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8 novembre 2022 12:19
Cette triste affaire fait toujours couler beaucoup d’encre. Suite à la PNQ du jeudi 27 octobre, qui était axée sur l’hospitalisation d'un bébé (dans un état critique) qui se trouvait au shelter L’Oiseau du Paradis, à Cap-Malheureux, Kalpana Koonjoo-Shah, ministre de l’Égalité des genres, a annoncé l’institution d’un Fact-Finding Committee (FFC) .
La députée Arianne Navarre-Marie, ex-ministre des Droits de la femme, du développement de l’enfant et du bien-être de la famille, a alors demandé à Kalpana Koonjoo-Shah s’il ne serait pas mieux qu’une personne indépendante préside le FFC au lieu du secrétaire permanent du ministère. La ministre a répondu que d’autres indépendants siègent sur le comité. Entre-temps, un autre bébé du shelter a été admis à l'hôpital et en est déjà sorti. Un troisième bébé du centre qu'on disait hospitalisé ne l'a finalement pas été et a seulement été emmené à ses rendez-vous pour des problèmes de santé.
Sheila Bappoo, qui a occupé le ministère qui travaille pour le développement de l’enfant, se dit interpellée par cette histoire où des bébés sont concernés. «Je suis une ancienne ministre responsable des enfants mais je suis aussi une femme, une maman et une grand-mère. Quand on parle de la santé et du bien-être des bébés (...) Cela nous interpelle. Les cas de ces bébés qui se trouvent au shelter L’Oiseau du Paradis choquent. Il y a au moins trois bébés qui sont involved dont un bébé qui se retrouve pendant plusieurs jours à l’ICU. Qu’est-ce qui se passe là-bas ?» s’insurge Sheila Bappoo.
Cette affaire l’attriste et la révolte profondément. «La gestion de ce centre est très mauvaise. Selon mon interprétation, il est comme un genre de dumping ground. Les enfants sont en situation difficile. Ils ont des problèmes et on ne considère pas ceux-ci. On ne regarde pas s’il s’agit de maltraitance, d’un problème de santé, s’ils ont été abandonnés ou s’ils ont été victimes d’abus. J’ai l’impression qu’on ne se pose pas de questions et on ne fait que les dump dans le shelter. Première erreur !» ajoute l’ancienne ministre qui estime qu’il faut vite reprendre les choses en main. «Il faut un centre spécialisé pour les bébés. Il y a aussi le problème du personnel. Il faut que ces employés soient bien formés. Et là où il y a des bébés, il faut un médecin attaché au lieu, même si celui-ci n’est pas là tous les jours. C’est primordial. Je suis vraiment bouleversée (...) La ministre a répondu à une PNQ et elle est venue dire qu’elle met sur pied un Fact-Finding Committee. J’ai envie de dire : pa vinn kasiet derier Fact-Finding Commitee.»
C’est aussi de la colère qui anime Aurore Perraud qui a aussi été ministre de l’Égalité du genres et du bien-être de la famille. «Je ressens une grande révolte. Dès que je suis arrivée à ce ministère, j’ai pris mon bâton de pèlerin et je me suis fait un devoir de visiter tous les shelters. Avant que je prenne ce poste, j’avais suivi et compris qu’il y avait beaucoup de problèmes. Je voulais constater de visu. Je suis donc allée de shelter en shelter, puis j’ai vite institué un Fact-Finding Committee et il y avait eu, à la suite de cela, des recommandations. Si je suis aujourd’hui révoltée, c’est parce que je me dis que si les recommandations du rapport avait été mises en pratique, on ne serait pas arrivés à la situation qu’on connaît aujourd’hui parce que les recommandations avaient été bien travaillées (...) J’avais aussi redynamisé le foster care. J’avais fait une campagne agressive sur le fait qu’on avait besoin de familles mauriciennes pour accueillir des enfants. Pour moi, si un enfant est en danger dans sa famille biologique, il faut qu’il y ait un espace où il peut grandir. C’est dans une famille qu’on apprend un enfant à devenir un citoyen. Comment un enfant, une fois adulte, saura comment fonctionne une famille s’il n’a jamais connu de famille mais une institution ? Nos enfants sont en danger. On confie nos enfants à la ministre, au ministère, et voilà comment ils sont traités», conclut l’ancienne ministre du Développement de l’enfant.
Christophe Karghoo
Dans son dernier rapport annuel publié le 6 octobre, Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children, attirait déjà l’attention sur le sort des bébés placés dans les shelters appelés Residential Care Institutions. Dans ce document de plus de 500 pages, basé sur une enquête approfondie de plus d’une année, elle prônait une «désinstitutionalisation» urgente de ces centres afin d’offrir une meilleure prise en charge des bébés et des enfants. Celle-ci passe inévitablement par un environnement adéquat et sain, par un personnel qualifié qui peut accorder une attention particulière et individuelle aux résidents, par un encadrement et un accompagnement appropriés. Autant d’éléments essentiels qui ont un impact positif sur le développement de l’enfant.
