Publicité

Trois morts dans un incendie de Lab 51, à Pailles : les proches entre pleurs et témoignages poignants

9 mars 2020

François, le père de Fabrice Maurice : «Il va beaucoup nous manquer»

 

 

Il est 13h30 lorsque la Mercedes Vito blanche ramène la dépouille de Fabrice Maurice chez lui à l’avenue Watsonia, Cité La Caverne. Les porteurs débarquent le cercueil sous une pluie battante avec l’aide de ceux présents. La maison de François et Patricia Maurice, les parents de Fabrice, est bondée. Proches, amis, voisins et collègues sont présents en grand nombre, malgré les caprices du temps, pour rendre un dernier hommage à ce jeune qui allait fêter ses 23 ans le 29 mars et qui est décédé dans des circonstances tragiques, la veille, sur son lieu de travail, à Pailles.

 

Fabrice était le second enfant de sa famille. Ses parents, tout comme sa sœur aînée Jessie, son petit frère Fabiano et ses petites sœurs Angel et Morgan, sont effondrés par ce drame. Fabrice a toujours été un «fils exemplaire», précise François, la voix cassée par l’émotion. Il n’est un secret pour personne que le jeune homme était très apprécié par son entourage. Ses proches et ses amis ont tous des qualificatifs élogieux à son égard. La foule qui a suivi le cortège funéraire sous une pluie battante jusqu’à l’église Notre-Dame de la Visitation en témoigne. Lors de la cérémonie pour lui dire adieu, le père Pierre Piat, curé de cette paroisse, lui a d’ailleurs rendu un vibrant hommage.

 

«Le départ subit de Fabrice laisse une grande blessure dans le cœur des membres de sa famille. Nous devons prier pour qu’il trouve le chemin de la lumière. Nous devons prier beaucoup pour que Fabrice reste toujours vivant dans nos cœurs», lance le prêtre sur le parvis de l’église, avant de bénir le cercueil qui prend ensuite la direction du chœur pour la suite de la cérémonie. L’émotion est à son comble lorsqu’un jeune homme lit le témoignage de Warren, le meilleur ami de Fabrice, qui vit en France. «Tu es parti trop tôt, trop vite. Je me rappelle encore de nos séances d’entraînement d’athlétisme. Tu as toujours été optimiste, positif et généreux. Tu laisses un vide immense. Cela nous prendra du temps pour réaliser que tu es parti», écrit Warren.

 

Dans son homélie, le père Pierre Piat a lui aussi encensé Fabrice : «Je n’ai pas de mots pour décrire votre chagrin. Fabrice et sa famille ont toujours projeté l’image d’une famille unie. D’ailleurs, vous étiez tous présents ici même en septembre pour les noces d’argent de François et de Patricia. Fabrice avait une discipline personnelle. Il était droit dans ses décisions. Il aimait son travail. Il était également très dévoué et très sérieux dans son travail. Il était aussi très respecté. Fabrice était un role model dans son quartier. Un exemple pour les autres jeunes. Il s’était déjà fixé un but dans la vie et c’était de réussir ses projets.»

 

Après le primaire à l’école Notre-Dame de la Visitation RCA et le secondaire au collège d’État de Vacoas et au collège St Héléna, Fabrice avait décroché un diplôme en maintenance mécanique au collègue technique St-Gabriel. «Il a toujours donné le meilleur de lui-même», précise le père Piat. François abonde dans le même sens. «Mon fils a toujours vécu sa vie pleinement. Il va beaucoup nous manquer», ajoute ce maçon. C’est par le biais des réseaux sociaux qu’il a appris la nouvelle de l’incendie chez Lab 51 où Fabrice travaille depuis deux ans et demi. «Nous l’avons appelé sur son portable pour prendre de ses nouvelles mais son cellulaire était éteint», confie François.

 

Ses proches et lui ont alors cru que la batterie du téléphone de Fabrice était à plat car il faisait des heures supplémentaires. «Nou finn osi get bann video lor bann rezo sosio. Nou pa ti kone ki sa osi grav ki sa. Se kan nou finn ariv lopital Jeetoo apre 8h ki nou finn gagn move nouvel-la», lâche François, abattu. Il ignore toujours les circonstances du drame. Selon les premiers éléments des différentes enquêtes qui sont actuellement en cours, Lab 51 n’avait pas de Fire Certificate, ce qui est très grave pour une compagnie qui a plusieurs employés. François Maurice dit toutefois attendre la fin des différentes enquêtes pour décider de la marche à suivre. Pour le moment, sa famille et lui s’occupent plutôt de panser l’énorme blessure causée par la mort horrible de Fabrice.

