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22 septembre 2015 12:50
Le grand rassemblement d’aujourd’hui à Kewal Nagar semble être la première étape du PTr vers la reconquête du pouvoir. Qu’en pensez-vous ?
Je ne pense pas qu’on puisse parler d’une reconquête du pouvoir. Mais je suis d’avis que le PTr est bien parti pour récupérer son électorat traditionnel. Concernant les autres segments d’électeurs, c’est une autre stratégie que le parti devra mettre sur pied. Pour le peu qu’on a pu observer jusqu’à l’heure, le PTr semble bien parti pour reconsolider sa base électorale traditionnelle.
Pensez-vous que Navin Ramgoolam a toujours une légitimité politique après les scandales qui ont ébranlé sa crédibilité ?
Je ne suis pas juge et il faudra attendre qu’il passe en cour pour connaître le bien-fondé des accusations. La police a donné l’impression d’utiliser des méthodes cavalières depuis janvier. Cependant, il est indéniable que, pendant neuf ans, il y a eu des abus de pouvoir. Certains témoignages qui ont paru publiquement indiquent qu’il y a eu des vices de procédures et que des institutions n’ont pas été respectées alors que nous sommes une République. Pour moi, tous ceux qui abusent de la confiance qu’on a placée en eux et qui vont à l’encontre des principes de base de la bonne gouvernance perdent leur légitimité. Malheureusement, cela ne semble pas être seulement le fait d’un régime politique particulier. Au vu des nouveaux faits qui ont été rendus publics, il est difficile pour moi de croire en la bonne gouvernance sous le leadership de Navin Ramgoolam. Sur ce sujet, je pense qu’il a perdu toute crédibilité, mais attendons voir sur quel axe il basera sa campagne. On ne sait jamais !
Comment analysez-vous ses différentes sorties et prises de position ces derniers temps ?
Il se défend. Il défend son parti qui est aussi un peu son patrimoine. Je pense que certaines de ses sorties sont pertinentes. Il ne faut pas oublier qu’il a été chef du gouvernement pendant neuf ans. Il est sûrement au courant de beaucoup de choses et peut nous éclairer sur pas mal de sujets. Cependant, je ne crois pas qu’il pourra lutter pour un assainissement de notre démocratie ou le respect de notre État de droit.
Comment expliquez-vous le regain de confiance qui semble animer le leader des Rouges ?
Il y a certainement un ensemble de facteurs. Je ne peux pas me prononcer sur sa vie personnelle. Il semble évident pour moi qu’il s’est ressourcé et qu’il est descendu sur terre. Il a l’air moins rancunier et revanchard. Je ne sais pas si c’est juste une image ou la réalité. Il a réussi à réinstaurer son leadership au sein du parti en matant les voix dissidentes au sein de son exécutif. Elles sont toutes toujours là. J’imagine que le soutien inconditionnel de ses troupes lui donne la confiance qu’il faut pour aller à la reconquête de l’électorat travailliste. Son entourage joue beaucoup j’imagine.
Est-ce que le PTr a les armes pour se repositionner sur l’échiquier politique ?
Dans une logique électorale, l’incertitude qui entoure le sort de Pravind Jugnauth et l’âge avancé de SAJ lui donnent une opportunité de retour. Notre système électoral tourne autour d’une logique communale. Il n’y a pas de politiciens de cette communauté qui ont émergé comme figures nationales pour faire de l’ombre à Navin Ramgoolam. Il semblerait qu’il soit l’option la plus sûre pour le moment. J’espère qu’il y aura une réforme électorale comme on nous l’avait promis pour redistribuer les cartes et que l’électorat mauricien fera comme en décembre 2014, c’est-à-dire rendre certaines logiques électorales obsolètes.
Est-ce que les nombreuses difficultés qui ont surgi – la gestion de l’affaire BAI, les tergiversations autour de la carte biométrique, entre autres – ont altéré la popularité du gouvernement actuel ?
