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Trois ans du gouvernement au pouvoir : un constat de «progrès» et de «gestion catastrophique»

18 novembre 2022

L’euphorie de la victoire est maintenant bien loin. Ce lundi 7 novembre, le gouvernement actuel a passé le cap des trois ans. Que d’événements se sont enchaînés depuis les dernières législatives qui avaient eu lieu le 7 novembre 2019. On décrit généralement l’étape des trois ans comme le moment où il faut (dans un couple, par exemple) laisser tomber les bonnes vieilles habitudes pour passer à la vitesse supérieure, tout en étant plus téméraire pour tenter de nouvelles choses.

 

Ces derniers mois, le Premier ministre Pravind Jugnauth n’a cessé, pour sa part, de marteler que le MSM est le parti politique qui a le plus contribué au développement du pays et parmi les réalisations de l’équipe en place, il parle du Metro Express qui a, précise-t-il, «beaucoup apporté à Maurice, surtout en matière de développements infrastructurels». Mais qui dit anniversaire dit aussi bilan. Est-ce que les résultats sont visibles ? Les promesses ont-elles été tenues ? L’équipe en place a-t-elle convaincu ? Est-elle à la hauteur ? Des questions tout à fait légitimes, d’autant que plusieurs événements, ces derniers temps, poussent des citoyens à parler «d’État dictature», «d’atteintes à la démocratie» ou encore de «tentatives d’intimidations», suivant certains événements qui ont fait la Une récemment et qui, selon certaines voix, portent l’empreinte du gouvernement.

 

D’autres actualités – le naufrage du Wakashio, les marches citoyennes réclamant le départ de l’équipe au pouvoir, l’affaire Kistnen, l’achat d’équipements médicaux sous l’Emergency Procurement durant le confinement, l’acquisition des comprimés de Molnupiravir (pour combattre la Covid) à un prix exorbitant, entre autres scandales – viennent également entacher le mandat du régime à la tête du pays...

 

«La démocratie est en danger»

 

Commentant les trois années écoulées, l’opposition est catégorique et parle de «gestion catastrophique» du gouvernement. Pour Patrice Armance, Whip de l’opposition, les Mauriciens sont à bout. «Je qualifierais ces trois années écoulées comme une traversée du désert. Il suffit de voir comment la crise de la Covid-19 a été gérée ou plutôt comment elle a été mal gérée, et aussi comment la relance a été ratée et comment il y a aujourd’hui une dégradation de nos institutions. Il faut aussi compter sur la perte de confiance des Mauriciens dans beaucoup de domaines. Pendant la crise de la Covid, bien que je sois d’accord que c’est un ennemi invisible, on a vu la lenteur du gouvernement par rapport à la prévention pour éviter la contamination sur le sol mauricien. Je ne vais pas rappeler l’épisode autour de la mesure dans les boutiques duty free, avec une augmentation sur le nombre de bouteilles autorisées à l’achat, etc. Ça a été une gestion catastrophique des achats en urgence : l’emergency procurement des équipements, médicaments et vaccins. Ces achats ont été sujets à plusieurs cas de fraude et de corruption. Il y a eu des maldonnes et des cas de négligence. C’est ce qu’on retient aujourd’hui de la gestion de la Covid-19 par ce gouvernement», nous déclare Patrice Armance. Pour lui, la réputation du pays est en train de souffrir : «Certaines institutions qui étaient des fleurons ont aujourd’hui perdu leurs lettres de noblesse. Moody’s est en train de sanctionner Maurice. On est en train d’être downgraded. La Banque mondiale nous pointe du doigt. Des institutions internationales tirent la sonnette d’alarme sur la façon dont les business de Maurice sont gérés.»

