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Tina Roy Tupsy, 41 ans, assassinée par son ex-compagnon dans un autobus : son entourage, bouleversé, raconte son combat perdu

11 décembre 2022

Son calvaire ne datait pas d’hier. Séparée depuis plusieurs années du père de ses deux enfants – elle a un fils de 21 ans et une fille de 16 ans –, Tina Roy Tupsy pensait avoir enfin trouvé le bonheur aux côtés de Khemraj Chukowry, un habitant de Phoenix de 42 ans plus connu sous le nom de Rajesh, dont elle a fait le connaissance sur son lieu de travail il y a quelques années. Cette habitante de Quartier-Militaire venait alors de décrocher un poste comme receveuse alors que celui qui allait faire de sa vie un enfer était chauffeur d’autobus. Durant les premières années de leur relation, elle était sur un petit nuage, aux anges devant tant d’attentions et de bienveillance à son égard, mais elle a vite déchanté lorsqu’elle s’est installée avec cet homme à Valetta.

 

Après un an et demi à subir les injures et les coups d’un compagnon «un peu trop porté sur la bouteille», et ce, sous les yeux de sa fille Bhavi, Tina a mis un terme à leur relation en juillet dernier, préférant repartir vivre chez ses parents. C’était sans compter que cet homme d’une jalousie maladive serait prêt à tout pour la récupérer, quitte à la traquer, la harceler et l’agresser pour essayer de l’obliger à revenir sur sa décision. Son entourage avance qu’elle a consigné plusieurs dépositions dans divers postes de police au cours de ces deux derniers mois, mais que celles-ci n’ont rien changé à la situation. Hélas, elle a fini par être tuée par son bourreau sur son lieu de travail le lundi 5 décembre.

 

Pourtant, décembre s’annonçait comme un mois de festivités pour Tina et pas seulement à cause des célébrations de Noël et du Nouvel An qui approchent à grand pas. Elle allait aussi célébrer son 42e anniversaire le 28 de ce mois, et surtout, elle était très emballée à l’idée d’assister au mariage d’un de ses proches durant les jours à venir. Ce lundi 5 décembre devait être son dernier jour de travail avant des congés amplement mérités. «Elle avait prévu de venir passer quelques jours chez moi pour les préparatifs. Elle voulait en même temps se changer les idées. Nou ti pe prepar nou pou sa maryaz-la, nou ti pou ansam. Lindi mo ti pe vinn kot mo mama pou nou pran so bann zafer nou ale», avance sa petite soeur Pooja.

 

Mais ce jour-là a commencé d’une façon qui n’augurait rien de bon. Tina venait de quitter son domicile vers 6 heures du matin, prête à attaquer sa dernière journée de travail avant ses vacances, lorsque Rajesh Chukowry lui a barré la route avec sa fourgonnette. «Li ti vey li. Si Tina pa ti avanse li ti pou pas lor li», relate Rohit Nund, son père, avec émotion. Pooja, tout aussi bouleversée, poursuit : «Linn pran van linn met lor li me enn vwazinn inn resi ris li. Rajesh pann kapav fer nanye akoz vwazinn ti la.» Par la suite, Tina est rentrée chez elle en attendant que la voie soit libre mais lorsqu’elle est ressortie pour aller travailler, son bourreau est réapparu. «Kan mo ser inn marse pou al lor bis stop, linn swiv li ek laba linn agres li. Linn ris li, tap li kalot, desir so linz. Bann dimoun ki ti la inn bizin intervenir.»

 

Escortée par des habitants de la localité, Tina a ainsi pu repartir chez elle et changer de vêtements avant de se rendre au poste de police de sa localité pour consigner une «énième» déposition, accompagnée de Melina, sa collègue et meilleure amie. Cette dernière avance que «la polis inn dir li ale, ki tou pou korek». «Les policiers ont juste gardé le vêtement déchiré comme pièce à conviction et ont donné un avertissement à Rajesh au téléphone», souligne Melina. Selon l’entourage de Tina, cette plainte aurait été la quatrième qu’elle faisait contre cet homme en l’espace de moins de deux mois. «Après sa troisième plainte, la police lui avait donné la garantie de prendre des actions immédiates et d’appréhender Rajesh s’il revenait la harceler mais cette fois encore, rien n’a été fait», se désole Pooja.

