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Par Yvonne Stephen
1 octobre 2015 16:05
Problème sur la ligne. Ça grésille. De l’Angleterre à Maurice, la connexion ne passe pas très bien en ce samedi 26 septembre, en fin de matinée. Néanmoins, malgré la distance et les soucis de communication, on sent dans la voix de Vidulah Bysooa une impressionnante force. La maman de David, 16 ans, ne va pas lâcher l’affaire ! Le 29 juillet, son fils, qui souffre d’une légère paralysie cérébrale et d’autisme léger, devait prendre un avion d’Air Mauritius de l’aéroport de Heathrow pour rallier Maurice. Néanmoins, il a été conduit hors de l’appareil où il était installé avant le décollage. David aurait été agité et le commandant a pris la décision de ne pas le laisser voyager, a confié Prem Sewpaul, le chargé de communication de la compagnie nationale d’aviation. Désormais, David ne pourra plus prendre un avion d’Air Mauritius tout seul.
L’histoire de cet adolescent qui est parue dans le Daily Mail, et a été reprise par plusieurs sites d’informations britanniques, a enflammé les réseaux sociaux mauriciens, en ce début de week-end. Nombreux sont ceux qui dénoncent la décision d’Air Mauritius, qui serait, selon eux, un acte de discrimination contre une personne handicapée. La mère de famille s’apprête, elle, à engager un combat légal après avoir pris connaissance des explications d’Air Mauritius et après avoir parlé de la mésaventure de son fils à plusieurs ONG britanniques. Pour son Dave et pour tous les enfants comme lui, elle a décidé de poursuivre en justice Air Mauritius. De son côté, la compagnie estime avoir respecté toutes les procédures et donne sa version des faits (voir hors-texte).
Vidulah, qui vit à Londres depuis plusieurs années, nous fait parvenir des clichés de son fils : un beau jeune homme souriant et bien habillé. En apparence, rien ne le différencie des autres adolescents de son âge. Cette Mauricienne a toujours souhaité que son fils ait confiance en lui et en ses capacités : «Il ne peut pas s’exprimer comme vous et moi, mais il est autonome. Il se nourrit tout seul, peut aller à la boutique, par exemple.» D’ailleurs, depuis ses 12 ans, l’enfant, qui est très attaché à ses grands-parents qui vivent à Maurice, prend l’avion seul deux à trois fois par an pour se rendre dans l’île. Vidulah ne comprend donc pas ce qui s’est passé ce 29 juillet. Comment un acte si habituel pour David a tourné au cauchemar.
David n’aurait pas obtenu son siège près du hublot – il se sent plus en sécurité à cette place-là – et aurait importuné sa voisine de siège en se penchant continuellement pour regarder dehors : «Je me demande pourquoi on ne lui a pas donné son siège. Je ne comprends pas», confie Vidulah. Le personnel aurait sommé l’adolescent de s’asseoir correctement et lui aurait crié dessus jusqu’à l’abrutir (ce que nie Air Mauritius). Bien sûr, les versions – celle de la compagnie aérienne et celle de la famille de l’adolescent – différent de façon importante. En tout cas, la mère de famille est catégorique : «Mon fils n’est pas violent. Je le connais. Il n’a rien fait. D’ailleurs, quand je l’ai récupéré, il a pleuré avec moi dans la voiture. Il ne comprenait pas ce qui s’était passé. Il n’arrêtait de me dire : «Mum ? Me, naughty ?». Il avait honte, je crois : on lui a quand même crié dessus devant tout le monde. Il était traumatisé.»
Quelques semaines plus tard, Vidulah et son époux ont accompagné David à Maurice : «Il le fallait, il voulait voir ses grands-parents. Mais nous ne voyagerons plus jamais par Air Mauritius. Mon fils revient en décembre mais grâce à une autre ligne aérienne. Vous verrez, il n’y aura pas de souci.» Le problème, affirme-t-elle, c’est Air Mauritius…
Des posts furieux sur les réseaux sociaux. Des articles qui dénoncent Air Mauritius dans la presse britannique. L’image de la compagnie nationale d’aviation en prend un sérieux coup. La situation n’est pas heureuse, estime Prem Sewpaul, responsable de communication de la compagnie, néanmoins il n’était pas possible de faire autrement, affirme-t-il : «Une compagnie doit faire attention à sa réputation mais pas au péril de la sécurité. Le commandant devait prendre une décision et il l’a prise en respectant toutes les procédures. La sécurité n’est pas négociable.» Bien sûr, estime notre interlocuteur, le fait que David n’ait pu voyager est «regrettable» : «Il s’agit d’un voyageur régulier et tout s’était toujours très bien passé.» À la question de savoir pourquoi un siège avec hublot n’avait pas été alloué à David alors que sa mère en avait fait la réservation, Prem Sewpaul expliquera que l’avion était rempli et que ce sont des choses qui arrivent : «Et il était déjà nerveux. Lui donner un siège avec un hublot n’aurait rien changé.» Néanmoins, pour lui, les parents étaient au courant de ce changement. Vidulah, elle, persiste et signe. À aucun moment, on lui a fait savoir que son fils n’aurait pas le siège qu’il souhaitait : «Une annonce aurait dû être faite. Ça n’a pas été le cas !»
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