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Son ex-concubin condamné à 15 ans de prison

9 juin 2014

La jeune femme pleure toujours la mort tragique de son fils Manish.

Il y a six ans, tous les ingrédients étaient réunis pour que sa vie change. Pour le meilleur. «Après plus de dix ans de mariage, je me suis séparée de mon époux. Je ne pouvais plus encaisser les coups qu’il m’infligeait au quotidien. Une violence due à son addiction à l’alcool. Suite à cette séparation, j’ai fait la connaissance d’un jeune homme lors d’une séance de prière», raconte Nisha Ramgoolam qui nous reçoit dans sa modeste demeure, à Mare d’Australia. Aujourd’hui, elle n’en finit pas de regretter le jour où elle a croisé le chemin de cet homme, un dénommé Satyanand Lobine, qui représentait alors, pour elle, le début d’une nouvelle vie. D’une existence remplie de bonheur.

 

Car le rêve s’est transformé en cauchemar lorsque celui qui lui promettait un bel avenir est devenu la source de tous ses malheurs. En 2009, Satyanand Lobin a battu à mort le fils de Nisha, Manish Beedee Ramgoolam, alors âgé de 6 ans. «Linn touy mo zenfan enn mois ek trwa semenn apre ki mon al ress ek li», se révolte Nisha Ramgoolam en maudissant celui qui ôté la vie à son enfant. À la police, Satyanand Lobine a expliqué qu’il s’était acharné sur l’enfant car ce dernier faisait pipi au lit et sur le sofa. Il était initialement poursuivi pour infanticide, mais la charge a été modifiée avec le consentement du Directeur des poursuites publiques.

 

Le mercredi 4 juin, l’homme a été condamné à purger une peine de 15 ans de prison, sous une accusation formelle de coups et blessures ayant provoqué la mort, mais sans intention de tuer. «Cette condamnation ne suffit pas. Il doit croupir en prison pour le restant de ses jours. Car il peut faire la même chose à un autre petit innocent lorsqu’il sera remis en liberté. Je ne veux pas qu’une autre famille ait à subir le même sort que la mienne. Car, depuis cinq ans, je souffre terriblement. Ma vie est un enfer. Ce monstre a brisé ma famille. Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à mon fils, sans que je ne le pleure», hurle presque Nisha Ramgoolam dans un sanglot interminable.

 

Bonheur de courte durée

 

Et dire qu’elle croyait avoir trouvé l’homme idéal en Satyanand Lobine. «Le dicton dit que derrière chaque prince se cache un crapaud. C’est vrai. Je m’en suis rendue compte bien trop tard», pleure-t-elle amèrement. Lorsqu’elle venait de le rencontrer, l’homme paraissait avoir toutes les qualités du monde. «Il était attentionné envers les enfants. Il venait nous voir chez ma mère qui nous avait accueillis sous son toit après ma séparation d’avec mon époux. Satyanand était triste de constater que je vivais dans des conditions difficiles. C’est ainsi qu’il m’a proposé de venir vivre à ses côtés, en me promettant de s’occuper de moi et de mes enfants. J’ai accepté», précise Nisha, en serrant la photo de son fils contre son coeur. C’est ainsi qu’un an après avoir rencontré son nouvel amour, elle emménage dans une belle maison à Calebasses, avec ses deux fils, le petit Manish et l’aîné, alors âgé de 14 ans.

 

«Tout allait bien. On était heureux. Les enfants adoraient la maison. Elle était grande et belle. Satyanand nous emmenait faire du shopping, conduisait les enfants au magasin et leur achetait des vêtements, entre autres.» Nisha et ses petits nagent en plein bonheur. Un bonheur qui sera, hélas, de très courte durée. «À l’époque, je travaillais dans une usine le jour et aussi le soir. Les enfants passaient beaucoup de temps avec mon compagnon. Un jour, Manish m’a dit que Satyanand le frappait. J’ai alors demandé des explications à ce dernier. En guise de réponse, il m’a affirmé que le petit était paresseux et qu’il ne faisait pas ses devoirs. J’ai alors grondé mon fils. Mais après cet épisode, il a continué à se plaindre. Cependant, je n’ai jamais vu la moindre trace de blessure sur son corps.» Du moins pas avant le jour fatidique du 25 août 2009. Le jour où sa vie a basculé.

 

«J’étais au travail lorsque j’ai reçu un appel téléphonique me demandant de rentrer car mon fils s’était blessé suite à une chute. Lorsque je suis arrivée à la maison, quelques heures plus tard, Manish souffrait le martyre. Il avait des bleus partout et ne pouvait pas marcher. J’ai tout de suite compris qu’il n’aurait pas pu se faire autant mal à la suite d’une simple chute», poursuit Nisha, le cœur rempli de chagrin. «Monn gagn boukou dimal mama.» Ce sont là les derniers mots du petit Manish à sa mère qui, en entendant ces mots, comprend tout de suite que son fils a été malmené par son concubin. «Le comportement de Satyanand était bizarre. Il ne quittait pas mon fils des yeux. Mon instinct de mère m’a avertie que c’était lui le responsable. J’ai alors conduit mon fils à l’hôpital où il a été vu par un médecin. Mais quelques minutes plus tard, mon fils a commencé à suffoquer. J’ai accouru vers le médecin. Il était hélas trop tard. Manish était mort dans mes bras.» À cet instant, son monde s’écroule complètement.