 

Menaces de mort

 

En sortant du poste de police, craignant toujours pour sa sécurité, Tina a pris l’autobus pour aller à la gare de Flacq accompagnée de sa fille Bhavi. «Elle s’était dit que si elle n’était pas seule, Rajesh ne pourrait rien lui faire. Ses collègues lui avaient même demandé de rentrer chez elle de peur que cet homme ne s’en prenne à nouveau à elle mais elle ne voulait rien savoir ; elle était une bosseuse dans l’âme», lâche sa soeur. D’ailleurs, après le départ de sa fille, Rajesh serait à nouveau venu la harceler. Des témoins l’auraient aperçu à la gare de Flacq et l’auraient entendu la menacer de mort, mais Tina est tout de même montée à bord de l’autobus desservant la ligne de Curepipe, ne souhaitant pas perdre une journée de travail. Elle ignorait que le quadragénaire la suivrait jusqu’à Curepipe à bord de sa fourgonnette pour mettre ses menaces à exécution.

 

C’est aux alentours de 13 heures que le drame s’est joué dans un autobus à la gare Ian Palach, à Curepipe. D’après les renseignements obtenus par Melina, «Rajesh ti asiz dan enn bis, linn manze ek bwar, apre linn atann tou dimoun sorti dan lot bis-la pou li atak Tina». C’est juste après l’heure du déjeuner, quelques minutes à peine avant que l’autobus ne quitte la gare, que Rajesh est passé à l’action sous le regard impuissant de Rishi, le collègue de la receveuse d’autobus. Sollicité, ce dernier, qui est chauffeur, revient sur cette tragédie qui le hante depuis lundi. «J’étais dans ma cabine, sur le point de démarrer, lorsque j’ai entendu des pas derrière moi. Quand je me suis retourné, j’ai reconnu l’ex-concubin de Tina. Linn dir li “monn vinn pou touy to mem zordi”. Il est monté à bord, s’est placé sur la banquette derrière laquelle Tina était assise et lui a agrippé le cou. Il a  ensuite sorti un couteau de sa poche et s’est mis à la poignarder à l’estomac», relate-t-il.

 

Sans aucune hésitation, Rishi est intervenu et a pu lui ôter le couteau des mains. Néanmoins, Rajesh a sorti une deuxième arme et l’aurait menacé de le tuer avec. «J’ai du m’enfuir et j’ai alerté la police au téléphone.» Entre-temps, l’ex-concubin de Tina qui était descendu de l’autobus est à nouveau monté à bord pour l’achever. «Je l’entendais hurler “sap mwa, sap mwa” mais je n’ai rien pu faire», lâche tristement Rishi. Lorsque l’agresseur de sa collègue a pris la fuite, il s’est rué vers elle pour tenter de lui prodiguer les premiers soins mais  c’était trop tard. «Elle ne respirait déjà plus. J’ai tout de même alerté les premiers secours. Tout s’est passé tellement vite», se désole-t-il. Quelques minutes plus tard, la police et le SAMU sont arrivés sur les lieux et n’ont pu que constater son décès. Une autopsie a attribué sa mort à une «stab wound to the heart». «Elle était souriante et si gentille. Tou pasaze ti kontan li. Li pa ti merit enn lamor koumsa. Mo espere linn al dan so bien», lâche péniblement Rishi. Il a participé à une reconstitution des faits ce jeudi 8 décembre. 

 

C’est Avinash Nund, le frère de la victime, qui a été informé en premier de la tragédie et qui a eu la lourde tâche d’annoncer la terrible nouvelle à son entourage. Entre-temps, Pooja l’avait aussi appris des anciens collègues de sa soeur. C’est avec beaucoup de douleur que cette dernière se remémore leur dernière conversation, quelques heures avant la tragédie : «Nou ti pe koze, pe prepare pou maryaz. Li ti eksite pou sa. Kan li ti gagn problem gramatin, li ti pe dir mwa linn plin. Je lui avais dit de ne pas s’en faire, qu’on sortirait, qu’on pourrait s’amuser ensemble à présent. Elle en avait vraiment marre ; elle suffoquait tant elle était submergée par tous ses problèmes. Elle ne savait plus comment faire pour en finir avec tout ça vu que personne ne l’aidait. Si les autorités avaient agi lorsqu’il était encore temps, ma soeur serait toujours là. Li mem li ti pe dir : “La polis pou vini kan li pou fini touy mwa”.» L’amie de la victime, Melina, abonde dans le même sens : «Kan bann polisye inn trouv li vini ek so linz desire, zot ti bizin pran aksyon. Pourquoi prendre de nouvelles recrues dans la force policière si le travail n’est jamais fait ?» Désespérée et à bout de forces, Tina lui avait même fait part de son intention d’entamer des démarches pour trouver du travail à l’étranger et de s’y installer, avec ses enfants. «Li ti pe anvi kit isi pou fini enn fwa avek sa bann problem-la. »

