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Trois amis meurent dans un accident à Beau-Vallon | Mère, épouse et fiancée : elles racontent leur d étresse

14 mars 2016

Mère, épouse et fiancée : elles racontent leur d étresse

Un horni noir recouvrant sa tête, son saint Coran à la main, Zohra, 21 ans, est plongée dans la prière. Sa bouée de sauvetage en ces temps de grande peine. Mais il lui est impossible d’oublier, ne serait-ce qu’un instant, les événements tragiques qui sont venus bousculer sa vie et la douleur qui étreint son cœur en cette semaine qui devait marquer un événement heureux. Son époux Ibrahim Hoota, 23 ans, et elle devaient célébrer leur troisième anniversaire de mariage le mercredi 9 mars.

 

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Zohra et Vidisha soutiennent que leur époux et fiancé n’ont jamais eu affaire à la police.

 

Mais la fête a été remplacée par le deuil. Trois jours plus tôt, Ibrahim a connu une fin tragique. La Honda Civic 1993 qu’il venait d’acquérir a quitté la route pour terminer sa course contre un arbre à Beau-Vallon vers 21h50, le dimanche 6 mars, à environ un kilomètre de son domicile. Le jeune homme n’a pas survécu à ses blessures. Son cousin Mevin Kenooa, 20 ans, et leur voisin Nathan Favory, 18 ans, qui se trouvaient avec lui, ont également péri. Les trois inséparables, tous des habitants de Beau-Vallon, rentraient chez eux après une de leurs habituelles virées nocturnes.

 

Un drame qui a endeuillé leurs proches mais aussi tout le village où ils habitaient. À la tristesse s’ajoute un sentiment d’incompréhension devant une tragédie qui prive trois familles d’un être cher. Zohra se pose d’ailleurs beaucoup de questions. «C’est terrible pour moi de perdre mon mari si jeune, surtout dans des circonstances pareilles. Je ne sais pas comment je vais m’en remettre. Mais ce qui importe maintenant, c’est que l’enquête nous éclaircisse sur les circonstances exactes de cet accident. Nous entendons trop de versions différentes. Nous voulons avoir le cœur net sur ce qui s’est passé. Nous n’allons pas rester les bras croisés s’il y a eu quelque chose de louche», confie la jeune femme qui retient courageusement ses larmes.

 

Course-poursuite ?

 

Selon Zohra et les autres membres de la famille d’Ibrahim, plusieurs témoins de la scène – ce serait des pèlerins qui revenaient de Grand-Bassin – leur ont raconté la même chose : que la voiture conduite par Ibrahim était poursuivie par un véhicule de la brigade anti-drogue, le soir du drame. Ce qui explique qu’elle roulait à vive allure – le compteur s’est arrêté à 135 km/h au moment de la collision. L’accident se serait produit lorsque le 4x4 de la police aurait tenté de doubler la Honda Civic. Ibrahim aurait alors bifurqué sur la droite pour lui barrer le chemin mais n’a pu redresser sa voiture à cause de la vitesse (voir la version de la police en hors-texte).

 

Qu’est-ce qui s’est vraiment passé ? En attendant les conclusions de l’enquête, les trois jeunes décédés sont les seuls à connaître la réponse. Hélas, ils l’ont emportée avec eux dans la tombe. Très proches, «comme des frères», ils passaient beaucoup de temps ensemble. Outre leurs habituelles activités, ils travaillaient aussi dans la même compagnie. Ibrahim, son cousin Mevin – leur maman et papa respectifs sont frère et sœur et ils habitent la même maison, l’un à l’étage et l’autre au rez-de-chaussée – et leur voisin Nathan, tous trois apprentis charpentiers, avaient pris de l’emploi dans une boîte à Petite-Rivière où travaille déjà le frère aîné d’Ibrahim.

 

«Le jour de l’accident, les trois  avaient passé l’après-midi à jouer au street foot sur le terrain de basket de notre cité avec d’autres amis, avant de sortir vers 19h30. Mon époux s’était rendu à Plaine-Magnien chez un électricien pour automobiles afin de faire installer un appareil CD dans sa voiture. Nous avons appris la nouvelle de l’accident peu après 22 heures par un ami», raconte Zohra qui tente de toutes ses forces de repousser loin d’elle les images qui lui viennent en tête quand elle pense à ce drame.

 

Elle préfère se concentrer sur sa priorité du moment : avoir les réponses à ses questions. Elle veut, entre autres, savoir pour quelle raison un véhicule de la police aurait pourchassé la voiture de son époux. «Ibrahim zame pann gagn zafer ar la polis apar pou ban lamann motosiklet ou a koz lesapman loto», précise Zohra. Elle réfute avec virulence les allégations de certains selon lesquelles son époux serait un dealer dans sa cité et que Mevin et Nathan étaient «so bann jockey».

