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14 avril 2020 00:13
La crise sanitaire du Covid-19 a soulevé un marasme. Partout dans le monde, l’épidémie a créé un choc économique majeur. Si certains secteurs pourront se relever et se reconstruire une fois la crise passée, d’autres voient le pire se dessiner. C’est notamment le cas pour les petites et moyennes entreprises dont beaucoup ont peur de n’avoir d’autre choix que de mettre la clé sous la porte. Ici comme ailleurs, ces entreprises sont souvent fragiles. Entre une concurrence rude, une entrée d’argent pas à la hauteur de l’investissement et les factures à payer, il est difficile en temps normal de garder la tête hors de l’eau. Le Covid-19 et tout ce qu’il implique n’est pas venu arranger les choses. Bien au contraire. Avec le lockdown qui perdure, beaucoup ont été obligés de cesser toute activité, ce qui équivaut à une baisse drastique des revenus. À côté, les charges, elles, comme le paiement du salaire des employés, le loyer et les factures, ne pardonnent pas.
Si le gouvernement est venu de l’avant avec un plan d’aide pour les PME (voir hors-texte), les petits entrepreneurs ne voient pas pour autant la lumière au bout du tunnel et se sentent déjà engorgés. Alors, comment s’en sortir ? La question reste entière. Une pétition en ligne a été lancée par Jean-François Leckning, directeur de PEOPLE Magazine (voir plus loin), afin de demander au gouvernement d’agir. En attendant des réponses, les entrepreneurs se rongent les sangs.
C’est le cas de Priya Ramkissoon, fondatrice et directrice d’Imiloa, qui regroupe plusieurs artisans. L’impact est sans précédent. «La situation est très préoccupante. Nous n’avons pas seulement peur pour notre avenir mais nous nous demandons comment nous pourrons continuer à être opérationnels pour ceux qui comptent sur nous.» Avec les frais généraux à honorer, l’augmentation des matériaux, elle n’aura pas d’autre choix que de prendre des mesures drastiques. «En retour, cela va créer un fardeau inévitable pour nos fournisseurs, clients, consommateurs et surtout pour la prestation des services sociaux, créatifs et communautaires que nous fournissons.»
Jean Marc Fayolle est tout aussi inquiet pour son entreprise de fitness, Coach Me. Cette affaire, il l’a construite, confie-t-il, à force de dure labeur, économisant roupie par roupie pour pouvoir réussir et louer un studio où il a installé son club de fitness. Aujourd’hui, tout est remis en question. «C’était déjà difficile avant la crise du coronavirus. Je me débattais comme je pouvais mais là, c’est la goutte d’eau. J’ai fait beaucoup de sacrifices. Je tenais bon car j’avais un minimum d’entrée d’argent. Désormais, il n’y a plus rien.»
Le jeune homme ne se retrouve pas dans les mesures annoncées par le gouvernement. «On nous demande de nous endetter encore plus. On contribue aussi au développement du pays mais nous avons l’impression d’être des oubliés.» L’avenir, dit-il, lui semble bien flou. «Avec ma femme, nous venons d’avoir un bébé. Je peux vous dire que les jours sont difficiles. Heureusement, elle m’aide beaucoup mais je ne pourrai pas continuer comme ça. J’ai pris la décision de vendre tout mon matériel. Je n’ai plus le choix.»
Les jours sont difficiles, compliqués, incertains. Les craintes sont nombreuses, lance Lalita Junggee, fondatrice et directrice d’Eco Hustle. «J’ai peur pour l’avenir et ce sera un cauchemar s’il y a une prolongation du confinement. Mon mari et moi sommes tous les deux entrepreneurs. Nous faisons également nos propres salaires et celui de nos employés. C’est difficile à planifier. Je vois un tsunami à venir et je n’exagère pas quand je le dis.»