 

Plusieurs enquêtes en cours pour situer les responsabilités

 

Il n’y a pas que la police qui a ouvert une enquête pour situer les responsabilités après l’incendie qui a emporté trois employés de Lab 51, dans la soirée du jeudi 5 mars. Des limiers de la Criminal Investigation Division de Port-Louis et leurs collègues du Scene of Crime Office recueillent un maximum d’indices en ce moment. Des officiers du Mauritius Fire & Rescue Service sont également sur les lieux du sinistre pour trouver la source de l’incendie. Les premiers éléments recueillis sur place semblent indiquer que le feu a éclaté dans un atelier inoccupé au rez-de-chaussée, avant de se propager aux autres parties du bâtiment. Les trois victimes se trouvaient, elles, dans une autre pièce, en mezzanine. L’enquête policière et celle des pompiers se poursuivent.

 

«Une enquête est toujours en cours afin de déterminer l’origine de l’incendie mais à ce stade, j’estime, de par mon expérience, que celui-ci est accidentel. Nous attendons tout de même de recueillir les éléments nécessaires pour nous prononcer», souligne le Chief Fire Officer, Dorsamy Ayacootee. Il nous revient que des experts du Central Electricity Board seront également sollicités cette semaine pour les besoins de l’enquête. Le ministère du Travail a également ouvert une enquête car il semblerait que Lab 51 n’avait pas de Fire Certificate, ce qui est une grave effraction au Health & Safety Act quand on a plusieurs employés. Les responsables de Lab 51 n’ont pas souhaité faire de commentaires.

 


 


Mireille, la maman d’Anouchka Gukhool : «Ma fille restera à jamais dans mon cœur»

 

 

Elle est là, assise dans le silence, ne quittant pas des yeux le cercueil blanc garni de fleurs. Sur ses joues, des larmes déferlent en cascade, rien ne semble pouvoir les arrêter. Daniella Samy, celle qui partageait la vie d’Anouchka Gukhool depuis 10 ans, est une femme meurtrie. Dans un soupir, elle lâche : «Kifer linn kit mwa linn ale», avant d’éclater en sanglots. Meurtrie dans son âme, elle peine à s’exprimer sur sa moitié, tant sa souffrance est grande.

 

Un peu plus loin, Mireille, la mère d’Anouchka, est tout aussi inconsolable. Ses proches essayent tant bien que mal de la soutenir dans ces moments difficiles. Cette maman meurtrie ne peut effacer de sa mémoire ce jeudi fatidique. Le jour du drame, sa fille a quitté la maison le matin pour se rendre sur son lieu de travail à Lab 51, à Pailles. Vers 14 heures, Anouchka l’appelle durant sa pause pour l’informer qu’elle fera des heures supplémentaires. Et en début de soirée, Mireille reçoit un appel qui bouleversera sa vie à tout jamais. «C’est mon beau-fils qui m’a appelée pour savoir où était Anouchka car il y avait un incendie à son travail. J’ai immédiatement essayé de joindre ma fille au téléphone, en vain», sanglote-t-elle.

 

Elle se rend alors tout de suite sur place, accompagnée de son fils. «Je vois toujours ces flammes et la première personne qu’on évacue du bâtiment. Une amie d’Anouchka se précipite tout de suite à l’hôpital pour s’enquérir de son état de santé. Elle m’appelle vers 20h30 et me confirme que c’est bien elle la première personne évacuée et qu’elle respire, de ne pas m’inquiéter.» Soulagée, Mireille se rend à son tour à l’hôpital pour voir sa fille. «Là, c’est le choc. Son amie vient vers moi en pleurs et me dit qu’Anouchka n’est plus. J’ai senti le sol s’ouvrir sous mes pieds car j’ai cru et j’avais l’espoir qu’elle s’en remettrait. Tout ceci est horrible et très difficile pour moi», lâche-t-elle en essayant de contenir ses larmes.

 

Son cœur de mère est broyé par la douleur car son aînée lui a été arrachée de manière soudaine et tragique. «Ma fille restera à jamais dans mon cœur. C’est Anouchka elle-même qui me donne le courage de surmonter cette épreuve. C’est dur de voir tous ceux qui l’aiment présents et de constater qu’elle n’est plus avec nous. Sa bonne humeur contagieuse aurait égayé la maison, tout comme lors de l’anniversaire surprise que j’avais organisé pour ses 32 ans le 13 février.» Merveilleuse, pleine de vie, dynamique, aimable… Les mots ne manquent pas à cette maman pour décrire sa fille qu’elle chérissait tant.