 

«Il travaillait dur pour nous faire vivre et financer nos projets. Il faisait de la maçonnerie avant. Il a choisi de devenir apprenti charpentier depuis le début de l’année. Avec ses économies, il avait acheté la Honda en février. Le lundi précédant le drame, il est allé à la National Transport Authority pour avoir son fitness. Le jour du drame, il avait coulé la dalle de notre maison dans la matinée. Il voulait compléter la construction de notre maison avant la venue d’un premier enfant», raconte Zohra qui sait que l’avenir sera difficile sans l’homme de sa vie à ses côtés.

 

Vidisha, 19 ans, la fiancée de Mevin, doit elle aussi continuer la route sans l’homme qu’elle aime. En ce mercredi après-midi, elle est présente au domicile de celui qui est parti trop tôt pour le «servis trwa zour». Le poids de la douleur l’écrase littéralement. Son avenir, elle n’arrive pas à l’envisager sans celui qu’elle connaît depuis de nombreuses années et qu’elle allait épouser dans deux ans. Ils avaient officialisé leur relation à travers des fiançailles en décembre dernier. «Nous nous fréquentons depuis six ans, on était encore au collège quand on a commencé à sortir ensemble. Je ne sais pas ce que je vais devenir sans lui. Il m’appelait tous les matins pour me réveiller. On se parlait aussi chaque soir», pleure Vidisha.

 

Triste évidence

 

Lorsqu’on lui a annoncé la terrible nouvelle, elle a d’abord cru à une mauvaise plaisanterie. Mais elle a dû se rendre à la triste évidence. «Mevin ne méritait pas de finir ainsi. Il ne boit pas, ne fume pas et ne se drogue pas. Son seul plaisir était les parties de street foot avec son cousin et ses amis. On avait prévu de faire une petite fête intime le 19 mars pour son anniversaire», confie la jeune fille. Elle aussi veut des réponses à ses questions : «Je veux savoir comment cette accident s’est produit.»

 

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Le papa de Mevin et la maman d’Ibrahim se posent également beaucoup de questions.

 

Deepak, le père de Mevin, et son épouse Minta, sont également abasourdis de douleur. «Nous sommes toujours en état de choc. Notre moral est complètement down. Mon épouse est inconsolable. Elle était déjà alitée avec plusieurs ennuis de santé et son état s’est aggravé depuis la mort atroce de notre fils», se désole Deepak. Ce laboureur est également père de deux autres fils. Mevin était l’aîné des enfants. Depuis dimanche dernier, chacun essaie de consoler l’autre comme il peut.

 

Au domicile des Favory, quelques mètres plus loin dans la même ruelle, la solidarité prime également. La disparition de Nathan, l’avant-dernier enfant de cette famille de cinq garçons, est très dure à vivre. Sa mère Danielle ne dit pas le contraire. «Je pense constamment à lui. Mon fils est parti trop tôt. Il devait fêter ses 19 ans le 19 avril. Il n’a même pas eu le temps de planifier son avenir. Il avait décidé de devenir apprenti charpentier après avoir collectionné des petits boulots», explique sa mère.

 

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Danielle et son époux Marcelino veulent connaître la vérité sur les circonstances de la mort de leur fils.

 

Serviable, souriant, gentil, généreux, les qualificatifs ne manquent pas à Danielle pour décrire son défunt fils qui vouait une passion au football. Avec ses amis Mevin et Ibrahim, Nathan venait d’ailleurs de remporter un tournoi. «Les trois ont grandi ensemble. Ils vivaient comme des frères. Ils ont toujours été très proches. Une chose est sûre : ces trois-là n’ont jamais eu de démêlés avec la justice. Ils étaient tous de bons garçons», souligne Danielle avec émotion.

 

Comme les familles de deux autres garçons, cette maman veut aussi plus que tout maintenant connaître la vérité sur les circonstances dans lesquelles les trois amis ont  trouvé la mort. «On entend trop de versions. Nous voulons connaître la vérité», insiste Danielle. Elle ne compte pas lésiner sur les moyens pour la connaître. Tout comme Zohra, Vidisha et les autres proches d’Ibrahim, de Mevin et Nathan. Une manière de leur rendre hommage et de se concentrer sur autre chose que le chagrin.

 


 

Les victimes étaient-elles poursuivies pas l’ADSU ?

 

L’inspecteur Coothen, responsable du service de presse de la police, est catégorique : «Nous ne sommes pas en présence de cette information selon laquelle la voiture accidentée était poursuivie par un véhicule de la police.» Une source au niveau de l’Anti-Drug & Smuggling Unit avance toutefois qu’il y avait bien eu une opération ce soir-là. Selon nos informations, la voiture conduite par Ibrahim avait été prise en chasse depuis Plaine-Magnien où il aurait pris livraison d’un colis suspect. Selon nos informations toujours, des proches des victimes qui seraient arrivés sur les lieux de l’accident peu après la collision fatale auraient rapidement fait disparaître le colis de la Honda. Ce que nient catégoriquement les familles des trois jeunes hommes. L’inspecteur Shiva Coothen profite, pour sa part, de l’occasion pour présenter ses sincères condoléances aux familles endeuillées. Aux autres automobilistes, il conseille d’éviter les excès de vitesse, l’utilisation du portable et l’abus l’alcool au volant.

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