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23 décembre 2014 04:59
7630. C’est le nombre de personnes qui s’adonneraient à la prostitution à Maurice, selon une étude du National Aids Secretariat, publiée en septembre 2014. Dans le détail, l’organisme compte 6 223 femmes et 1 407 transgenres. Beaucoup de ces travailleurs du sexe affirment être victimes, au quotidien, de violences – physique, verbale et morale – de la part de la population, de clients, mais aussi de représentants des forces de l’ordre. Un phénomène dont les associations qui travaillent auprès des prostitué(e)s connaissent bien l’ampleur.
«Le constat est alarmant. Les droits des travailleurs du sexe ne sont pas respectés. Ils subissent des discriminations, leurs droits humains sont bafoués», soutient Sophie Montocchio, coordinatrice de terrain de l’ONG Chrysalide et responsable du mouvement Parapli rouz, qui incarne, dans l’île, la lutte contre les violences faites aux travailleurs de sexe. «Une étude a montré que 80 % des travailleurs du sexe ont subi des violences verbales. Même si la prostitution est illégale, ceux qui pratiquent ce métier sont avant tout des êtres humains à part entière», poursuit-elle.
Le mouvement Parapli rouz, explique-t-elle, offre un service d’accompagnement aux prostitué(e)s : «Nous nous regroupons au centre Marie-Reine-de-la-Paix, à Port-Louis, une fois par semaine. On accompagne les prostitué(e)s, on les écoute, on distribue des préservatifs, on les informe sur leurs droits de citoyens et on leur apporte un soutien psychologique si besoin.» Quant à la Journée de lutte contre les violences faites aux travailleurs du sexe, elle vient en renfort du travail effectué toute l’année, en sensibilisant le public au respect de ces personnes.
Jovanny Savanian, 28 ans, se prostitue depuis l’âge de 14 ans. Cet habitant de Barkly a souvent dû faire face à la fois au rejet des homosexuels dans la société mauricienne et aux périls du plus vieux métier du monde. «Lorsque j’ai annoncé mon homosexualité à ma famille, elle m’a complètement rejeté. Victime de harcèlement, j’ai fait une dépression avant d’atterrir à l’hôpital Brown-Séquard. Après mon hospitalisation, je ne voulais plus retourner chez moi. C’est là que j’ai commencé à me prostituer. Mais très vite, j’ai été confronté au danger. Violences verbale et physique faisaient partie de mon quotidien», raconte-t-il.
Le jeune homme relate notamment une expérience particulièrement traumatisante : «J’étais dans une rue de Rose-Hill quand un client m’a approché pour des services en échange de Rs 1 000. Il m’a donné l’argent et m’a dit de l’attendre deux minutes. Puis, il est revenu accompagné de plusieurs hommes qui m’ont aspergé d’essence. Heureusement que j’ai réussi à prendre la fuite, sinon ils m’auraient brûlé vif. D’autres fois, on m’a jeté des œufs et même de l’urine à la figure.»
Ceux qui monnaient leur corps sont également des proies faciles pour les violeurs et autres pervers. «Une fois, j’ai échappé à un viol de justesse. Mais tout le monde n’a pas cette chance, poursuit Jovanny. Un homosexuel s’est déjà fait violer par dix hommes. Un client avait sollicité ses services, mais, au final, il s’est retrouvé face à tout un groupe. Il n’a pas porté plainte, car les policiers nous accueillent souvent avec des moqueries.»
Ce sont toutes ces formes de violence et d’injustice que Parapli rouz entend combattre. «Nous comptons formaliser l’existence du mouvement début 2015. Une fois qu’il sera officiellement enregistré, nous mettrons sur pied un registry of complaints pour faire remonter les actes de violence à l’encontre des travailleurs de sexe», annonce Sophie Montocchio. En attendant, la sensibilisation du public se poursuit, mais l’ampleur de la tâche est considérable.
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