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Tavish Ausmann condamné à 35 ans de prison pour le double meurtre de Camp-de-Masque-Pavé - Vick Rughoobin, qui a perdu sa fille et sa mère : «Aucun verdict ne peut apaiser notre souffrance»

19 janvier 2022

Depuis la naissance de leur fille, il y a 5 ans, Asha et Vick ont l'impression d'avoir retrouvé leur défunte Yeshna.

«Est-ce que ces vies valent uniquement 35 années d’emprisonnement ?» C’est le cri du coeur de Vick Rughoobin après que le verdict rendu à l’issue du procès contre le meurtrier de sa fille et de sa mère est tombé en Cour d’assises ce vendredi 14 janvier. Près de six ans après le drame, Tavish Ausmann a été condamné à 35 ans de prison pour le meurtre de Yeshna Rughoobin, 13 ans, de sa grand-mère Reshma Rughoobin, 54 ans, et pour l’agression de son petit frère Yovi Rughoobin, âgé de 11 ans au moment des faits ; des charges pour lesquelles il a plaidé coupable. L’accusé, qui était âgé de 17 ans lorsqu’il a commis ces crimes, purgera les trois peines en simultané. Le juge Benjamin Marie Joseph dit avoir tenu compte du fait que l’accusé a reconnu les faits, a collaboré avec les enquêteurs et s’est bien conduit en prison. Le temps qu’il a passé en détention préventive sera également déduit de sa peine.

 

S’ils vivent à des kilomètres de l’île, en Australie, les proches des victimes n’ont pas cessé de suivre l’évolution de l’enquête sur cette affaire ayant bouleversé leur vie à jamais. À ce jour, leur douleur est toujours aussi intense. Et l’annonce de la sentence, le vendredi 14 janvier, est loin de leur apporter l’apaisement qu’ils espéraient tant. Bien au contraire, celle-ci n’a fait que retourner le couteau dans la plaie. Asha Rughoobin, la mère de Yeshna, confie : «Apre tousa letan-la, nou finn resi gagn nou la zistis me sa pa pou re amenn bann dimounn ki nounn fini perdi.» Vick Rughoobin aussi est dans tous ses états : «Est-ce que ce verdict me soulage ? Non ! Aucun verdict ne peut apaiser notre souffrance !» Il poursuit avec véhémence : «Sa garson-la pa pou kapav retourn mo mama ek mo tifi. Il a ôté deux vies et a failli m’enlever mon fils également. Si mon fils n’avait pas fait le mort, il ne serait pas parmi nous. Se trwa dimounn ki sa garson-la ti pou touye !» Son fils Yovi, rescapé du drame et qui aura bientôt 18 ans, trouve lui aussi le verdict trop clément. «Li ti bizin gagn enn pli long santans. Linn bien fer nou fami mizer. Les années ont passé mais je pense toujours à ce qui s’est produit ce jour-là», confie celui-ci, avec l'autorisation de son père. «Je me souviens de cette journée dans les moindres détails. Tous ces mauvais souvenirs me hantent encore aujourd’hui.»

 

Ce drame qui avait fait couler beaucoup d’encre remonte au 26 février 2016 et s’est joué au domicile de la famille Rughoobin, à Camp-de-Masque-Pavé. Par la suite, dans sa déposition à la police, l’accusé Tavish Ausmann avait expliqué qu’il était amoureux de Yeshna Rughoobin mais que cet amour n’était pas réciproque. Habitant la même localité, il s’était rendu chez elle, à quelques mètres de son domicile, pour demander sa main à sa grand-mère Reshma – ses parents se trouvaient déjà en Australie à ce moment-là et comptaient faire venir leurs enfants bientôt. Cependant, la grand-mère n’a pas voulu donner son accord et une dispute a éclaté entre eux. Tavish Ausmann s’est alors emparé d’un couteau pour agresser la quinquagénaire. Puis, surpris sur les lieux par Yeshna et Yovi, qui rentraient de l’école, il a d’abord foncé sur le garçon pour lui infliger des coups de couteau, avant de s’en prendre à l’adolescente. Yovi, qui avait fait le mort afin d’échapper à son agresseur, avait pu prendre la fuite pour aller chercher de l’aide et alerter la police. Malheureusement, sa grand-mère et sa soeur n’ont pas survécu à cette agression sauvage, ayant reçu 13 et 8 coups de couteau respectivement.

