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Tragique séance de méditation à Belle-Rive

15 juin 2015

Tragique séance de méditation à Belle-Rive

Le village d’Hermitage bouleversé par le décès de Devi Samoo

 

Sa belle-fille, Deeneesha Samoo : «Elle se rendait au kalimaye depuis cinq ans»

 

Devi adorait la déesse Kali depuis son enfance.

 

Elle l’a vue pour la dernière fois quelques heures seulement avant d’entendre parler de la découverte macabre de Belle-Rive. Depuis, les interrogations de Deeneesha Samoo, 26 ans, sont nombreuses. Sa belle-mère, Devi Samoo, appelée Ti Devi par ses proches, fait partie des victimes. «Ma belle-mère laisse un grand vide dans nos vies. Elle était une source d’inspiration pour nous. Elle va beaucoup nous manquer», confie Deeneesha.

 

Ti Devi, 55 ans, était une adepte de la méditation et ne manquait aucune séance. Femme au foyer et veuve depuis plusieurs années, cette habitante d’Hermitage ne vivait que pour la déesse Kali. Elle avait rejoint le groupe du guru Devanand Mannick il y a cinq ans, selon Deeneesha. Cette dernière, réceptionniste dans un établissement hôtelier, et son époux Steven, moniteur d’auto-école, l’ont vue pour la dernière fois le jeudi 11 juin vers 14 heures. «Je sortais pour aller prendre mon service. Ce n’est que le lendemain matin, en venant prendre de ses nouvelles vers 8h20, que mon époux et moi avons constaté son absence», raconte la jeune femme.

 

En allant aux nouvelles, le couple apprend que Devi a été aperçue à proximité d’une boutique de la localité vers 18 heures, la veille. Durant toute la journée, le couple tente à plusieurs reprises de la contacter sur son portable. En vain. En fouillant dans ses affaires, Steven et son épouse tombent sur un flyer qui contient le numéro du guru Devanand Mannick. Ils lui passent alors un coup de fil. «C’était aux alentours de 15 heures. Nous avons parlé au guru. Il nous a dit que ma belle-mère était avec lui depuis la veille. Il nous a fait comprendre que nous ne pouvions lui parler, car elle était en transe, disait-il, dans un état second, lors d’une séance de méditation. Sur le moment, nous avons pris la chose à la légère, car ma belle-mère faisait régulièrement de la méditation avec les autres disciples du guru», raconte Deeneesha.

 

Mais vers 19h30, la jeune femme et son époux entendent parler, à la radio, d’une découverte macabre au kalimaye de Belle-Rive. Le couple tente à nouveau de joindre le guru au téléphone. Sans succès cette fois. Peu après, il reçoit un coup de fil lui disant que la situation est grave et qu’il doit se rendre à l’hôpital. «Mon époux s’est rendu à Candos où il a eu la lourde tâche d’identifier la dépouille de sa mère», raconte Deeneesha.

 

Dans le village d’Hermitage, tout le monde est sous le choc. Car Ti Devi était connue comme une personne très active sur le plan social. Elle adorait la déesse Kali depuis son enfance, confie Deeneesha.

 

En 2007, lorsque son époux décède suite à une longue maladie, Ti Devi intensifie les séances de méditation et de louange à la déesse. Ses funérailles ont eu lieu hier après-midi. Sa dépouille repose désormais aux côtés de son époux, au cimetière de Phoenix.

 


 

Le policier Cassiram laisse derrière lui une famille éplorée

 

Son frère, Oomesh : «Il était très croyant et pratiquant»

 

Séparé de sa femme, Oodesh avait trois enfants.

 

Il est 9 heures en ce samedi 13 juin. Le temps est lourd à Balisson, Rose-Belle. Dans la ruelle qui mène au domicile du policier Oodesh Cassiram, une des victimes du terrible drame de Belle-Rive, il y a comme une impression que le monde s’est arrêté. Ici des murmures. Et là les cris stridents de Renuka, 75 ans, la mère d’Oodesh. Sur place, tous peinent à croire que ce dernier n’est plus. Ses funérailles ont eu lieu hier après-midi au crématorium de sa localité.

