à l’essentiel. Nous nous sommes rendu compte de l’importance de la vie avec cette maladie qui est venue la menacer. Nous avons compris l’importance de la famille – nous avons heureusement pu passer des moments privilégiés avec nos plus proches durant le confinement –, des amis, des gens autour de nous.
VALEUR. Nous avons appris la valeur des choses, de la nourriture notamment ; on évite le gaspillage, on rationne, on économise. Nous avons appris à faire notre propre pain. Nous sommes tous devenus cuisiniers. Nous avons pris du poids aussi (rire) ! Nous avons appris à faire plein de choses. Nous avons évolué.
LUMIÈRE. Dans toute obscurité, il y a de la lumière. Il est vrai qu’il y a eu beaucoup de morts, de malades, de souffrance. Mais il y aussi eu beaucoup de choses qu’on a amélioré, inventé, réinventé. Il y a toujours de l’espoir. Cela fait maintenant deux ans que nous vivons avec la Covid et ce n’est pas une chose qui va disparaître du jour au lendemain. On doit donc s’adapter, être visionnaire, penser au futur, à comment on va continuer à s’en sortir. Et avancer !
Au niveau de BCC, outre nos trois centres, à Vacoas, Port-Louis et Rodrigues, nous avons ouvert, en octobre 2021, notre Lakaz Warriors avec la collaboration de la firme Bioculture. D’ailleurs, le but de Madam Rodrig, qui fabrique des produits typiques de là-bas, était aussi de financer ce projet, en plus de donner un travail à nos warriors de Rodrigues. Madam Moris verra aussi le jour bientôt.
Lakaz Warriors, située à Quatre-Bornes, comporte six chambres pouvant accueillir 12 personnes, des patientes souffrant du cancer du sein, venant de Rodrigues ou de Maurice, qui doivent suivre des traitements à Candos et/ou des accompagnateurs/trices, et aussi des femmes vulnérables. Il y a tout le confort et la tranquillité voulus, une femme de ménage, une dame de compagnie. Une psychologue est aussi disponible ainsi que tout l’accompagnement nécessaire pour celles qui en ont besoin. Tout cela vient de mon histoire. J’ai eu un cancer du sein avec toutes les galères que cela comporte, en même temps j’étais victime de violence conjugale. Un vrai calvaire !
Maintenant que je m’en suis sortie, je veux aider d'autres femmes à travers mon implication sociale. BCC existe depuis 2014 et a accompagné plus de 11 000 personnes. Je ne regrette pas d’avoir quitté ma carrière dans le marketing et la vente pour m’engager dans cette voie. Aujourd’hui, je suis mariée à Philippe, un homme formidable, mes deux filles sont grandes – elles ont 29 et 32 ans –, je suis bien entourée par une famille et des amis formidables... Et je fais quelque chose qui me donne beaucoup de joie.
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