 

À l’instar de Mireille, Maude Fangamar, la grand-mère d’Anouchka, n’a que des mots de tendresse pour sa petite-fille. «Elle était avec moi dès sa naissance et je regrette vraiment qu’elle soit partie à un si jeune âge. Elle avait la vie devant elle et tout plein de projets. Sa famille a toujours été une priorité pour elle. Même si elle ne vivait pas à la maison, elle venait toutes les semaines sans faute. C’était une fille avec un cœur en or et elle adorait sa moto et sa chorale à l’église de St François», nous confie-t-elle. Carina Jean, une amie d’enfance d’Anouchka, approuve d’un mouvement de tête les dires de cette grand-mère à l’âme abattue. «Elle était extraordinaire et toujours serviable. Anouchka avait le sens de l’engagement et je l’admirais beaucoup pour cela. Elle s’investissait vraiment dans tout ce qu’elle faisait. Comme encadrer un groupe de jeunes tous les dimanches sans faute à l’Oratorio, la chorale, les retraites et autres. Ce sont 20 ans d’amitié qui se brisent injustement et c’est une souffrance intenable pour nous», avance-t-elle.

 

Marina Jean, la maman de Carina, n’arrête pas de pleurer. La mort d’Anouchka Gukhool lui arrache le cœur. Elle ne peut se contenir et crie le nom d’Anouchka en contemplant une photo d’elle toute souriante posée sur le cercueil. «C’est comme si j’ai perdu un de mes enfants. Car Anouchka fréquentait ma maison depuis sa plus tendre enfance et elle était considérée comme un membre de la famille. Elle était pleine de vie et toujours prête à aider. Anouchka avait pris du travail dans cette entreprise à temps partiel il n’y a pas longtemps mais vivait aussi sa passion en tant que Dive Master depuis une dizaine d’années car elle était une amoureuse de la mer. Je n’ai pas de mot pour décrire la souffrance que je ressens.»

 

Au-delà de l’immense souffrance que sa mort tragique cause à sa famille et à ses amis accablés, Anouchka laisse surtout dans les cœurs de ceux qui l’aiment de beaux souvenirs d’une fille remplie d’une grande joie de vivre. C’est la petite flamme qui les aidera à avancer.

 


 

Serge Riou, le HR Manager, aussi parmi les victimes

 

 

Cela faisait un peu plus de cinq ans qu’il vivait à Maurice. Employé au Lab 51 en tant que Head of Human Resources Manager, Serge Riou, un ressortissant français de 54 ans, faisait des heures supplémentaires au moment où l’incendie s’est déclaré et il est l’une des trois victimes du sinistre. D’après nos renseignements, le quinquagénaire, qui est décrit comme un homme sympathique et qui avait bon cœur, vivait à Mont-Choisy avec sa famille.

 


 

Dorsamy Ayacootee, Assistant Chief Fire Officer du Mauritius Fire and Rescue Service : «Ils se sont retrouvés pris au piège malgré les issus de secours»

 

C’est dans un atelier, au rez-de-chaussée, que se serait déclaré l’incendie qui a décimé Lab 51. C’est ce qu’affirme Dorsamy Ayacootee, l’Assistant Chief Fire Officer du Mauritius Fire and Rescue Service (MFRS). «Il s’est ensuite vite propagé. Il y avait beaucoup de produits inflammables – du diluant, de la peinture et des matières en plastique –, et les partitions et le sol étaient en bois.» Il estime que les trois victimes du sinistre, qui se trouvaient dans la section administrative, à l’étage, ne se sont pas rendu compte tout de suite qu’un feu s’était déclaré. «C’est sûrement lorsque les flammes ont traversé le plafond qu’ils se sont rendus compte du danger. À ce moment-là, les issues de secours étaient sans doute déjà bloquées et ils se sont retrouvés pris au piège.»

 

Dorsamy Ayacootee indique que ses hommes ont réagi dès qu’ils ont reçu l’alerte au Control Room. «Les sapeurs-pompiers de Coromandel se sont rendus sur place aussitôt. Lorsqu’ils se sont aperçus de l’ampleur de l’incendie et qu’ils ont appris que trois personnes se trouvaient à l’intérieur, l’aide du personnel de Port-Louis et de la Special Operation Division a été sollicitée. Nous nous sommes dispersés pour trouver le foyer de l’incendie et avons quadrillé les lieux pour pouvoir agir le plus vite possible.» Il a expliqué que les gaz toxiques, les débris et la forte chaleur ont rendu leur tâche plus ardue, d’autant qu’il s’agissait d’un bâtiment sans ventilation. «Au bout de deux heures d’opération, nous avons fini par retrouver les corps. Je précise que le bureau administratif a été épargné par les flammes. Les trois victimes ont succombé à des indirect burns, provoqués par la forte chaleur et la radiation.»

