Publicité
11 juillet 2016 15:13
Difficile de deviner que Sarah-Jane Fenouille vient d’échapper à la mort quand on la voit assise sur son lit d’hôpital. Son visage ne porte aucune trace de brûlures et les bandages qui recouvrent ses mains peuvent laisser penser que son état n’est pas si inquiétant que cela. Mais il suffit qu’elle remonte sa robe de chambre pour que l’on comprenne la barbarie dont elle a été victime.
La poitrine et le ventre entièrement recouverts de bandage, Sarah-Jane Fenouille, 26 ans, souffre en silence. Pas question pour elle d’inquiéter ses proches venus lui rendre visite en ce vendredi 8 juillet à la Burns Unitde l’hôpital de Candos. «J’ai mal partout. Mais je m’efforce tant bien que mal de tenir le coup. Je ne veux pas craquer devant ma fille. Elle n’a que 9 ans. Et je ne veux pas non plus que ma mère ait trop de chagrin», confie celle qui veut par-dessus tout donner l’image d’une femme forte.
Pourtant, sa vie a basculé le jeudi 7 juillet. Elle a été brulée vive en pleine rue, à Poste-de-Flacq, par un habitant de cette localité qui l’avait auparavant aspergée d’une substance inflammable. L’homme, un dénommé Jocelyn Joseph, 65 ans, était recherché depuis par la police. Mais c’est son corps sans vie qui a été retrouvé non loin de chez lui le matin du vendredi 8 juillet. Après avoir commis son forfait, il s’est donné la mort par pendaison.
Si pour la famille de Jocelyn Joseph, ce drame est le résultat d’une relation extraconjugale chaotique entre Sarah-Jane Fenouille et le sexagénaire, la principale concernée, elle, affirme qu’elle n’a jamais entretenu de relation intime avec son agresseur. Par contre, poursuit-elle, ce dernier la harcelait. Elle revient avec force détails sur les circonstances de son agression.
Il est aux alentours de 16h30 lorsque Sarah-Jane termine sa journée de travail à l’usineCrest, située sur la route Royale à Poste-de-Flacq, et enfourche sa bicyclette pour regagner son domicile. Mais à peine a-t-elle parcouru une cinquantaine de mètres qu’elle est stoppée brutalement par un homme qu’elle reconnaît aussitôt. «Il est sorti des buissons et m’a dit qu’il devait me parler. Je lui ai dit qu’on n’avait rien à se dire. Car cela faisait un moment qu’il me faisait des avances et comme je les repoussais à chaque fois, il s’était mis à me harceler», raconte la victime. Jocelyn Joseph ne l’aurait pas entendu de cette oreille et aurait insisté pour avoir une conversation avec Sarah-Jane. Les choses auraient alors pris une sale tournure.
«Je l’ai repoussé et je lui ai donné un coup pour qu’ilme laisse partir. Il m’a saisie et m’a cognée également, et on s’est tous les deux retrouvés par terre. J’ai vu qu’il avait une bouteille de boisson gazeuse en plastique en sa possession. Il l’a ouverte et a jeté le contenu sur moi. J’ai senti à l’odeur qu’il s’agissait d’un produit inflammable. Et c’est là que j’ai compris ce qu’il avait l’intention de faire. Je n’ai pas eu le temps de réagir, il avait déjà saisi son briquet qu’il a allumé directement sur mon ventre», relate Sarah-Jane, toute tremblante.
Alors que les flammes la dévorent peu à peu et qu’elle hurle de douleur, son agresseur l’aurait regardée pendant quelques minutes et lui aurait lancé : «Sa mem mo ti res pou fer ar twa»,avant de s’en aller en marchant, comme si de rien n’était, à en croire Sarah-Jane. Livrée à elle-même, Sarah-Jane arrache un à un ses vêtements afin de limiter les dégâts. «J’ai enlevé mon T-shirt et mon soutien-gorge. J’étais pratiquement nue dans la rue. J’ai vu la mort en face. J’ai appelé mon patron Kapil, chez qui je fais du ménage, pour qu’il vienne à mon secours. Je cumule plusieurs emplois. Et après mon travail à l’usine, c’est chez lui que je devais me rendre après avoir récupéré ma fille à la maison. Sur place, il a vu dans quel état j’étais et a tout fait pour trouver un véhicule et me conduire à l’hôpital de Flacq. J’aiensuite été transférée à Candos», raconte Sarah-Jane, les larmes aux yeux. Cela faisait environ trois mois, dit-elle, que Jocelyn Joseph la harcelait constamment. C’est l’un de ses voisins, devenu veuf en mars.
«Après la mort de sa femme, je l’avais croisé en chemin et je lui avais présenté mes sympathies. J’ai été choquée lorsqu’il m’a dit qu’il était maintenant libre. À partir de ce jour-là, il n’a pas arrêté de me harceler. Et j’ai dû changer plusieurs fois de numéro de téléphone. Il venait même me voir sur mon lieu de travail.»Ses dires sont confirmés par son patron Kapil Nundram. «Il était venu chez moi et s’était présenté comme l’oncle de Sarah-Jane. J’avais alors demandé à Sarah-Jane de porter plainte contre lui. Mais elle ne l’a pas fait, croyant qu’il allait finir par abandonner. Mais au final, il a failli la tuer», souligne notre interlocuteur.
Les proches de Jocelyn Joseph, eux, donnent une autre version de cette affaire. Jenny, la fille de sexagénaire, affirme que son père entretenait une relation extraconjugale avec Sarah-Jane Fenouille depuis environ deux ans. «Même ma mère était au courant de leur relation. Elle était malade et cette histoire l’avait accablée davantage. On ne sait pas pour quelle raison mon père s’est acharné sur Sarah-Jane et on ne comprend pas non plus pourquoi il s’est suicidé», déclare la jeune femme qui décrit son père comme quelqu’un de très aimant, doux et calme. «Il s’occupait bien de la famille et a tout fait par lui-même. Il a construit la maison familiale de ses mains et n’a jamais manqué de respect à qui que ce soit.C’est une personne de confiance.»
Et selon Joyce Celerine, la petite-fille de Jocelyn Joseph, ce dernier s’était renfermé sur lui-même depuis quelques jours et avait perdu le sourire. «On a essayé de lui parler pour savoir ce qui n’allait pas. En vain», se désole-t-elle.
Mère d’une fillette de 9 ans, Sarah-Jane ne cesse, pour sa part, d’affirmer qu’elle n’entretenait aucune relation avec Jocelyn Joseph. Et son concubin Allan Victoire, 36 ans, avec qui elle vit depuis cinq ans, la soutient totalement. Il assure que lui aussi recevait des appels du sexagénaire. «J’avais réussi à convaincre Sarah-Jane de porter plainte. Elle avait décidé d’aller à la police le vendredi 8 juillet. Mais la veille, cet homme est passé à l’acte», regrette-t-il.
Jocelyne Fenouille, la mère de Sarah-Jane, remercie, elle, le ciel d’avoir préservé sa fille d’une mort tragique. «Ma priorité est avant tout le rétablissement de ma fille. Car son enfant a besoin d’elle et compte sur elle.»Sarah-Jane a certes échappé à la mort, mais elle n’oubliera jamais l’agression barbare dont elle a été victime. Et même si, avec le temps, ses cicatrices de brûlures vont s’estomper, elles seront toujours présentes pour lui rappeler cette horrible tragédie.
Publicité