Publicité
6 septembre 2022 00:57
Le monde du football local est à nouveau en deuil. Après la disparition tragique de Leroy Figaro – un footballeur de 37 ans qui évoluait au sein de l’équipe de Grande-Rivière-Noire SC –, le vendredi 26 août, c’est cette fois Muhammad Idris Anas Tenny, ex-gardien de but de l’ASPL 2000, qui a trouvé la mort dans de terribles circonstances. Dans la soirée du dimanche 28 août, la moto que pilotait ce jeune de 23 ans a heurté un pylône électrique aux abords de la route principale de Baie-du-Tombeau, soit presqu'au même endroit où Emmanuel Collet – un autre élément de l’ASPL 2000 – avait fait une sortie de route le 29 décembre 2020, avant de rendre l’âme neuf jours plus tard. Une triste coïncidence.
À Morcellement Green-Park, Terre-Rouge, où vivent les proches d’Anas Tenny, le temps semble s’être arrêté. Abdel, le frère aîné du jeune homme, n’oubliera jamais cette nuit où leur vie a basculé. «Je dormais lorsque mon téléphone a sonné. Je n’ai pas décroché parce que je devais me lever tôt pour aller travailler le lendemain mais notre mère m’a réveillé quelques minutes plus tard pour me dire qu’Anas avait été victime d’un accident. Leker enn mama li extraordiner. Avan ki nou aprann dese mo frer, li ti pe fini dir ki so garson inn kit li inn ale. Li ti fini santi», lâche-t-il. Toute la famille s’est alors rendue à l’hôpital SSRN pour s’enquérir de la situation.
Les proches du jeune homme étaient déjà sur place lorsque l’ambulance qui transportait Anas Tenny est arrivé sur les lieux. «Quand mon frère est arrivé sur le brancard, on ne m’a pas autorisé à m’approcher de lui. J’ai crié son nom mais il ne réagissait pas. Il avait déjà rendu l’âme mais c’était difficile pour moi de l’accepter. Mo latet pe dir mwa ki linn fini kit mwa linn ale, me mo leker ti pe dir mwa kriye dokter pou dir zot get mo frer», confie Abdel, terriblement bouleversé. Il poursuit son difficile récit : «Lorsqu’on nous a confirmé son décès, notre monde s’est écroulé. Mo pann gagn letan get mo mama ek mo papa, monn tombe. Quand j’ai vu la douleur de mes parents par la suite, cela m’a encore plus anéanti. Li pa fasil, li enn lexperians vreman dir. Nous n’étions pas préparés à vivre une telle tragédie. Je ne souhaite pas une telle chose à mon pire ennemi.»
Depuis cette soirée fatidique, Abdel a perdu l’appétit et a beaucoup de mal à trouver le sommeil. «Tout le monde me demande de rester fort pour nos parents mais c’est dur. En tant qu’enfant, nous sommes tous plus ou moins préparés à perdre nos parents. Me zame mo ti atann ki mo pou trouv mo ti frer ale.» Dans cet accident, dit-il, «je n’ai pas seulement perdu mon frère, mais aussi mon meilleur ami et mon confident. Nou ti telman pros. Lorsque j’avais été victime d’un accident il y a quelque temps et que j’ai eu la jambe plâtrée, c’est lui qui s’était occupé de moi, qui m’avait donné le bain». Sa douleur est encore plus intense chaque matin car «sete premye figir ki mo ti pe trouve toulezour. C’est lui qui me réveillait au quotidien pour que j’aille travailler». Il ne tarit pas d’éloges sur son frère qui, dit-il, «n’avait pas d’ennemis. Tou dimounn ti kontan li. Il était quelqu’un de bien. Récemment, il avait même accompagné l’un de ses amis, tombé dans l’enfer de la drogue, au centre de désintoxication. Il avait la main sur le coeur et n’hésitait pas à venir en aide à tous ceux dans le besoin».
Benjamin d’une fratrie de trois enfants, Anas Tenny était aussi un passionné du ballon rond depuis sa plus tendre enfance. Après avoir été formé par Marcel Guillaume, il a fait ses premiers pas à l’école de football de St-François Xavier, et évolué comme gardien de but au sein de plusieurs équipes – notamment le Mangalkhan SC et l’ASPL 2000 – avant de rejoindre le Port-Louis Black Horn. Le 8 septembre prochain, il devait s’envoler pour Budapest, en Hongrie, afin de participer à la Coupe du monde de Foot-6 amateur. «Li ti pou al bien lwin.» Depuis son décès, le moral des membres de son équipe est au plus bas. «Li pa fasil pou zot me monn dir zot amenn sa koup-la pou mo frer.»