 

L’Assistant Chief Fire Officer précise qu’«en cas d’incendie, des drames peuvent survenir même si toutes les consignes de sécurité ont été respectées car le feu est dynamique. Les issues de secours peuvent parfois se retrouver bloquées». Il recommande aux compagnies d’avoir recours à des Fire Drills régulièrement et aux employeurs et employés de se familiariser avec leur lieu de travail, afin d’éviter que de tels drames ne surviennent à l’avenir. Il encourage également la population à utiliser la Hotline 154, un service gratuit, pour les Hazard Reportings.

 


 

Le ministère des Collectivités locales : «Les procédures étaient en cours pour l’obtention du Fire Certificate»

 

La cellule de communication du ministère des Collectivités locales affirme que Lab 51 ne détenait effectivement pas de Fire Certificate mais que la boîte avait déjà entamé des démarches pour l’obtenir. «L’an dernier, elle avait fait une application dans ce sens mais vu que quelques lacunes avaient été constatées sur place, il lui avait été recommandé d’y remédier pour que les Fire Services fassent le nécessaire.» Entre-temps, explique notre interlocuteur, Lab 51 avait tout à fait le droit d’opérer. «Nous tenons à présenter nos sympathies aux familles endeuillées car ce qui s’est produit est un drame qui nous afflige», ajoute-t-il.

 


 

En 2017, Dinesh Domah périssait sur son lieu de travail

 

Le triste sort qu’ont connu Anouchka Gukhool-Seetohul, Fabrice Maurice et Serge Riou, qui ont trouvé la mort dans l’incendie survenu au Lab 51 ce jeudi 5 mars, rappelle immanquablement le cas de Dinesh Domah. Celui-ci avait tenu en haleine les Mauriciens pendant plusieurs jours en novembre 2017. Il s’agit de l’incendie qui avait éclaté dans l’entrepôt de l’hypermarché de Shoprite où, dès leurs premières heures d’intervention, les sapeurs-pompiers s’étaient rendu compte que cet employé manquait à l’appel. Cet habitant de Quatre-Bornes de 24 ans, qui y travaillait comme Maintenance Officer, s’était retrouvé piégé à l’intérieur alors que tous ses collègues ont eu la vie sauve. Après huit interminables jours de recherches, son corps sans vie avait été retrouvé enfoui sous les débris, au grand désespoir de ses proches. Bouleversées et révoltées, ses sœurs ont retenu les services d’un homme de loi et réclament Rs 15 millions à l’État.

 


 

Seela Ramduth écrasée par un mur sur son lieu de travail : Le chagrin et la révolte de sa famille

 

La victime, agent de sécurité chez Brinks, était affectée à l’usine Princess Tuna Fishing.

 

Elle venait de célébrer son 60e anniversaire en décembre. Mais Seela Ramduth, une habitante de La Tour Koenig, n’avait pas voulu s’arrêter de travailler. Employée comme agent de sécurité chez Brinks depuis six ans, elle avait été affectée à l’usine Princess Tuna Fishing de Riche-Terre, il y a quatre ans. C’est en pleine forme qu’elle avait quitté son domicile très tôt, ce mercredi 4 mars, pour se rendre sur son lieu de travail. Mais elle a connu une fin tragique.

 

Ce matin-là, la sexagénaire a quitté son domicile aux aurores pour aller travailler. «Quelque temps plus tard, ses collègues m’ont contacté pour me dire qu’elle était tombée malade et qu’elle avait était conduite à l’hôpital. J’étais en chemin lorsqu’on m’a appris son décès», indique Satish Ramduth, l’un de ses fils, bouleversé. D’après la police, un camion venu récupérer des déchets aurait fait marche-arrière et percuté un pan de mur, qui s’est écroulé. La victime est morte écrasée sous le mur en béton. Partagé entre chagrin et révolte, son fils se demande «Comment se fait-il que le conducteur ne l’ait pas vue ? Ne devrait-il pas avoir un aide-chauffeur pour l’assister ?»

 

Appréhendé par la police de Terre-Rouge, le conducteur du véhicule a été soumis à un alcootest qui s’est révélé négatif. Soumis à un interrogatoire, il a expliqué avoir tenté de venir en aide à Seela Ramduth lorsqu’il s’est rendu compte qu’elle était coincée. Il l’a sortie des décombres avec l’aide des volontaires. Il a participé à un exercice de reconstitution des faits le même jour en présence des limiers du Scene of Crime Office (SOCO) après avoir comparu en cour sous une accusation provisoire d’homicide involontaire. Une enquête est en cours afin de faire la lumière sur les circonstances de la tragédie.

 

Seela Ramduth, veuve depuis plusieurs années, vivait seule. Elle laisse derrière elle quatre enfants – deux garçons et deux filles –, qui la décrivent comme une «maman courage qui n’a jamais baissé les bras». Ses funérailles ont eu lieu le jeudi 5 mars.

Publicité