 

«Il me manque atrocement»

 

«Depuis, ma vie a basculé. Je ne vis plus. Je ne fête aucun anniversaire. Je ne célèbre aucune fête religieuse. Tout me ramène à Manish. Il me manque atrocement. Mon fils aîné, qui a aujourd’hui atteint la majorité, me soutient. Je tiens le coup uniquement pour lui. Le moment le plus dur à supporter pour moi, c’est l’approche de Noël. Car Manish est né le 24 décembre. Chaque année, il insistait pour qu’on décore l’arbre de Noël ensemble. Mais depuis son décès, je n’ai plus le cœur à cela. J’ai mis le sapin, une seule fois depuis, à la demande de mon fils aîné. Les 24 et 25 décembre sont aujourd’hui, pour moi, les jours les plus tristes de l’année», confie-t-elle, les larmes aux yeux.

 

Aujourd’hui, dit-elle, il lui est impossible de faire confiance à un homme. À 37 ans, Nisha n’envisage pas de refaire sa vie. «Mo pena konfians dan personne», dit-elle avec force. «Comment j’aurais pu imaginer qu’une personne comme Satyanand qui, durant les week-ends, mettait de la musique à fond et dansait avec les enfants à la maison, était un monstre qui pouvait enlever la vie de mon fils ? C’était inimaginable tant il était doux et attentionné. Pourtant…»

 

Depuis ce terrible drame, Nisha avoue qu’elle n’est plus la même personne. «Je me suis repliée sur moi-même. Souvent, il arrive que des gens me fassent des remarques. On me dit que j’ai l’air d’être une méchante femme. Que je ne souris jamais. Que je donne une image négative de ma personne. Mais comment sourire et faire semblant que tout va bien quand mon être tout entier est meurtri ?» se demande Nisha, impuissante. Retrouvera-t-elle le sourire un jour ? Rien n’est moins sûr. Car il est des blessures que même le temps ne guérit pas. Et celle de Nisha Ramgoolam en fait malheureusement partie.

 


 

Retour sur les circonstances du drame

 

25 août 2009. Une date fatidique que Nisha Ramgoolam n’oubliera jamais. «Avant que je ne me rende au travail, Satyanand m’avait dit qu’il allait emmener les enfants au Kalimaye de la localité. Mais plus tard, j’ai appris qu’il y avait emmené uniquement Manish après avoir demandé à mon aîné d’aller déposer un colis chez sa mère et de l’attendre sur place», raconte Nisha Ramgoolam. «C’est dans ce lieu de culte qu’il s’est acharné sur mon fils. Des coups qui ont mené à sa mort quelques heures plus tard. À la police, Satyanand a expliqué qu’il avait frappé mon fils parce qu’il faisait pipi au lit. C’est faux. Manish était un petit garçon discipliné. À 6 ans, il savait très bien qu’il devait faire ses besoins aux toilettes.» Arrêté suite au décès de son beau-fils, Satyanand Lobine n’avait pas tardé à confesser son horrible acte. Pour expliquer son geste, il avait affectivement déclaré aux enquêteurs qu’il ne tolérait plus le fait que le petit fasse pipi au lit. Le mercredi 4 juin, il a été condamné à 15 ans de prison pour ce crime.

 

Satyanand Lobine a reconnu les faits qui lui étaient reprochés.

 


 

Enfants maltraités et battus : où porter plainte ?

 

L’inaction et le silence des citoyens face à un cas d’enfant battu peuvent être fatals à ce dernier. Il est donc du devoir de chaque citoyen de dire non à toutes formes de violence à l’égard des petits. Pour ce faire, il faut dénoncer tout cas de maltraitance aux autorités concernées en contactant le bureau de l’Ombudsperson for Children sur le 454 3010 ou le 454 3020, ou le ministère de l’Égalité des Genres et de la Protection de l’Enfant sur le 113.

 


 

 

Amrita Beeharry, la mère de Satyanand Lobine : «Mon fils a reconnu avoir fait une erreur»

 

Pour elle, il n’est pas question de prononcer le mot «crime» ou «meurtre». Car, son fils Satyanand Lobine, dit-elle, a seulement commis une «erreur» en battant à mort le petit Manish Ramgoolam. «Il a fait une erreur. Li pa enn kriminel. Linn admet so tor», soutient Amrita Beeharry, la mère de Satyanand Lobine. Elle clame haut et fort que son fils Satyanand, âgé de 33 ans, est un «bon garçon».

 

«Il a échoué au CPE et a rejoint le monde du travail très tôt. Il aidait la famille à joindre les deux bouts. Depuis qu’il est en prison, nous avons beaucoup de mal sans lui. D’ailleurs je suis très triste qu’il ait écopé de 15 ans de prison», déclare Amrita Beeharry. Pour expliquer le geste tragique de son fils, elle avance une excuse qui pourrait choquer plus d’un. «Cette dame qu’il a rencontrée était plus âgée que lui. Elle aurait dû se trouver quelqu’un de son âge.

 

Avant de la rencontrer, mon fils avait une vie stable. Du jour au lendemain, il s’est retrouvé avec une famille entière. Il n’a pas pu gérer tout cela et a commis une erreur», dit-elle sur un ton très sérieux, tout en concédant que son fils «avait pour habitude de frapper le petit». «Mo pa ti pe kapav get zenfan la gagn bate. Mo ti pe vir mo ledo mo ti p alle», poursuit Amrita Beeharry.

 

Regrette-t-elle le fait de ne pas avoir dénoncé les maltraitances que subissait le petit Manish ? Cette question, la mère de Satyanand Lobine refuse d’y répondre, se contentant de hausser les épaules. Tout comme Amrita, certaines personnes dans l’entourage du petit Manish savaient qu’il était régulièrement battu par son beau-père. Mais ils ont choisi de ne rien faire. À 6 ans, il aurait dû être protégé car il ne pouvait se défendre. Hélas, il est devenu le souffre-douleur de son beau-père et a subi ses coups, jours après jour, jusqu’à connaître une mort atroce.

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