La mort tragique d’Anas Tenny n’est pas sans rappeler un autre drame, avec des coïncidences fort troublantes. Il s’agit de l’accident du footballeur Emmanuel Collet, âgé de 22 ans, survenu presque au même endroit en décembre 2020. Le jeune homme, domicilié à Résidence La Cure, évoluait au sein de l’ASPL 2000. Après plusieurs jours sous respiration artificielle, il avait rendu l’âme le 7 janvier 2021. Il était considéré comme un élément prometteur pour le club de la capitale, au même titre qu’Anas Tenny, et était pressenti pour intégrer l’équipe première avant l’arrêt des compétitions en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19. Anwar Elahee, président d’ASPL 2000, revient sur le triste sort qu’ont subi deux jeunes de son équipe. «En espace d’une année, l’ASPL 2000 perd deux talents prometteurs dans des conditions tragiques et au même endroit. Emmanuel avait le potentiel pour devenir un grand défenseur alors qu’Anas était un très bon gardien de but. Le destin en a voulu autrement. Au nom du club, je présente mes sympathies à la famille d’Anas et à tous ceux affligés par cette perte.»
Un décès de plus, mais, surtout, un décès de trop, confie un footballeur ayant côtoyé ces deux jeunes : «En moins de deux ans, j’ai vu disparaître deux jeunes que j’estimais beaucoup ; en l’occurrence Emmanuel Collet et Anas Tenny, tous deux décédés dans les mêmes conditions. Il y a, certes, des facteurs humains à ces accidents mais ce pylône électrique n’est-il pas, lui aussi, à la base de ces pertes ? Ne peut-il pas être enlevé ou déplacé ? Je suis sûr qu’il y a eu d’autres accidents mortels en ces lieux.» Un élément que confirme Brian Ng, conseiller du village, en nous rappelant que Kervin Lim Ah-Sheung, 42 ans, a aussi perdu la vie sur cette même route en avril dernier.
«Les conseillers du village ont fait plusieurs recommandations à la Road Development Authority (RDA) concernant cette route car celle-ci tombe sous leur responsabilité alors que le District Council prend en charge les routes latérales. Nous leur avons envoyé plusieurs correspondances, conscients que les accidents étaient nombreux en ces lieux, mais ils ne sont jamais revenus vers nous», explique Brian Ng. Dans ces lettres, poursuit-il, «nous leur avons notamment proposé de faire construire des ralentisseurs ou d’y installer des cat’s eye reflectors, mais rien n’a été fait jusqu’ici». Nous avons tenté de joindre un des responsables de la RDA pour avoir leur version des faits, en vain.
En attendant, ce sont plusieurs familles, à l’instar de celle d’Anas Tenny, qui pleurent leur proche disparu sur cette route qui se révèle véritablement meurtrière. «Physiquement, je suis là, mais mentalement je ne le suis pas», lâche Abdel, à bout de forces. «Kitfwa enn zour mo pou kapav aret mazinn sa otan, me mo paran pou ress pans sa ziska zot ferm zot lizie.» Les funérailles du jeune footballeur ont eu lieu le lundi 29 août.
Les hommages ont défilé sur les réseaux sociaux suite au décès tragique d’Ashvin Gunga. Cet habitant de Beau-Bassin, âgé de 21 ans, a trouvé la mort dans de terribles circonstances aux petites heures du matin du vendredi 2 septembre. Il circulait à moto sur la Nationale, à Riche-Terre, lorsque son deux-roues est entré en collision avec une fourgonnette. À son arrivée sur place, le personnel du Samu n’a pu que constater le décès du jeune homme. Le conducteur de la fourgonnette impliquée a été appréhendé suite au drame. Il a été soumis à un alcotest qui s’est révélé négatif. Il a tout de même été placé en détention jusqu’à sa comparution en cour sous une accusation provisoire d’homicide involontaire. Les enquêteurs comptent visionner les images des caméras Safe City situées en ces lieux pour faire la lumière sur les circonstances exactes de cet accident. Les parents d’Ashvin Gunga n’ont pas été en mesure de témoigner, tant ils sont bouleversés après cette terrible perte. C’est entourés d’amis et de proches de la victime qu’ils ont accompagné leur fils jusqu’à sa dernière demeure ce samedi 3 août.
Textes : Elodie Dalloo et Rehade Jhuboo
Publicité