Publicité

Super Cash Back Gold : En attendant le remboursement…

19 juillet 2016

Depuis un an, les clients déçus de la BAI multiplient les manifestations, comme celle organisée en avril 2016.

Une pointe de colère. Un soupçon d’amertume. Mais aussi beaucoup d’espoir. Parce qu’il est impossible de croire que le pire du pire pourra arriver. Nivesh (son prénom a été modifié à sa demande) a déjà fait face à un premier coup du sort : la chute de l’empire BAI. Le deuxième, il le vit actuellement : il ne sait pas encore quand il verra la totalité – voire une partie – des Rs 3 millions qu’il a investies dans le plan Super Cash Back Gold(SCBG). Son cas a été référé à la Financial Intelligence Unit pour une enquête sur, entre autres, la provenance de cet argent. Et alors que ceux qui ont fait un investissement de moins de Rs 1 million reçoivent leur capital de départ (en totalité) et que ceux qui ont misé plus sont remboursés à un certain point, il crie à l’injustice. Comme lui, de nombreux autres détenteurs de cette police d’assurance se sentent lésés.

 

C’est pour cela que le mercredi 13 juillet, Nivesh et d’autres personnes dans son cas étaient aux côtés de Rama Valayden, avocat et membre du PTr, de l’avoué Kaviraj Bokhoree et de Salim Muthy, travailleur social, pour une manifestation pacifique dans les rues de Port-Louis. Suite à ce mouvement, ces trois hommes ont été interpellés par la police. Des cadres du National Property Fund Ltd (qui s’occupe du remboursement des clients de l’ex-BAI) auraient porté plainte contre eux pour des propos tenus lors de ce rassemblement (voir hors-texte).Nivesh suit ces développements de près, mais ne perd pas de vue son objectif premier : retrouver son argent. Ou plutôt l’argent de sa famille : «Ce sont mes économies et celles de mon père qui a travaillé dur pendant plus de 40 ans.»Depuis plus d’un an, tous ses projets sont en suspens. Et sa mère ne touche plus les intérêts qui, ajoutés à sa pension, lui permettaient d’avoir une vie décente : «C’est une détresse au quotidien.»

 

«Ce sont les économies»

 

Il ne comprend pas toutes ces enquêtes : «J’ai déjà remis tous les documents à la Mauritius Revenue Authority. Je ne vois pas pourquoi je dois faire face à une enquête d’une deuxième institution du gouvernement.»Et quand il essaie, il ne saisit pas pourquoi il est concerné : «J’entends dire que, quand on a investi plus de Rs 1 million, il y a des risques que ce soit de l’argent de la drogue. Je n’ai jamais vu de drogue de ma vie ! C’est humiliant de mettre en doute la provenance de mon argent. Ma famille et moi, nous n’avons rien fait de mal. Ce sont les économies d’un père qui a travaillé dur toute sa vie.»

 

Bien sûr, il y a cette peur de perdre cet argent, d’effacer ses rêves de maison, de voyage, d’études pour les enfants ou alors de retraites assurées. Mais il existe également cette impression d’être traité comme un criminel, comme un gourma kas. Le ministre de la Bonne gouvernance, responsable du dossier BAI, disait, suite à la manifestation, sur sa page Facebook : «I have done the best I could for the many and our team has worked, without rest, for those in NEED... Not GREED.»

 

C’est ce sentiment un peu moche qui colore la colère de Reshad, un retraité, lui aussi détenteur d’un plan SCBG. Il ne dira pas combien il a investi, mais il s’agit d’une somme supérieure à Rs 1 million : «Ce sont mes économies pour ma retraite. J’ai bossé sans relâche toute ma vie pour cet argent. J’ai économisé pour ne pas être dans le besoin. Aujourd’hui, je n’ai plus rien. Avec ma femme, nous ne survivrons pas si ce n’était pour nos enfants. Ce n’est pas normal. C’est injuste. Je ne veux pas accepter le dealdu ministre Bhadain. Je ne veux pas récupérer uniquement 50 % de mon argent.» Dans un courriel adressé aux rédactions, quelqu’un qui se présente comme une victime de la chute de la BAI dénonce et partage un sentiment que ressentent nos deux autres interlocuteurs : «Il faudrait que le ministre Bhadain réalise qu’il y a une grande différence entre avoir une police SCBG de Rs 5 millions et avoir une voiture de Rs 5 millions ! Pour les uns, c’est l’ensemble de leurs économies, pour les autres, c’est un beau cadeau qu’ils peuvent sans doute se permettre.»

 

Il rappelle que les produits SCBG «étaient validés et entérinés par le gouvernement» : «Nous ne sommes pas allés chercher quelque stratagème douteux au Panama ou ailleurs, mais nous avons fait confiance à nos institutions nationales.»Il précise également que le retour sur investissement n’était pas «incroyablement haut» : «Nous ne sommes pas des imbéciles, nous n’aurions pas investi notre argent dans ce cas-là.»