 

«Un enfer»

 

D’après Vick Rughoobin, la peine de mort n’étant pas appliquée à Maurice, «il aurait dû être condamné à la prison à vie». «Qu’adviendra-t-il quand, dans quelques années, il recouvrira la liberté ? D’autant qu’il a de fortes chances de voir sa sentence être réduite pour bonne conduite.» Il poursuit, dépité : «De telles sentences encouragent la criminalité. La preuve, chaque semaine, les crimes s’accumulent. On qualifie l’île Maurice de paradis alors que c’est un enfer d’y vivre. Plus personne ne se sentira en sécurité dans des circonstances pareilles !»

 

Vick Rughoobin lance un appel pressant à ses compatriotes : «Les Mauriciens doivent lutter pour que des lois plus sévères soient appliquées. Nous avons, certes, déjà perdu des êtres chers mais nous ne voulons pas que d’autres traversent la même épreuve. Lepep bizin revolte. On dire lavi ti dimounn pa vo nanye. Bann avoka kouma kapav pran defans sa kalite dimounn-la ?»

 

Vick Rughoobin se souvient encore de ce jour fatidique où la mauvaise nouvelle leur a été annoncée. «Nous avons pris l’avion immédiatement pour rentrer et être au chevet de notre fils blessé qui était à l’hôpital. Il ne cessait de réclamer sa soeur et sa grand-mère. Personne ne peut imaginer à quel point cela a été douloureux de lui cacher leur décès. Il n’avait que 11 ans. Nous avons dû organiser les funérailles sans qu’il le sache. Nou mem ki kone kouma nou finn soufer», lâche-t-il. Avec le décès de ses proches, plus particulièrement celui de sa fille, il a vu tant de projets tomber à l’eau. «Yeshna aurait célébré ses 20 ans cette année. J’avais déjà entamé les démarches pour que son frère et elle viennent nous rejoindre en Australie. J’avais tout préparé pour leur offrir un avenir meilleur. Je n’aurais jamais imaginé que ma famille ferait face à une telle tragédie un jour», se désole-t-il.

 

Depuis la tragédie, la famille Rughoobin essaie tant bien que mal de reprendre le cours de sa vie. «Si nous n’avions pas quitté l’île pour l’Australie, cela aurait été beaucoup plus dur pour nous d’avancer. Il en est de même pour Yovi. Venir vivre avec nous a été une vraie bouffée d’air frais pour lui. Autrement, nous ne savons pas s’il aurait pu surmonter cette épreuve.» Si celles qu’ils ont perdues sont irremplaçables, Vick et Asha Rughoobin ont accueilli, il y a un peu plus de quatre ans, une petite fille dont le deuxième prénom est symboliquement Yeshna. «Bondie kone a ki pwin nounn soufer ek Linn donn nou enn tifi. Elle ne remplacera peut-être jamais celle que nous avons perdue mais nous avons l’impression de retrouver notre défunte Yeshna en elle. Elle est son portrait craché et a la même personnalité. Notre conscience nous dit que sa naissance est le retour de notre Yeshna parmi nous. Elle est venue combler ce grand vide laissé par la perte de nos proches.»

 

Mais bien que les proches de Yeshna et Reshma aient aussi connu des moments de joie, la perte de ces deux êtres chers, surtout dans des circonstances tragiques, est une douleur qui reste tapie dans leurs coeurs et resurgit à la moindre occasion. Comme c’est le cas depuis l’annonce du verdict contre Tavish Ausmann.

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