Publicité
3 février 2016 02:53
Publiée mardi dernier, la Student Behaviour Policyest présentée comme un guide pour les recteurs face à l’indiscipline dans les collèges. Qu’en pensez-vous ?
Ce document vient à point nommé, car on note depuis quelque temps une montée de l’indiscipline et de la violence dans certains établissements primaires et surtout secondaires. Ce document-cadre définit les différents paramètres d’action de la direction de l’école et des enseignants, mais aussi des élèves et des parents, afin de créer une image positive de l’école. Il sera la Bible de toutes les parties prenantes dans le secteur éducatif. L’école est le centre du savoir par excellence. C’est le berceau d’où sortiront les futurs dirigeants, universitaires et cadres du pays. Donc, il faut que l’école soit un terrain propice pour développer et faire s’épanouir les talents.
Selon la ministre de l’Éducation, ce document donne aux recteurs les moyens d’agir contre l’indiscipline. Dans quelle mesure ?
Ce qui est mentionné dans ce document est déjà stipulé dans l’article 34 des Education Regulations.Il faut que tous les recteurs et maîtres d’école dirigent leurs établissements respectifs d’une main de fer, mais dans un gant de velours. Être sévère ne veut pas dire être violent. Faire appliquer les règlements et les lois est du domaine du possible. Ce n’est qu’une question de volonté de la part des gestionnaires.
Des mesures sont ainsi prévues en cas d’infractions mineures : réprimandes verbales, travail supplémentaire, note aux parents ou renvoi temporaire… Qu’en pensez-vous ?
Que faire sinon appliquer ces mesures ? La tolérance des actes d’indiscipline ou de violence ne ferait qu’aggraver les choses. Il faut réagir dans le feu de l’action, car si la direction de l’établissement perdait le contrôle de la situation, les conséquences pourraient être graves.
Ce genre d’actions va-t-il, selon vous, permettre de faire diminuer l’indiscipline dans les collèges ?
Il s’agit de mesures dissuasives visant à remettre l’élève dans le droit chemin. Avec les conseils d’assistants sociaux ou de psychologues, l’élève sera responsabilisé. Il pourra se rattraper et devenir plus discipliné. Pour les récalcitrants, les sanctions pourront aller jusqu’à l’expulsion du collège avec l’assentiment du ministre. Mais je ne pense pas qu’on aura à en arriver à ce point-là. Il ne faut pas oublier que les parents seront aussi mis à contribution pour inciter leurs enfants à se conformer aux règlements.
Une brique envoyée sur la voiture d’un professeur, le visage d’une fille tailladé, entre autres cas… Qu’est-ce qui peut expliquer la montée de la violence dans les collèges ?
L’indiscipline, le manque de respect et les fléaux sociaux tels que la cigarette, l’alcool et la drogue sont les détonateurs de la violence dans les écoles. Il est rare qu’un élève puisse déclencher seul une vague de violence. Mais si son geste suscite l’hilarité générale, cela peut arriver. Toutefois, là encore, tout dépend d’un concours de circonstances. Pourquoi un élève prendrait-il le risque de lapider la voiture de son professeur ? Les comités disciplinaires préconisés par ce document devront se pencher sur les problèmes internes qui affectent les relations élèves-enseignants.
Quel est votre avis sur la punition corporelle, illégale à Maurice depuis 1957 ?
Nous avons toujours été contre. La punition corporelle n’est pas la solution à un problème d’ordre psychologique, moral ou familial. Elle risque de traumatiser l’enfant et de le pousser davantage à la violence. Il est nécessaire que les enseignants puissent comprendre les enfants et essayer de les cadrer. L’enseignant ne doit pas seulement enseigner. Il faut qu’il soit aussi un ami, un conseiller et surtout quelqu’un en qui l’élève puisse avoir confiance.
Quel doit être le rôle des parents face à ce problème ?
L’ancien président de l’Inde, Abdul Kalam, disait qu’il y a trois piliers pour l’éducation de l’enfant : le père, la mère et l’enseignant. Les deux premiers jouent un rôle extrêmement important dans la formation du caractère de leur enfant. L’enseignant pourra ensuite donner au diamant tout son éclat. Selon la Student Behaviour Policy, les parents auront à soutenir l’application des règlements. J’estime que, comme ce document préconise une charte des élèves et une charte des enseignants, il devrait aussi y avoir une charte des parents pour définir leur rôle et les responsabiliser.
Avez-vous d’autres propositions pour faire reculer l’indiscipline ?
Je pense que la Student Behaviour Policytient compte de tous les aspects problématiques de la discipline à l’école. Il suffit maintenant d’appliquer rigoureusement les règlements proposés ainsi que les dispositions de l’Education Act. Mais j’insiste, les parents doivent aussi être engagés, par une
charte, dans le processus de création d’un meilleur environnement éducatif.
Pensez-vous que les élèves indisciplinés ou violents soient conscients de leurs agissements ?
Individuellement oui. Mais collectivement, chacun rejette la faute sur l’autre. Dans un moment de folie collective, un élève risque de commettre inconsciemment plus de violence que dans le cas d’une réaction individuelle.
Faut-il être vraiment sévère face à ces cas ?
Il appartiendra aux comités disciplinaires qui seront établis d’assumer leurs responsabilités. Les règlements sont clairs. Il faut les appliquer judicieusement, au cas par cas. Il ne faut pas généraliser, car chaque cas a sa spécificité.
Pour certains, il s’agit d’«erreurs de jeunesse». Qu’en pensez-vous ?
Ce genre d’«erreurs de jeunesse» n’existe pas dans les collèges privés où l’on applique une discipline de fer. Soit les élèves respectent le règlement, soit ils sont renvoyés chez eux. Cependant, dans certains établissements publics, c’est une certaine arrogance qui pousse les élèves à commettre des bêtises. Ce qu’il reste à faire, c’est d’appliquer les règlements en toute sévérité.
Ma semaine d’actu
Quelle actualité locale a retenu votre attention ces derniers temps ?
L’appel de Pravind Jugnauth dans l’affaire Medpoint et le brillant plaidoyer de l’avocate britannique Clare Montgomery. J’attends, comme tous les Mauriciens, le jugement de la Cour suprême.
Et sur le plan international ?
Le prix du pétrole qui continue à dégringoler et ses répercussions m’intéressent tant sur le plan international que local. Le marché mondial est déjà saturé par une surproduction et avec l’arrivée de l’Iran, quatrième plus gros producteur mondial, tout le monde est sur le qui-vive. Il y a aussi le ralentissement de l’économie de la Chine, la deuxième puissance mondiale, dont l’impact sera ressenti à l’échelle de la planète. On dit que, quand la Chine éternue, le monde s’enrhume…
Que lisez-vous actuellement et pourquoi ?
Je suis avec intérêt sur Internet les commentaires de spécialistes sur le déblocage par différents États, après la levée des sanctions contre l’Iran, des sommes d’argent astronomiques appartenant à ce pays. Le monde de la finance est aux aguets quant aux effets que cela aura sur l’économie mondiale.
Bio express
Suttyhudeo Tengur enseigne l’hindi dans les écoles primaires depuis plus d’une trentaine d’années. Il est président de la Government Hindi Teachers Union, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs, secrétaire de la Primary School Teachers’ Cooperative Credit Union et membre du governing councildu World Hindi Secretariat. Le syndicaliste a également participé à plusieurs conférences internationales, dont les quatre dernières World Hindi Conventions.
Publicité