 

Aujourd’hui, comme Reshad et Nivesh, il dit vouloir retrouver son argent. Et dans ses écrits, il n’y a pas qu’une pointe de colère…

 

Les deux plans de remboursement… et la solution des contestataires

 

Pour ceux qui ont investi moins de Rs 1 million. Pour cette catégorie de personne, no souci ! Ils ont eu l’assurance de récupérer l’intégralité de la somme investie, sans déduction d’intérêts.

 

Pour ceux qui ont investi Rs 1 million ou plus. Ils ont deux options : (1) le remboursement de leur capital se fait sur cinq ans (sans bonus). (2) 75 % de leur capital est remboursé et ils obtiennent un bonus. Néanmoins, de ces 75 %, 50 % seront remboursés en cash alors que les 50 % restants se feront sous forme d’actions au sein du National Property Fund.

 

Une proposition. Elle est simple, explique Salim Muthy : «Nous en avons fait une dans une lettre adressée au Premier ministre. Les clients du SCBG ne sont pas contre les concessions. Ils acceptent qu’on leur rende uniquement leur capital, pas de bonus. Que seulement 85 % de ce capital soit reçu en cash et que le reste soit investi dans des institutionstelles qu’Air Mauritius, la State Bank ou encore Mauritius Telecom. Dans des entreprises rentables où ils sont sûrs d’avoir un retour. C’est une win-win situation, le gouvernement en sort gagnant. Les victimes aussi.»

 

Salim Muthy : «C’est quand on dit la vérité qu’on gêne»

 

«Pour avoir le miel, il faut avoir le courage de combattre les abeilles.» Salim Muthy, travailleur social engagé aux côtés des victimes de la chute de la BAI, tient que cette phrase résume son actuel combat. Il a été touché, dit-il, par les drames que vivent les gens dont l’argent a été bloqué du jour au lendemain. Il ne cache pas son ressentiment envers le National Property Fund Ltd qui ajoute à cette angoisse, dit-il :«Ceux qui sont finalement remboursés se retrouvent avec des chèques qui sont mal remplis.»Dans les prochains jours, explique-t-il, il organisera une conférence de presse avec des étrangers qui vivent à Maurice et qui ont investi toutes leurs économies dans le plan de la BAI.

 

Rama Valayden : «Pour une commission d’enquête»

 

C’est ce qu’il souhaite. L’avocat estime qu’il est temps qu’une commission d’enquête menée par un juge en fonction se penche sur le Super Cash Back Gold. Il l’a déclaré lors d’un point de presse en fin de semaine. Il a aussi demandé une rencontre avec le Premier ministre, tout en pointant du doigt la façon de faire du ministre de la Bonne gouvernance qui mettrait en danger le pays : «L’île Maurice mérite mieux.»

 

Ce qui s’est passé cette semaine

 

Le mercredi 13 juillet. Une marche pacifique est organisée dans la capitale par les détenteurs de la police Super Cash Back Gold– rejoints par certains investisseurs du Bramer Asset Management –qui se sentent lésés par les mesures des autorités : «Nous avions l’accord de la police et de la municipalité. D’ailleurs, nous avions accepté toutes les modifications proposées concernant le trajet et l’heure de ce rassemblement. Nous avons marché, organisé un petit meetingsur place, les gens ont discuté, nos avocats ont expliqué, nous avons déposé une lettre au Bureau du Premier ministre pour demander une rencontre et faire nos propositions. Puis, nous nous sommes dispersés sans problème»,explique Salim Muthy, travailleur social et un des organisateurs de cette marche avec l’avocat Rama Valayden.

 

Le jeudi 14 juillet. Les détenteurs du plan SCBG ne seront pas remboursés comme prévu ce jour-là. Sanjiv Issary, le CEO du National Property Fund Ltd (NPFL), entité responsable de cet exercice, est catégorique : le staff ne se sentira pas en sécurité. Selon lui, la manifestation de la veille a provoqué une vague de colère contre le personnel du Fund. Une quinzaine de cadres du NPFL, dont le CEO et le président du conseil d’administration, Faadeel Ramjanally, ont fait une plainte en ce sens. En fin d’après-midi, Rama Valayden est interpellé, puis il lui est permis de rentrer chez lui.

 

Vendredi 15 juillet. Salim Muthy, Rama Valaydenetl’avoué Kaviraj Bokhoree sont interrogés par la police concernant cette manifestation.

 

Que fait la Financial Intelligence Unit ?

 

Plusieurs cas – concernant les investisseurs du SCBG et du Bramer Asset Management– ont été référés à cette unité en attendant un remboursement. Pourquoi ? Roshi Bhadain, le ministre de la Bonne gouvernance, explique pourquoi : «Ces cas sont considérés comme étant suspects. Nous ne savons pas d’où provient l’argent qu’ils ont investi.»

Publicité