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5 mai 2014 16:41
Il y a un an, elle était une jeune femme comme les autres qui respirait la joie de vivre. Il y a un an, elle s’occupait de sa petite fille – qui avait alors quelques mois – et ne vivait que pour elle. Il y a un an, elle avait des rêves plein la tête et de l’énergie à en revendre. Il y a un an, la vie de Megna Kumar, 20 ans, a basculé. Le matin du 3 mai 2013, elle a pris place à bord de l’autobus Blue Line 4263 AG 07, à Quatre-Bornes en direction de Port-Louis. Mais l’autobus n’est jamais arrivé à destination. Il a fini sa course folle à Sorèze, après avoir fait plusieurs tonneaux, et fait dix morts, dont le chauffeur, et plusieurs blessés.
Parmi eux, Megna Kumar qui, ce jour-là, a vu tout espoir d’une vie meilleure pour elle et son enfant s’envoler en fumée. Si elle n’a pas perdu la vie dans ce bus qui a fini sa course folle à Sorèze, la jeune femme n’en est pas pour autant sortie indemne. «Ma vie s’est arrêtée à 19 ans», confie-t-elle avec désespoir. Pour cause, grièvement touchée, elle a dû subir pas moins de neuf interventions chirurgicales afin d’avoir la vie sauve, dont une à l’estomac qui a été perforé, et une autre à ses poumons qui ont été endommagés. Et cela ne lui rend pas la vie facile. «Mo nepli ena l’avenir», articule-t-elle péniblement car elle a du mal à parler depuis ce 3 mai 2013.
Sa vie est devenue, dit-elle, un calvaire au quotidien, avec des douleurs atroces qui lui minent l’existence. Elle a du mal à respirer, à faire des efforts, à marcher et à manger car sa mâchoire a été fracturée et qu’elle a des difficultés à mâcher. «Nepli fasil pou viv, mo lestoma ronfle parski mo tub endan finn kase e bannla inn bisin repar sa», explique Megna qui ne peut plus s’occuper de sa fille âgée d’un peu plus d’un an. Ce sont sa mère ainsi que son oncle et sa tante, Aslam et Deepa Domun, qui s’en chargent et prennent aussi soin d’elle.
Après le terrible accident de Sorèze, elle est restée pendant un long moment à l’hôpital avant de pouvoir regagner son domicile. «Je suis restée pendant trois mois à l’hôpital du Nord dont plusieurs semaines aux soins intensifs», précise Megna. Pendant ce vrai parcours du combattant, elle a dû prendre son courage à deux mains afin d’accepter la vie comme elle est. Elle tient toutefois à remercier le médecin qui lui a sauvé la vie. «Le médecin m’a donné le courage pour avancer et ne pas baisser les bras. Mais je ne suis pas autorisée à faire de gros efforts afin de rester en vie», souligne la jeune femme.
Sur les conseils de son médecin, elle a dû abandonner ses projets professionnels. Elle caressait le rêve de devenir coiffeuse mais le docteur lui a dit qu’elle ne pourra plus travailler. «Mon rêve de devenir coiffeuse est tombé à l’eau», dit-elle tristement. Elle voulait être une femme indépendante, s’épanouir dans sa vie et faire grandir son enfant. Mais le destin en a décidé autrement.
«Cauchemars»
Quand elle repense à sa vie d’avant, Megna ne peut s’empêcher de pleurer amèrement. «J’étais très joviale, j’avais beaucoup d’ambitions et j’aimais profiter de mes sorties entre amis les week-ends. Mais maintenant, je ne peux me permettre ce train de vie car tout a changé», déclare-t-elle. Les soirées en boîte ou les séances de shopping font définitivement partie de son passé.
Maintenant, ses sorties se limitent à ses visites à l’hôpital chaque semaine pour son suivi médical. Ce n’est pas chose facile mais elle y est obligée. «Les traitements incessants et les cauchemars rythment mon quotidien. Mon avenir est gâché. Bien difisil pou mwa sa parcours la», lance la jeune femme, révoltée.
Elle essaye tant bien que mal d’avancer mais c’est très dur aussi bien physiquement que moralement. Moralement parce qu’elle revoit sans cesse défiler devant ses yeux les horribles images du drame. Traumatisée par cet accident, elle ne voyage plus par autobus et ne sort pratiquement plus en raison des séquelles physiques dont elle souffre ainsi que de graves problèmes respiratoires, mais aussi parce qu’elle a toujours peur que le pire ne se produise à nouveau. Qu’un nouveau drame s’invite dans sa vie.
Elle dit souffrir d’une dépression depuis ce jour terrible. N’ayant pas eu un suivi psychologique adéquat, elle a du mal à enlever ces horribles souvenirs de sa tête. D’autant que Megna, qui était assise au troisième rang ce jour-là, a vu le chauffeur de l’autobus mourir devant elle. «Il y avait aussi des gens morts sur moi, c’est de cela que je rêve la nuit, j’ai du mal à effacer ces images de ma mémoire». À chaque fois que cette habitante de Quatre-Bornes passe à Sorèze en voiture avec sa famille pour se rendre à l’hôpital, elle ne peut s’empêcher de trembler. La peur fait partie intégrante de sa vie.
Pour ne rien arranger, Megna se retrouve en difficulté financière car elle ne peut travailler et doit compter sur l’aide de ses proches. Par ailleurs, les autorités ne l’ont pas dédommagée jusqu’à présent pour tous les préjudices subis. Ce qu’elle trouve très regrettable. Mais elle garde espoir… L’espoir que les autorités réagissent et aident les survivants de l’accident et les familles des victimes. L’espoir qu’un jour sa vie reprendra un tant soit peu son cours normal. L’espoir qu’elle pourra réaliser ne serait-ce qu’une partie de ses rêves. L’espoir qu’elle pourra voir grandir sa petite fille et s’en occuper... Mais, au fond d’elle, elle sait que plus rien ne sera plus jamais comme avant.
Il est un exemple de force mentale et physique. Depuis l’accident de Sorèze, ce jeune homme âgé de 32 ans, fait tout pour continuer à vivre normalement et ne pas laisser ce drame prendre le dessus sur sa vie. Ayant été grièvement blessé à la tête, Vicky Gobin est conscient d’avoir frôlé la mort. Après une intervention chirurgicale et 12 points de suture, il a repris sa vie avec courage et optimisme.
Tous les jours, aussi étonnant que cela puisse paraître, le jeune homme remonte tranquillement dans un autobus Blue Line pour aller travailler. «Étant donné que je ne dispose pas d’autres moyens de transport dans la région, je voyage toujours en Blue Line pour me rendre au travail. Je dois dire que cela m’aide à vaincre ma peur», souligne-t-il.
Après l’accident, il avait été transporté à l’hôpital par un de ses amis qu’il devait rejoindre non loin du lieu de l’accident, à Pailles. Un an après le drame qui a coûté la vie à plusieurs voyageurs, il décrit la situation actuelle comme étant aberrante. En effet, d’après lui, «rien n’a été fait jusqu’à aujourd’hui pour les victimes».
De nature indépendante et n’ayant pas de proches à Maurice, Vicky Gobin se dit aujourd’hui plus fort que jamais. Il assure pouvoir maintenant affronter n’importe quelle épreuve que la vie lui réserve. Travaillant pour une compagnie étrangère, il tient à préciser que c’est grâce au soutien de ses collègues qu’il s’en est sorti.
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