Publicité
Par Yvonne Stephen
11 août 2015 03:09
C’est le roi du bal lepep. Le mec à l’écharpe où est inscrit en lettres calligraphiées : «Le plus populaire». Ce n’est pas tout à fait la première fois. À ce petit jeu, Xavier Luc Duval a déjà raflé la couronne à son ancien allié, Navin Ramgoolam. Depuis 2013, DCDM Research publie les résultats de son baromètre d’opinion dans un rapport mensuel. Et à la fête des egos, pour le mois de juillet 2015, le leader du PMSD a un point de plus que le Premier ministre, sir Anerood Jugnauth. D’ailleurs, il est le seul au sein du gouvernement dont le niveau de popularité a pris des points (après une période à vide de mars à mai).
La popularité de l’alliance gouvernementale est, dans l’ensemble, en baisse. Mais qu’est-ce qui peut expliquer que cet homme politique, pas tout à fait premierministrable (même si certains estiment que cette donne figée a un peu évolué), puisse réussir l’épreuve des sondages ? Bien sûr, comme l’ont démontré de nombreux experts de cet exercice, les survey ne sont pas toujours fiables (au-delà du choix de l’échantillon et de ses limites).
Même si une personne estime répondre en toute franchise, elle donne parfois la réponse qu’elle imagine que l’on attend d’elle. Entre la réalité affective et la réalité effective, il y a un fossé (où des pourcentages s’engouffrent). Alors, quand les chiffres n’arrangent pas, on peut les balayer… sans problème ou presque. On peut soit donner trop de sens à des chiffres, soit les priver de toute signification. C’est d’ailleurs ce que l’on fait au MSM en ce moment : «Un point ? En faire tout un cirque pour un point ? C’est ridicule. Notre parti est toujours le plus fort et le plus populaire», estime un député MSM qui a oublié, peut-être, que Xavier Luc Duval et sa bande faisaient partie de la même alliance.
Un petit oubli qui serait anecdotique si la situation n’était pas ce qu’elle est. Et si Pravind Jugnauth, par exemple, n’avait pas perdu 17 points de popularité en un mois. De quoi réjouir les membres de la famille bleue, qui poussent des cocoricos de joie dans l’intimité de leurs rencontres : «C’est bien fait pour ceux qui croient que nous ne valons pas grand-chose sur l’échiquier politique», affirme, un peu hargneux, un die-hard bleu. L’épisode de l’allocation des mairies – le parti de Duval avait été jugé trop gourmand – et celui des critiques de Showkutally Soodhun au sujet des banderoles du PMSD lors de l’Eid-ul-Fitr ont alimenté cette guéguerre intestine au sein de l’alliance au pouvoir.
Avec le retour de sir Anerood Jugnauth au pays, après trois semaines de vacances en Angleterre et en France, les petites crises des uns et des autres devraient se calmer. En toute logique. D’ailleurs, les membres du MSM sont actuellement occupés à une mission souterraine de tous les dangers : trouver le remplaçant de Pravind Jugnauth pour récupérer la voix perdue au Conseil des ministres. Ça devrait les occuper pendant un moment. Du côté des Bleus, on est pris aussi. Pris à s’extasier devant le superbe intérim de Xavier Luc Duval : «Il a été parfait. Il a fait ça avec classe, même quand Soodhun a tenté de le faire sortir de ses gonds», dit une conseillère PMSD.
Rien d’inhabituel. Xavier Luc Duval est l’homme des compromis. Dans les pires situations (rappelez-vous les tractations entre le PTr et le MMM l’année dernière et la mise au placard de l’homme et de son parti), il ne bouge pas. Il accepte. Il attend. Si certains estiment que c’est parce qu’il ne veut pas lâcher son bout de pouvoir, d’autres affirment qu’il est un fin stratège : «Qui n’a quitté le gouvernement que pendant quelques mois ? Qui est au pouvoir depuis des années ? C’est lui ! À force de jouer low-profile, partenaire du plus fort, il arrive toujours à s’en sortir. Mais il ne faut pas aller chercher ses idéaux : ils n’existent pas», explique un membre du MMM qui ne masque pas son «admiration» pour les stratégies «anba, anba» du leader des Bleus.
De plus, estime-t-il, quand on est Premier ministre par intérim, on ne prend pas de risques, ni de décisions difficiles. On ne prête pas le flanc à la critique. Alors c’est tout à fait normal qu’on ne déçoive pas. Les chiffres des arrivées touristiques en hausse ne sont qu’une goutte d’eau pour alimenter l’océan de sympathie qui semble profiter à Xavier Luc Duval, poursuit-il : «Il n’a pas le ministère le plus compliqué. Les gens ne vont pas lui reprocher l’augmentation du prix du lait. Alors ça va, il est plutôt cool.» Chez les Bleus, bien sûr, on n’est pas, du tout, de cet avis. Xavier Luc Duval véhicule, selon eux, une image d’homme fort et intègre, préoccupé par le sort de son pays et de ses habitants. Le costume de Premier ministre lui irait donc à la perfection.
Néanmoins, on s’inquiète un peu : être trop populaire face au chef, ça peut provoquer des retours pas très agréables. Si c’est le cas, la scène politique alimentera un nouveau feuilleton : «Comment faire partir Xavier Luc Duval ?» Pour l’instant, il n’en est pas question. D’ailleurs, un sondage n’est pas forcément représentatif de la réalité. Il montre une certaine réalité. Mais ses résultats font certainement plaisir au principal concerné. Pour le mois de juillet, il a été le roi du bal lepep.
●La popularité du gouvernement en baisse. «La baisse de popularité du gouvernement, entamée en avril 2015, s’accentue en juillet pour atteindre 67 % d’opinion favorable [soit -10 points en un mois, après une courte embellie en juin]. Le mois de juillet a été particulièrement mouvementé sur le plan politique : condamnation de Pravind Jugnauth, les divers événements autour du DPP ou encore l’affaire BAI», peut-on lire dans les conclusions de ce sondage.
●Sir Anerood Jugnauth, pour le mois de juillet, réalise sa deuxième plus mauvaise performance depuis décembre 2014. Juillet : 76 points. Mai : 75 points. Son pic de popularité date de février où il comptabilisait 87 points.
●Paul Bérenger gagne trois points en juillet pour remonter à 39 points.
●Navin Ramgoolam aussi. Mais toujours en dernière position, il ne dépasse pas 18 points en juillet.
●600 personnes ont pris part à ce sondage. Il est, selon l’institut, représentatif de la population résidant à Maurice (âgée de 18 ans et plus).
●Le résumé des conclusions de ce sondage est disponible à l’adresse suivante : http://dcdmresearch.com/Survey/wordpress/?p=648.
Publicité
Publicité
Publicité