Publicité
5 février 2023 21:46
L’instant est symbolique et solennel. À la rivière du Pouce, à Petit-Verger, Saint-Pierre, en cette matinée du samedi 4 février, ils sont des dizaines et des dizaines de dévots à attendre que la procession débute. Après deux ans de Covid-19, la communauté tamoule a célébré, dans une grande ferveur, le Thaipoosam Cavadee, fête religieuse haute en couleur, dédiée au dieu Muruga. Dans la longue file de fidèles, on peut voir des jeunes et des moins jeunes, des familles, des frères et des sœurs, qui sont là pour vivre ce moment de grande piété.
On peut lire dans les yeux des dévots, vêtus de rose, couleur du dieu Muruga, toutes sortes d’émotions. L’impatience et la joie pour ceux qui ne ratent pas une occasion de participer au Thaipoosam Cavadee, l’excitation et l’anxiété pour ceux qui se lancent pour la première fois. L’odeur de l’encens qui emplit l’air et les cantiques dévotionnels qui jouent en boucle les aident à se recueillir et à se concentrer avant de franchir la prochaine étape de ce pèlerinage qui est de se faire piquer la langue avec une aiguille ou de planter de fines aiguilles sur son corps. Un geste hautement symbolique, synonyme de sacrifice et de dévotion, deux éléments indissociables qui leur ont permis, le temps du jeûne qui a duré 10 jours, de culminer vers ce jour important.
Dans la foule, deux jeunes sœurs, loin de se laisser distraire par l’effervescence de la foule, sont concentrées sur l’objectif qu’elles se sont fixé. Davisha Appadu Camiah, 16 ans, et sa petite sœur Luvisha, 10 ans, ont voulu faire le Thaipoosam Cavadee ensemble cette année. «Avant, je ne trouvais pas ça nécessaire de participer mais cette année, j’ai voulu essayer pour l’expérience mais surtout pour la bénédiction de Muruga. On a commencé à se préparer dès le premier jour du jeûne, en nettoyant la maison, en achetant des fleurs, en dessinant le Cavadee, et les préparatifs ont duré jusqu’à tard vendredi. J’ai un peu peur parce que c’est ma prière fois mais mon carême s’est bien passé et aujourd’hui, c’est le fruit de mon sacrifice», confie Davisha. La petite, qui en est, elle, à sa deuxième fois, a toujours voulu prendre part au Cavadee et suivre les pas de son papa. «J’avais 8 ans la première fois. Il y a eu une bonne préparation avec le carême et la prière tous les jours. Je suis très contente de le faire avec ma sœur cette fois.»
Un peu plus loin, Lilesh Munguldasse, 16 ans, et son petit frère Mithilesh, 12 ans, ont, eux aussi, voulu vivre ce moment de grande piété ensemble. À côté d’eux, leur Cavadee fait de bois et de fleurs, qu’ils ont construit et monté jusqu’à très tard dans la nuit précédant la célébration, avant de se réveiller très tôt pour prendre un bain purificateur, prier et se diriger vers la rivière. «J’ai eu envie de participer pour rendre hommage à Muruga et qu’il veille sur moi et ma famille. Pour moi, c’est quelque chose de normal et ça me fait plaisir», confie l’aîné. Il faut dire que chez les Munguldasse, cette célébration se vit en famille. La maman, Ragini, portera, elle aussi, le Cavadee avec ses fils. «On se prépare depuis dix jours. En fait, on a commencé à se préparer petit à petit depuis décembre. On a mis un peu d’argent de côté. On a commencé à réfléchir à comment on allait construire notre Cavadee. On a commencé le grand nettoyage aussi avant de faire les achats.»
Après une nuit passée, raconte-t-elle, à décorer le Cavadee et préparer le traditionnel 7 kari, repas servi après la procession, elle a mis la fatigue de côté pour vivre ce moment avec une grande ferveur. «Pour nous, c’est extrêmement important de vivre cette fête religieuse comme il se doit. Après deux ans de restrictions sanitaires, c’est une joie pour nous de venir glorifier et demander la bénédiction de Muruga pour qu’il accorde la santé, la paix et la prospérité à notre famille.»
Si beaucoup ont vu les choses en grand justement après deux ans de Covid-19, Manuel et Menon Naick n’ont pas voulu, non plus, déroger à la règle. «C’est une tradition que nous suivons depuis que nous sommes petits. On a suivi les traces de nos aînés. Quand on fait ça, on sent qu’on bénéficie de la bénédiction de Muruga qui nous accorde la prospérité», souligne Menon qui accompagne et soutient son frère du début à la fin de ce périple.
Dans la longue file de fidèles, Manuel est loin de passer inaperçu. Il est, en effet, l’un des rares dévots à porter le radon, un imposant chariot à l’effigie du dieu Muruga, qu’il tire à l’aide de grosses pinces accrochées à ses reins, avec le Cavadee sur ses épaules en même temps. Un exercice difficile qui demande une grande concentration et une foi sans faille. «Cela fait 33 ans que je fais ça et c’est mon frère qui me pique. Pour moi, c’est un vrai plaisir. J’ai 47 ans aujourd’hui et pendant tout ce temps, je n’ai jamais manqué une occasion de rendre hommage à Muruga», confie-t-il, les larmes aux yeux, signe de sa grande dévotion en Lord Muruga.
Un samedi sous le signe de la piété. Le Premier ministre Pravind Jugnauth a assisté, ce samedi 4 février, aux célébrations nationales marquant le Thaipoosam Cavadee à l'Arul Migou Sockalingum Meenatchee Ammen Tirukovil, communément appelé Kaylassum, à Port Louis. Étaient également présents : le président de la République Prithvirajsing Roopun, le vice-président de la République Eddy Boissézon, les parlementaires Subhasnee Luchmun Roy et Joanne Sabrina Tour, le leader de l'opposition Xavier-Luc Duval et le haut-commissaire indien Nandini Singla.
Amy Kamanah-Murday et Christophe Karghoo
Publicité