Le gouvernement a été élu en surfant sur une vague de ras-le-bol de l’arrogance et de l’opacité. Une population plus exigeante et mieux informée ne peut pas accepter n’importe quel argument des dirigeants politiques. Gouverner est une science que la population peut comprendre de nos jours. La population peut aussi comprendre la mauvaise foi. Il faudrait que les gouvernants arrivent à expliquer la science qui motive leurs décisions. Après le raz-de-marée de décembre 2014, je pense qu’ils devraient être un peu plus conscients que la population est de plus en plus exigeante et faire attention de bien justifier leurs décisions, sinon ça risque de se retourner contre eux.
Quel bilan faites-vous du travail du gouvernement huit mois plus tard ?
Franchement, pas grand-chose. Il y a eu un espèce de cafouillage politique qui peut s’expliquer par le nombre conséquent de novices en politique actuellement au gouvernement. Les fonctionnaires n’ont pas su encadrer les politiciens pour assurer la continuation de l’État. Il y a eu un moment où les affaires de l’État sont restées en suspens. Le Premier ministre a récemment fait un exercice de recadrage. S’il assume son leadership pleinement, je pense que les choses iront mieux. Son expérience d’homme d’État doit être utilisée pour aider les jeunes qui, même brillants, ont besoin d’être encadrés. La politique est un métier qui s’apprend comme n’importe quel autre métier. L’apprentissage en politique est aussi important que dans n’importe quel autre domaine.
En tant qu’ex-conseillère du MMM, quels sont vos liens avec le parti aujourd’hui ?
Je suis restée sympathisante. Je crois fermement dans certaines des valeurs que le parti prône. Cependant, je ne suis pas active. J’ai appris qu’on n’a pas besoin d’être active dans un parti politique pour vivre ses valeurs politiques. On peut simplement être une citoyenne ou une professionnelle engagée.
Quel est votre avis sur la situation au sein du MMM ?
À vrai dire, je ne pense pas que la situation soit nouvelle. On dirait que c’est du déjà-vu pour les militants de longue date. Les choses ont même l’air de s’être calmées. En ce moment, le MMM n’est pas le parti le plus mal foutu. La question est de savoir si la situation est soutenable à long terme. Le temps nous dira si le parti est compétitif en période électorale.
Il semble qu’il existe trois ailes militantes : le MMM, le Mouvement patriotique et le ML. Votre avis…
Au début, le Mouvement patriotique, le MMM et le ML semblaient être beaucoup plus dans une optique de bataille d’ego et de règlement de comptes sur la voie publique. Le ML et le MP étaient en compétition avec le MMM pour conquérir la base militante. À ce jour, les choses sont plus ou moins fixées. La question est : quel parti réussira à conquérir ou reconquérir l’électorat militante et non militante ?
Quelle actualité locale a retenu votre attention ces derniers temps ?
Je me pose toujours des questions sur ce qui s’est passé dans le Sud. Les choses sont toujours floues. Je voudrais bien savoir qui sont ceux qui mettent en péril notre harmonie sociale. La riposte semblait être organisée. J’aurais aimé savoir quels sont les groupes qui ne croient pas dans notre État de droit et qui se permettent de violer les droits constitutionnels d’autrui. La contestation de La Cambuse m’interpelle aussi beaucoup. Je suis très sensible au combat des écologistes. Le témoignage du Dr Arthur Mitchell m’a interpellée sur cette affaire. Le courage d’une petite fille de 8 ans qui ose aller chercher de l’aide et dénoncer sa mère, mais aussi la détresse d’une mère de 26 ans qui n’arrive pas à gérer une famille de trois enfants seule m’ont également marquée.
Et sur le plan international ?
Les réfugiés syriens et la position de certains politiciens français. Je suis très déçue que la République française tolère que certains de ses politiciens fassent des discours qui vont à l’encontre des valeurs laïques qui sont le fondement de leur système politique.
Que lisez-vous actuellement et pourquoi ?
Ça fait un an que je bloque sur la biographie de Tony Blair. Je dois prendre des vacances pour lire autre chose que le matériel pour la préparation des cours.
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