 

Renuka, elle, est inconsolable. Elle ne cesse de pleurer ce fils qui vivait seul au premier étage de la maison familiale. Ce policier de 56 ans, portant le matricule 4737, était interdit de ses fonctions pour des raisons que sa famille ignore. Depuis sa suspension et sa séparation avec son épouse, ce père de trois enfants passait son temps à lire des livres religieux. Son frère Oomesh, qui se fait porte-parole de la famille, confie d’ailleurs que la prière et la méditation étaient ses plus grands passe-temps : «Mon frère Oodesh était très pieux. Il lisait tous les livres sacrés : la bible, le coran… Dans son salon, il y a de tout. Il était un disciple de la déesse Kali. Il était très croyant et pratiquant.»

 

C’est vers 18 heures, le jeudi 11 juin, qu’Oodesh a quitté son domicile en direction de Belle-Rive. «Il avait une répétition dans le cadre du Cavadee le 12 juillet. Il s’y était également rendu pour faire une méditation. Il devait rentrer à la maison dans la soirée. Ne le voyant pas rentrer, ma mère l’a téléphoné sur son portable, sans succès. Il avait pourtant l’habitude de la prévenir lorsqu’il rentre tard ou lorsqu’il dort sur place», explique Oomesh. Pourquoi est-ce qu’Oodesh n’a pas prévenu ni n’a pris son téléphone ? se demande-t-il.

 

Dans sa localité, Oodesh Cassiram, cadet d’une fratrie de quatre enfants, était très apprécié. Ce policier était notamment connu comme un hard worker. «De ses mains, il a aidé à construire plusieurs kalimayes. L’un d’eux est celui de Deux-Bras, souligne Oomesh. Notre famille est très affectée. Nous allons prendre beaucoup de temps pour digérer cette terrible disparition.»

 


 

Camp-Thorel pleure Sharmila Hemraz

 

Son frère, Sattan Chukowry : «Elle méditait pour retrouver la paix d’esprit»

 

Sharmila pratiquait la méditation dans ce temple depuis plusieurs années.

 

Sur les visages, la même consternation se lit. À Camp-Thorel, en ce samedi matin, les habitants, rassemblés en petits groupes dans la rue, s’interrogent sur ce qui a bien pu se passer dans ce centre de méditation à Belle-Rive. Là où un des leurs, Sharmila Hemraz, 44 ans, a perdu la vie. Le mari de cette dernière, Ghirish Hemraz, a pu s’en sortir, de même qu’un autre habitant de cette localité.

 

Dans la petite ruelle menant au domicile des Hemraz, des hommes chuchotent entre eux. Les femmes, elles, sont assises sous une tente dressée pour la cérémonie funèbre. Non loin de là, un jeune homme, les bras croisés et les yeux rivés vers le ciel, écrase une larme sous ses lunettes. Il s’agit de Pranish, 22 ans, le fils aîné de Sharmila Hemraz. Depuis la nouvelle de la mort de sa mère et de l’admission de son père Ghirish à l’hôpital le vendredi 12 juin, il ne mange ni ne dort. Sa vie s’est en quelque sorte arrêtée.

 

Le jeune homme s’efforce de rester courageux pour son frère de 18 ans et sa sœur de 16 ans. Sans succès. «Mes parents fréquentaient le centre depuis plusieurs années. Ce qui s’est passé choque toute la famille», confie-t-il d’une voix tremblante. Il ne peut rien ajouter de plus, tant sa douleur est immense. Pendant ce temps, dans la maison endeuillée, des femmes chantent des prières, mais elles sont parfois interrompues par des cris de douleurs à fendre le cœur de ceux venus témoigner leur sympathie à la famille.

 

Sattan Chukowry, l’un des frères de Sharmila Hemraz, est tout aussi accablé par sa tragique disparition. Elle était la benjamine d’une fratrie de six enfants. Dans la vie, dit-il, Sharmila était une femme aimante, bosseuse et qui, surtout, «méditait pour retrouver la paix d’esprit». «Elle avait quelques petits soucis et avait essayé de se soigner en prenant des médicaments. Mais cela ne marchait pas. Au final, elle s’est dirigée vers ce centre de méditation et elle disait se sentir beaucoup mieux grâce à ces séances», explique notre interlocuteur.

 

Selon lui, c’est le jeudi 11 juin que sa sœur et son beau-frère ont quitté leur domicile à Camp-Thorel pour se rendre en direction de Belle-Rive. Plus précisément au temple Chinnamasta Maha Kali Sthann pour une séance de méditation. L’un des voisins du couple, qui a souhaité garder l’anonymat, confirme : «Ils sont partis depuis jeudi et ne sont pas rentrés. Parfois, ils reviennent de leurs séances très tard, parfois vers 2 heures. En dehors de leur travail, ils passent le plus clair de leur temps au temple.»