 

Selon le Whip de l’opposition, le régime en place a échoué sur plusieurs points. «Ce qui est pire, c’est qu’on a droit à un silence, à une non-action du gouvernement pour redresser la barre. On voit la politique de wait and see ou encore pa mwa sa, li sa. Aujourd’hui, on ne peut plus gérer le pays comme ça ! Le feel-good factor dans le pays a aussi pris un coup. Je pense que beaucoup de Mauriciens ont perdu confiance dans ce gouvernement. La démocratie est en danger. Tous les jours, le peuple voit la façon dont le gouvernement gère le pays. D’une part, on a un Premier ministre qui dit li pou kas lerin ladrog et de l’autre, on accorde des permis pour importer des ti papye qui sont utilisés pour fumer de la drogue synthétique. On constate là comment notre pays est géré. Il y a une montée en puissance du trafic de drogue dans l’île. Il y a aussi une hausse du chômage parmi les jeunes et un non encadrement de nos jeunes gradués qui quittent Maurice pour aller travailler ailleurs. Il y a également un fort sentiment qu’il n’y a plus de méritocratie dans le pays. Il n’y a pas de chance égale pour que chaque Mauricien puisse s’épanouir et vivre à son aise à Maurice», s’insurge Patrice Armance, tout en se disant inquiet de l’atmosphère qui règne dans le pays.

 

«La mort, l’assassinat de monsieur Soopramanien Kistnen, reste toujours au travers de la gorge des Mauriciens. Aujourd’hui, on qualifie ce crime atroce de crime politique. On voit clairement qu’il y a des tentatives de maintenir le silence de la part du gouvernement, alors que ce même monsieur Kistnen a été un fervent agent du parti au pouvoir. C’est ce que je retiens des trois ans du régime en place au pouvoir. Pour chaque membre du gouvernement, chaque député, chaque ministre, on a l’impression que tout va bien dans le meilleur des mondes, alors que la population souffre, sans oublier le fait qu’il y a une montée des prix en flèche. Aujourd’hui, les basic needs d’une famille sont devenus un luxe. Beaucoup de Mauriciens ne peuvent plus joindre les deux bouts et pour le gouvernement, c’est business as usual. On est en train de transformer Maurice en un chantier de construction. Je ne dis pas que ce n’est pas bien d’avoir le métro ou des chantiers mais on ne donne pas la priorité à ce que les Mauriciens ont besoin aujourd’hui», ajoute Patrice Armance.

 

Du côté de la majorité, on avance que la Covid-19 a ralenti le développement dans l’île mais que, comme le souligne Naveena Ramyad, Chief Whip du gouvernement, le travail qui a commencé se poursuit et la gestion de la Covid-19 donne l’exemple que la vision du gouvernement est bien claire : «Ces trois années ont été très enrichissantes dans le sens où, en tant que patriote, j’ai pu apporter ma contribution pour l’avancement du pays avec toute une équipe, surtout que nous avons eu à faire face à quelque chose d’inimaginable, la crise de la Covid-19. La pandémie nous a fait comprendre qu’une nation unie peut combattre plein de choses. On a pu combattre la Covid et assurer la sécurité des familles mauriciennes. En tant que patriote, je dirais que ces trois dernières années ont été enrichissantes sur le plan professionnel, avec une équipe qui travaille très dur, qui est resté soudée et qui a toujours été libre de réfléchir et de partager des idées. Malheureusement, le progrès a été un peu lent à cause de la Covid mais on est là pour apporter notre brique afin de construire l’île Maurice moderne. Notre objectif reste le même. Ça n’a pas changé.»

 

Pour la Chief Whip du gouvernement, son équipe est motivée. «Il reste deux ans et avec l’enthousiasme de l’équipe et la vision bien définie que nous avons, les deux ans à venir seront deux ans de travail dur qui donneront l’espoir et la modernité au pays», conclut Naveena Ramyad, à l’heure où l’équipe dans laquelle elle est fête ses trois ans à la tête du pays...

 

Christophe Karghoo

 

Joe Lesjongard : «Nous avons réussi à surmonter toutes les difficultés»

 

Les trois ans du gouvernement au pouvoir était l’un des sujets au coeur de la conférence du MSM le samedi 12 novembre. Joe Lesjongard estime que le bilan est plus que positif malgré les obstacles. «Outre la politique, il y a eu la Covid avec ses conséquences économiques et sociales, la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Nous avons réussi à surmonter toutes les difficultés. Jamais un gouvernement n’a dû faire face à autant de difficultés. Nous avons dû batailler sur plusieurs fronts avec l’aide de notre population qui nous a soutenus. Nous avons permis l’augmentation de la pension, le salaire minimum et une série de projets de développement. On travaille et on a en face de nous une opposition démagogue qui peine à s’unir.»

 

Amy Kamanah-Murday

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