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Par Elodie Dalloo
9 juin 2020 19:01
La perte d’un être cher est certainement l’étape la plus difficile dans une vie. Surtout quand il s’agit d’une personne aussi essentielle qu’une maman ou un papa. Enfant, nous grandissons bien souvent avec la conviction que nos parents sont éternels, jusqu’à ce que la mort nous rattrape et nous enlève à jamais celui/celle que nous avons toujours chéri/e. Parfois, nous avons le temps de nous y préparer et parfois, elle frappe au moment où nous nous y attendons le moins. Dans les deux cas, la douleur est aussi vive et pénible.
Veejata, 28 ans, Satyam, 26 ans, et Nandanee, 19 ans, ont vécu les deux cas de figure. À leur grand désespoir. L’an dernier, en octobre, leur mère Jaiantee Mulloo les a quittés après s’être battue pendant deux longues années contre un cancer du sein. Elle était âgée de 52 ans. Et cette année, soit le mardi 2 juin, leur père, Suresh Kumar Mulloo, a été brusquement arraché à la vie. Il n’a pas survécu à ses blessures après avoir été percuté par un autobus pendant qu’il circulait à vélo. Il était âgé de 58 ans.
À Plaine-Magnien, au domicile de la famille Mulloo, les sentiments d’impuissance et de tristesse ont envahi l’atmosphère et les coeurs. Pour cause, en l’espace de quelques mois, Veejata, Satyam et Nandanee ont perdu deux des personnes auxquelles ils tenaient le plus : leurs parents. En octobre dernier, Jaiantee Mulloo, leur mère, a succombé à un cancer du sein. «Pendant deux ans, elle a cumulé les allers et retours entre notre domicile et l’hôpital Victoria. Elle a beaucoup souffert. Elle est décédée alors que Nandanee prenait part à ses examens du Higher School Certificate. Les deux étaient vraiment très proches», raconte Satyam. Malgré le bouleversement qu’a engendré ce triste départ, la famille Mulloo s’est battue pour rester forte. «Mon père a été un pilier pour nous tous. Lorsque notre mère est tombée vraiment malade, il nous a demandés de ne pas nous en faire. Linn dir nou pa strese, ki li pou touzour la, ki si nou mank kitsoz, li pou donn nou. Il a été un père et une mère à la fois.» Ce sont d’ailleurs ses encouragements qui ont permis aux trois enfants de garder la tête hors de l’eau.
Après le décès de son épouse, Suresh Mulloo a tenu ses promesses. Il a fait de son mieux pour que ses enfants ne manquent de rien et ressentent le moins possible l’absence de leur mère. «Il nous aimait de tout son cœur. Il nous aidait comme il le pouvait. Sachant que ma petite sœur avait été particulièrement affectée, il l’a vraiment épaulée pour qu’elle reprenne goût à la vie. Li ti pe koze, riye ar li, fer li sorti.» Son dévouement et ses sacrifices ont d’ailleurs porté leurs fruits. Il a été submergé d’émotion le jour où il a appris que sa petite dernière, Nandanee, avait brillamment réussi à ses examens malgré les épreuves auxquelles elle avait fait face durant cette période. Elle fait d’ailleurs partie des lauréats de la cuvée 2019 dans la filière scientifique. «Apre mo mama, mo papa ti mo sel sipor. Vu que je devais aller à l’université, il a été mon soutien émotionnellement et financièrement», lâche la jeune femme, anéantie. Elle n’est pas la seule à avoir toujours pu compter sur son appui. «Il avait pris de l’emploi dans une société de gardiennage récemment pour que nous puissions joindre les deux bouts. Il savait que j’avais des difficultés financières et veillait à ce que j’aie toujours de quoi manger. Le reste de son salaire, il l’économisait pour les études universitaires de ma sœur», confie le fils unique de Suresh Mulloo.
Malheureusement, Veejata, Satyam et Nandanee étaient loin d’être au bout de leurs peines. Le mardi 2 juin, leur monde s’est écroulé à nouveau, avec encore plus de violence, sans crier gare cette fois. Alors qu’ils n’avaient pas encore fait le deuil de leur mère, leur «pilier» a quitté ce monde brusquement. Satyam venait à peine de se lever pour aller au travail lorsqu’il a entendu frapper à la porte. «Une voisine était venue demander des nouvelles de mon père parce que son époux, qui travaille avec lui, avait aperçu un vélo rouge ressemblant au sien à l’endroit où un accident avait eu lieu.»
Ce que les trois enfants redoutaient le plus leur a ensuite été confirmé par les policiers de Plaine-Magnien. «Mo lame ek lipie ti pe tranble. Monn gagn enn sok. Cela nous a terriblement bouleversés. Mon père jouissait d’une bonne santé. Je ne peux pas m’empêcher de penser à quel point il a pu souffrir durant ses derniers instants. Il ne méritait pas une mort pareille», se désole Satyam. D’après nos renseignements, il circulait à vélo lorsque son deux-roues a été heurté par un autobus, à quelques mètres de son lieu de travail. Il a rendu l’âme avant l’arrivée des secours. Une autopsie a attribué son décès à ses multiples blessures.
Avant de quitter ce monde, Suresh Mulloo a tout de même pu concrétiser plusieurs rêves. Il a notamment eu le bonheur de voir ses deux aînés se marier. «J’avais longtemps mis en suspens ma vie personnelle pour que nous puissions tous nous occuper de ma mère lorsqu’elle est tombée malade. Après son décès, mon père m’a dit qu’il était temps pour moi de passer ce cap. Il était heureux de voir que j’avais une personne qui prenait soin de moi.» C’est ainsi que le 15 février de cette année, Satyam et son épouse se sont dit «oui». «Il était fou de joie ; il en avait même pleuré.» Malheureusement, il n’a pu concrétiser son souhait de voir sa benjamine aller étudier à l’étranger ; un rêve pour lequel il s’était tellement sacrifié. Bien qu’ils bénéficient du soutien inconditionnel des autres membres de la famille, les enfants du couple l’avouent : «Nous ne savons pas encore comment nous allons nous en sortir.»
Depuis que ce deuxième drame s’est abattu sur leur famille, Satyam ne peut s’empêcher de s’interroger sur les circonstances de cet accident. D’après lui, la vitesse serait à l’origine du drame. «Le pare-brise de l’autobus a été brisé. Cela ne se serait pas produit si les limitations de vitesse avaient été respectées. Je suis moi-même receveur d’autobus depuis plusieurs années, je sais comment cela se passe en cas d’accident. J’espère que la police établira vite les faits et que les images des caméras de surveillance situées à proximité seront visionnées.» Entre-temps, l’alcotest pratiqué sur le conducteur s’est révélé négatif. Il a comparu en cour sous une accusation provisoire d’homicide involontaire. Une enquête est en cours.
Satyam Kumar Mulloo a rejoint sa dernière demeure le mercredi 3 juin, laissant derrière lui trois orphelins qui ne savent pas encore comment ils surmonteront cette nouvelle terrible épreuve de la vie et comment ils affronteront seuls celles qui les attendent à l’avenir, sans leurs deux parents.
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