 

Pour Sattan, la mort tragique de sa sœur comporte un certain mystère et ses interrogations sont nombreuses. «Lorsqu’on fait de la méditation, on est supposé être dans un endroit tranquille. Comment est-ce possible de méditer alors qu’il y a un générateur qui tourne en même temps ? Tout le monde sait qu’un générateur fait beaucoup de bruit», lâche-t-il.

 

Pour lui, mais aussi pour d’autres membres de sa famille, il serait grand temps que le gouvernement enquête sur le mode de fonctionnement des centres de méditation. Selon lui, ceux-ci envahissent peu à peu l’île : «On ne peut pas faire de la méditation et mettre la vie des gens en danger. Il faut qu’il y ait des normes de sécurité et surtout une personne qui, elle, est chargée d’encadrer l’activité qui est proposée aux adeptes. Le gouvernement doit avoir un contrôle sur le mode de fonctionnement de ces centres et les réguler.»

 

En attendant que la lumière soit faite sur cette affaire, c’est tout le village de Camp-Thorel qui pleure Sharmila Hemraz. Ses proches, anéantis, doivent désormais conjuguer leur présent sans celle qui voulait retrouver la paix d’esprit à travers la méditation.

 


 

Gundaree Mannick meurt alors que son époux et sa fille sont rescapés

 

Son beau-frère : «Nous sommes bouleversés»

 

Les funérailles de l’épouse du guru ont eu lieu hier devant une foule nombreuse.

 

Le froid habituel de Curepipe s’est installé dans le cœur des Mannick. Les membres de cette famille ont organisé les funérailles de Gundaree hier en fin de matinée. Les visages faisaient peine à voir lors du dernier hommage à cette habitante de la rue Lees, âgée de 54 ans, dont le nom figure sur la liste des victimes du drame de Belle-Rive. Pourquoi Gundaree s’en est-elle allée si brutalement ? Une question qui reste sans réponses pour les siens. Son époux Devanand, le guru qui officiait lors de la séance de prières qui s’est mal terminée, et sa fille Pouspam, eux, font partie des rescapés.

 

La douleur des personnes présentes est grande. Jay, le frère du guru, est le seul à prononcer une phrase pour témoigner de leur souffrance : «Nous sommes bouleversés.» Gundaree et sa famille étaient très respectées par leur entourage. Surtout par les disciples de son époux qui venaient des quatre coins de l’île. Il y avait d’ailleurs foule aux funérailles. Depuis très tôt le matin, vers 8 heures, des proches s’affairaient à préparer le lit de mort avec des fleurs très colorées.

 

Il y avait également le traditionnel tapis blanc où poser la dépouille de la défunte. Initialement prévues à 11 heures, les funérailles de Gundaree ont eu lieu une heure plus tard pour une raison évidente. Ses proches avaient entamé des démarches pour permettre à sa fille Pouspam et à son mari Devanand d’assister à la cérémonie parce que ces derniers étaient hospitalisés. Il est 11 heures lorsque Pouspam arrive. Elle peine à tenir sur ses jambes. Les épaules de ses proches lui
servent de béquilles.

 

Après la prière habituelle présidée par un prêtre hindou, la dépouille de Gundaree est emportée dans le caisson d’un 4x4 rouge. Plusieurs personnes sont en larmes alors que les esprits s’échauffent quand les photographes de presse immortalisent la scène. Pouspam, elle, reste impassible, le regard dans le vide, alors qu’une de ses parentes perd connaissance. La jeune femme reste stoïque et silencieuse quand le corps de sa mère disparaît sous ses yeux.

 

Son père, lui, s’est rendu directement au crématorium de Bigarra pour dire adieu à son épouse. Il est également très faible. La veille, il a fait un malaise cardiaque en apprenant le décès de sa femme. Ses proches et ses disciples, présents en grand nombre, sont aux petits soins pour leur guru. La cérémonie terminée, Devanand Mannick s’engouffre dans la vieille Mercedes verte qui l’a amené au cimetière sans vraiment parler à tous ceux qui sont venus lui témoigner leur sympathie.

 

Ses proches collaborateurs avancent qu’il est encore sous le choc, que son état de santé est toujours précaire et qu’il doit récupérer des forces au plus vite pour pouvoir surmonter cette terrible épreuve. Alors que certains font l’éloge du guru, d’autres en profitent pour balancer des insultes à caractère communal, arguant que la presse s’acharne sur le guru.

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