 

Pourtant, au départ, rien ne laissait présager que les choses auraient pris une telle tournure un jour. «Comme le dit l’adage : tout nouveau, tout beau. Ma mère voyait la vie en rose. Misie-la ti pe pass pou inosan», confie Bhavi, la fille de la victime. Après environ trois ans et demi de relation, Tina et Rajesh ont loué une maison à Valetta et s’y sont installés. «Les proches de Rajesh avaient cherché à la prévenir. Zot ti dir li kit li, ki li pa enn bon dimoun. Zot ti pe dir li ki li violan avek so mama ek ki li ti fer so premye madam pass mizer me Tina ti krwar zot pe rod met dezord. Li pa ti panse ki zot ti pe dir li enn bon zafer pou limem», avance Pooja. Au bout de quelques mois à peine, «linn koumans trouv so vre manyer».

 

Rajesh, qui avait entre-temps quitté son poste de chauffeur d’autobus, était devenu planteur de légumes. L’argent qu’il récoltait au quotidien, il le dépensait en boissons alcoolisées, à en croire les proches de Tina. «Mo mama ti pe rod met enn lord dan so lavi, rod fer li aret bwar, dir li li bizin met kas dan lakaz. Lerla mem li ti pe ankoler, li ti pe kriye, kraz partou, pran kitsoz avoy lor li», se remémore Bhavi. L’adolescente poursuit, désemparée : «Il tabassait ma mère régulièrement, s’en prenait à elle à chaque fois qu’il se mettait en colère et je devais à chaque fois intervenir. Li ti deza rod tir so lavi devan mwa me mo ti aret li.» Elle raconte que Rajesh s'en prenait à elle aussi : «Li ti deza rod tap mwa me mo mama ti tir mwa. Li ti pe maltret mwa souvan. Li ti pe mem kokin kas mo mama apre li akiz mwa.» Du temps où ils étaient encore ensemble, Tina n’avait jamais voulu porter plainte contre lui, convaincue qu’il finirait par changer, qu’il s’agissait d’une mauvaise passe et qu’il redeviendrait l’homme autrefois calme, doux et aux petits soins qu’elle avait connu.

 

Situation invivable

 

Au bout d’un an et demi de calvaire, soit en juillet, la situation était devenue invivable. C’est ainsi que Tina a, une fois pour toutes, décidé de mettre un terme à sa relation et est retournée vivre chez ses parents, à Quartier-Militaire, avec sa fille, mais elle était loin d’être au bout de ses peines. Durant les premières semaines, relate Pooja, «Rajesh semblait plutôt calme. Li ti pe fatig fatig li lor telefonn me li pa ti pe menas li. Ce n’est qu’à partir de fin septembre qu’il a commencé à la harceler, la surveiller, la menacer. Li ti vinn lagar, ti pe rod bat li, lerla bann dimoun ti bizin separ zot. Dès le départ, nous avions conseillé à Tina de consigner une déposition au poste de police mais elle ne l’avait pas fait à ce moment-là.»

 

Fin octobre, elle a fini par s’en remettre aux forces de l’ordre en voyant que les choses échappaient à son contrôle. «Li ti aret bis mo mama kot ronpwin Wooton ek fors li desann pou amenn li dan karokann pou bat li. Li  ti dir li si li pa retourne li pou touy li. Ma mère avait dû lui mentir et lui promettre qu’elle l’épouserait pour qu’il la ramène à la maison.» Malheureusement, un premier avertissement de la police n’aurait fait qu’accentuer la colère de Rajesh. «Depi sa linn kontign koumsa mem ; menas li, vey li, bat li. So tifi ti pe bizin al ar li travay pou li pa tousel. Inn ale, vini, met lantre, me la polis pann fer nanye», déplore Pooja.

 

D’ailleurs, Rajesh serait même allé plus loin. Bien qu’il eut quitté ce travail l’an dernier, il aurait à nouveau postulé comme chauffeur pour pouvoir garder un oeil sur la quadragénaire. Employé comme conducteur d’autobus individuel au début du mois de novembre, il aurait desservi la ligne de Rose-Hill pendant que son ex-compagne était sur celle de Curepipe. Et aurait fait vivre à cette dernière un véritable martyr pendant trois semaines. «À chaque fois qu’il la croisait, il la tabassait. Mo ser ti pe bizin vinn kasiet dan mo salon dan Flacq. Ena fwa Tina ti pe dir mwa donn li mo lakle salon pou ki li kapav kasiet kan li gagn so ler poz. Sak fwa li ti pe dir mwa so lavi an danze me nou pa ti atann ki enn zafer koumsa pou arive», lâche tristement Pooja. 