Pour Ajay Beegoo, homme d’affaires qui a fait carrière dans l’importation, la situation est plus que jamais compliquée, surtout que la reprise ne se fera pas du jour au lendemain. L’argent ne rentre pas mais les frais, eux, ont besoin d’être réglés. «Il y a les salaires, les emprunts, les factures d’électricité et autres. Ça fait beaucoup. Le gouvernement a proposé des choses mais les entrepreneurs ont besoin de plus d’aide pour survivre. Il faut mettre en place un stimulus package.»
Ce serait, soutient-il, une bouffée d’air frais pour les petites et moyennes entreprises.
Outre l’aide gouvernementale de Rs 5 100 aux Self-Employed, plusieurs autres mesures ont été prises par le ministère des Finances. Il y a d’abord un Special Reflief Amount pour ceux dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas Rs 50 millions. En ce qu’il s’agit des prêts, une période moratoire de six mois sera applicable sur le remboursement du capital et les intérêts. La Development Bank of Mauritius propose un loan pouvant aller jusqu’à Rs 1 million pour les compagnies dont les revenus ne dépassent pas Rs 10 millions. En ce qu’il s’agit des loyers, Landscope Mauritius annulera les pénalités de retard de paiement. Pour ceux louant dans le privé, ils peuvent avoir recours à des prêts sous le Revolving Credit Fund. De son côté, le ministère du Développement industriel, des PME et des coopératives travaille sur un plan de relance. Un Steering Committee, qui réunira le ministère du Développement industriel, la Chambre de Commerce et d’Industrie, l’Association of Mauritian Manufacturers, la Mauritius Export Association, SME Mauritius, la Mauritius Cooperative Alliance et l’Economic Development Board, sera mis sur pied.
L'idée de lancer cette pétition, elle est venue comment ?
Dès que j’ai pris connaissance des premières mesures d’aide annoncées par l’État, j’ai compris qu’on était mal barrés. Ces mesures sont totalement inadaptées à ce qu’on appelle les TPE, Très Petites Entreprises, terme qui n’est pas utilisé à Maurice. Personnellement, je ne me retrouve dans aucune des trois mesures. La première, l’allocation de Rs 5 100, est seulement destinée à ceux dont les revenus familiaux ne dépassent pas Rs 50 000. Ce qui n’est pas mon cas.
La deuxième, c’est un moratoire de six mois sur le «repaiement» des emprunts d’entreprises. Or, nous savons tous que les banques commerciales ne prêtent pas aux TPE, faute de garantie, mais prêtent volontiers aux entrepreneurs en tant que personne, entité morale. C’est ce qui s’est passé dans mon cas et j’ai réinjecté cet argent dans mon entreprise sous forme de capital. Donc, techniquement, j’ai l’obligation de continuer à repayer mes mensualités bien que je ne génère plus de revenus.
La troisième, c’est de nous endetter davantage sous la forme d’un prêt allant jusqu’à Rs 1 million mais remboursable sur seulement deux ans à 6,5 % d’intérêts pour les 15 derniers mois. Ce qui ferait une mensualité de près de Rs 40 000. C’est surréaliste et indécent !
Quel est l’objectif derrière ?
Unir les petits entrepreneurs derrière cette cause de survie. Former un groupe de pression pour que notre voix compte. L’objectif d’atteindre 4 000 signatures a été atteint. La pétition a été envoyée au ministre Padayachy. Et j’espère qu’il prendra le temps de nous lire.
Qu’est-ce qui devrait être fait pour soutenir les TPE ?
Parmi les mesures essentielles que nous revendiquons, figurent : 1) Un moratoire de six mois sur le remboursement de tous les emprunts, personnels et d’entreprises, capital et intérêts, auprès des banques comme des sociétés de leasing 2) Un moratoire de six mois sur les intérêts liés à nos découverts autorisés 3) Le gel des factures de téléphone, d’eau et d’électricité, personnelles et d’entreprise 4) Le gel du VAT Return pour le premier trimestre de 2020 5) La possibilité d’emprunter jusqu’à Rs 1 million sur cinq ans et non deux ans, et à un taux d’intérêt ne dépassant pas 2,5 %.
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