 

En tout cas, l’entourage de Tina ne tarit pas d’éloges à son sujet. «Li ti kontan koze, riye, badine. Elle avait même plus d’affinités que moi avec ma belle-famille tant elle aimait discuter et plaisanter. Elle répandait la joie partout où elle se rendait. Les passagers l’appréciaient tellement qu’ils sont souvent intervenus lorsqu’elle avait des ennuis avec Rajesh», raconte sa petite soeur. Melina surenchérit : «Elle était amicale, douce et populaire. Nous avons travaillé ensemble pendant trois ans ; des années durant lesquelles nous avons partagé beaucoup de choses. Tou pasaze ti kontan voyaz ar li.» Ayant le coeur sur la main, disent les proches de Tina, «elle avait tout fait pour faire fonctionner sa relation avec Rajesh. Elle lui avait même offert sa fourgonnette. Elle lui a tout donné, même si elle ne recevait rien en retour. Rajesh pa enn dimoun ki konn viv avek lezot. Se parski li ti kone Tina bon ker ki li pann le les li ale. Mo pa swet personn viv seki nou pe viv, li pa fasil ditou».

 

Comme bien d’autres femmes cette année, Tina Roy Tupsy est une victime de plus, une victime de trop, sauvagement assassinée par un homme à qui elle avait autrefois accordé sa confiance. Elle a rejoint sa dernière demeure ce mardi 6 décembre, laissant derrière elle des parents, des enfants, des amis et des frères et soeurs anéantis par sa tragique disparition.

 

Plaintes de la victime : la police apporte des précisions

 

Sollicité après que la famille de Tina Roy Tupsy a affirmé qu’elle avait fait plusieurs déposition contre Rajesh Chukowry, le service de presse de la police avance que la victime n’aurait consigné qu’une seule plainte en bonne et due forme : celle déposée au poste de police de Quartier-Militaire quelques heures avant son décès. Après leur avoir donné sa version des faits sur son agression, survenue plus tôt le même jour, Tina aurait accompagné les officiers dans leur véhicule pour sillonner le village à la recherche de son ex-compagnon. Ce dernier était toutefois introuvable, ne laissant d’autre choix à la police que de retourner au poste et de laisser partir Tina. En octobre dernier, toujours selon le service de presse de la police, Tina se serait rendue au poste de police de Flacq pour demander aux officiers de donner seulement un avertissement à son ex-compagnon pour qu’il la laisse tranquille mais aurait choisi de ne pas faire de déposition formelle contre lui.

 

Le suspect Rajesh Chukowry hospitalisé après son arrestation

 

Peu après le drame, les enquêteurs de la Crime Intelligence Unit (CIU) et de la brigade criminelle de Curepipe  ont recherché Rajesh Chukowry dans la région d’Hermitage où il avait abandonné sa fourgonnette dans un champs de canne. Des recherches qui n’ont pas abouti. Ils ont fini par mettre la main sur lui le lendemain à son domicile à Cinq Arpents, Phoenix, qu’il avait regagné après avoir passé la nuit dans le bois de Cinq Bassins, à Hermitage.

 

Appréhendé, Rajesh Chukowry est passé aux aveux et a été conduit dans les locaux de la Criminal Investigation Division (CID) pour la suite de son interrogatoire. Il a ainsi confié avoir laissé le deuxième couteau – le premier avait été récupéré sur la scène de crime – et ses vêtements maculés de sang chez lui. Les enquêteurs ont effectivement retrouvé les vêtements en question dans sa chambre et le couteau dans une autre pièce.

 

Entre-temps, le suspect, qui portait des traces de lacération au bras et au ventre, a été conduit à l’hôpital Victoria où il a été admis. Lorsque son état de santé le permettra, il comparaîtra en cour pour sa mise en accusation provisoire et son interrogatoire sur ce meurtre visiblement prémédité se poursuivra. À l’heure où nous mettions sous presse, il était toujours hospitalisé.

 


 

Jenssy Sabapathee, assistante juridique et travailleuse sociale : «Nous avons besoin de personnes plus compétentes à la tête  de nos institutions»

 

Il s’agit du troisième féminicide répertorié en l’espace de quelques semaines. Avant Tina Roy Tupsy, il y a eu Sanjana Khoodeeram, 26 ans, poignardée et brûlée par son ex-compagnon, un policier, le 18 novembre, mais aussi Lalita Bissessur, 42 ans, dont le concubin a avoué l’avoir poussée dans les escaliers deux semaines après son décès. Pour Jenssy Sabapathee, assistante juridique, travailleuse sociale et ex-victime de violence domestique, le cas de Tina Roy Tupsy est un cas de trop.

 

L’an dernier, l’application Lespwar a été mise sur pied. Celle-ci, téléchargeable gratuitement sur n’importe quel smartphone, permet aux victimes de gender-based violence d’alerter les autorités en appuyant sur un Panic Button et comporte une fonction de géolocalisation. Mais pour Jenssy Sabapathee, elle n’est pas forcément efficace : «Eski ou panse kan enn fam pe gagn bate li gagn letan pran so telefonn pou pez bouton rouz ? La première chose que fait un agresseur, c’est de vous arracher votre cellulaire des mains; je l’ai moi-même vécu. De plus, pensez-vous que toutes ces victimes ont une connexion internet et un smartphone ?»

 

Jenssy Sabapathee remet également en question le fonctionnement du Protection Order. Ayant apporté son aide à plusieurs victimes, elle explique que «contacter un bourreau pour l’informer de l’application d’un protection order per interim, c’est comme chercher à le mettre davantage en colère. D’autant qu’une victime ne l’obtient pas immédiatement. Madam la bizin ale vini, lapolis bizin telefonn so agreser ek bien souvan zom-la pa presant li. Madam-la bizin al kot li, atann enn ranvwa, atann ki reapel boug-la. Entre-temps, elle peut y laisser la vie.» De plus, elle s’interroge : «Comment la police peut tolérer qu’un individu ayant tabassé sa compagne puisse rester sous le même toit malgré un Protection Order ? Il est clair que cela ne sert à rien. La vie d’une femme n’a-t-elle aucune valeur ?»

 

Pour la travailleuse sociale, il est impératif «de changer les lois afin d’apporter un signal fort dans ce genre de cas» pour pouvoir espérer réduire le nombre de féminicides. «Je pense que dès le départ, lorsqu’une femme porte plainte, des actions sévères doivent être prises. Lorsqu’une plainte est déposée pour violence domestique, l’agresseur ne fait que comparaître devant le tribunal et payer une amende de Rs 1 500. Comment peut-on s’attendre à un changement avec des lois pareilles ?» Selon elle, dans tous les cas de violence domestique, l’agresseur devrait être emprisonné. «Par exemple, trois mois de prison pour une gifle permettrait à un individu de réfléchir à ses actes et l’inciterait à ne pas recommencer.» Elle se dit même pour la réintroduction de la peine de mort dans ce genre de cas. Et estime que chaque poste de police devrait être doté d’un département spécialisé dans les cas de violences domestiques.

 

Jenssy Sabapathee remet également en question le rôle du ministère de la Femme. «La ministre dit qu’elle condamne de tels actes, mais que fait-elle concrètement pour les condamner ? (…) Li ena tou dan so lame. Si li anvi sanz la lwa, fer seki bizin pou fam ek zanfan, li kapav fer li, impoz li. Si le Premier ministre ne lui donne pas les ressources nécessaires pour apporter les changements voulus, qu’elle donne sa démission et vienne de l’avant pour le dénoncer.» Selon la travailleuse sociale, «il est grand temps de revoir la manière de choisir la personne à la tête de ce ministère. Il faut quelqu’un qui prenne vraiment le cas de ces femmes en considération, qui veut se battre pour elles. Nous avons besoin de personnes plus compétentes à la tête de nos institutions.»

 

Par ailleurs, Jenssy Sabapathee espère que les forces de l’ordre seront plus réactives lorsque les cas de violence domestique seront rapportés à l’avenir : «Si lapolis ti resi aret sa boug-la pou arselman, Tina ti pou ankor la zordi. Pourquoi tant de campagnes de sensibilisation pour demander aux femmes battues de dénoncer leur bourreau si la police n’est pas en mesure de les protéger ?» Elle avait, dit-elle, envoyé une correspondance au Premier ministre et au commissaire de police avec des propositions pour remédier aux cas de violences domestiques en 2020 mais jusqu’à présent «il n’y a eu aucun changement, aucune amélioration». «À quand un réel changement ?» se demande-t-elle.

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