Au cours de son enquête, Rita Venkatasawmy avait mis le doigt sur les manquements de ces institutions et donné des pistes pour revoir la situation. Aujourd’hui, le cas de L’Oiseau du Paradis vient accentuer l’importance de revoir le système en place. Si elle ne souhaite pas, pour le moment, commenter cette affaire précise, car son bureau a ouvert une enquête, l’Ombudsperson tient à rappeler que les bébés, comme tout être humain, ont des droits. «Nous sommes en train d’enquêter sur cette affaire car il y a une perception qu’il y a eu des problèmes de gestion par rapport aux bébés. On reçoit des gens, on récolte des informations, on fait des visites. Ce n’est qu’après l’enquête que je pourrai donner mon opinion (...) Comme je le dis dans mon dernier rapport, les bébés doivent être encadrés en petits groupes, proches de la cellule familiale. Si c’est le cas, mieux l’enfant se portera. Il y a des choses à revoir mais le plus important, c’est d’offrir une prise en charge selon le concept des Nations Unies qui prônent une désinstitutionalisation de ces institutions. Nous devons travailler sur un objectif stratégique.»
L’autre point essentiel, poursuit-elle, c’est que le personnel travaillant avec des bébés abandonnés ou victimes d’abus doit avoir reçu une formation complète et poussée. «La prise en charge des bébés est particulière, c’est un être humain fragile qui dépend totalement de l’adulte. Le personnel des shelters a donc besoin d’une formation complète. Il faut individualiser cette prise en charge. Le personnel doit pouvoir stimuler le bébé en lui faisant écouter sa voix, en lui faisant jouer. Il doit pouvoir avoir une relation privilégiée avec les Carers. Il faut qu’ils comprennent la psychologie de base des petits pour bien comprendre son développement psychologique et psychomoteur.» Le personnel doit aussi, dit-elle, comprendre la théorie de l’attachement qui est un élément vital dans la prise en charge des tout-petits.
Amy Kamanah-Murday
Une PNQ qui a fait couler beaucoup d’encre et qui a, en tout cas, levé le voile sur des cas d'enfants malades qui interpellent. Le 27 octobre, ça chauffe à l'Assemblée, puisque le leader de l'opposition, Xavier-Luc Duval, et la députée Stéphanie Anquetil interpellent la ministre de l'Égalité du genre, Kalpana Koonjoo-Shah, sur le cas d’un nourrisson venant du shelter L’Oiseau du Paradis, à Cap-Malheureux, une petite de deux mois malade depuis le 19 octobre. Elle aurait été transportée à l'hôpital, où elle a été diagnostiquée d’une gastro-entérite. Elle aurait ensuite regagné le shelter mais aurait refusé de s’alimenter. Ce ne serait que le lendemain qu'elle aurait été admise aux soins intensifs. Heureusement, à l'heure où nous mettions sous presse, son état de santé s'améliorait.
Et à Stéphanie Anquetil de venir, photos à l'appui, parler des manquements dans le shelter : manque de stérilisateurs de biberons, toilettes insalubres, entre autres. La ministre annoncera qu'un FFC sera mis en place, comité qui sera présidé par le Permanent Secretary du ministère de l'Égalité du Genre, ce qui provoquera de vives critiques sur l'indépendance de ce comité. Or, voici que le 31 octobre, Shimal Tupsy, Shelter Manager de L'Oiseau du Paradis, soumet sa lettre de démission. Mais l'histoire ne s'arrête pas là puisque, selon plusieurs sources, d'autres enfants du shelter ont de gros soucis de santé : un petit de seulement un mois, admis à l'hôpital le 17 octobre et qui est ensuite retourné au shelter. Mercredi, la députée Stéphanie Anquétil parle d'un troisième enfant, du même shelter, qui a été hospitalisé – finalement il s'y était seulement rendu pour un rendez-vous concernant un problème d'hernie ombilicale.
Le 3 novembre, c'est Bruneau Laurette qui annonce qu'il va se mettre à la recherche de la mère biologique du premier enfant pour la convaincre de poursuivre les autorités pour la mauvaise prise en charge de l'enfant.
Stephane Chinnapen
Joana Bérenger du MMM : «L’ignorance de la ministre n’est pas une excuse. Je propose quatre mesures qui seraient faciles à implémenter : mettre en place un vrai protocole dans ce genre de cas, harmoniser la loi pour qu’il n’y ait pas de disparité entre les shelters publics et privés, et obliger les Care Givers à suivre une formation, augmenter le budget pour le ministère responsable du bien-être des enfants, et faciliter l’adoption par un organisme central indépendant».
Stéphanie Anquetil du PTr : «Il a fallu que je dise qu’il y ait un troisième cas d’un bébé mal en point dans un shelter pour que le ministère se décide à bouger. Ce qui montre que la ministre n’était pas au courant et n’a aucun contrôle sur son ministère. Je demande au Premier ministre d’enlever le ministère à cette personne au plus vite.»
Atma Shanto, président de la Fédération des Travailleurs Unis : «La ministre doit step down (...) Le Fact-Finding Committee institué ne peut être présidé par le Permanent Secretary du ministère de tutelle. Tant que la ministre sera en poste, nous ne pourrons avoir un Fact-Finding Committee indépendant.»
Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition : «J'ai demandé à ce que les termes de références des attributions du FFC institué par la ministre Koonjoo Shah soient aussi élargis que possible. Mais deux cabinet meetings plus tard, personne n’a publié les terms of reference. Ces termes doivent être aussi vastes que possible et commencer par la décision de l’hôpital Jeetoo de release l’enfant en question pour qu’il soit emmené dans un shelter où il n’y a pas de nurses, de médecins et d’équipements appropriés pour s’occuper d’un nourrisson (...) Il faut aussi aborder les qualifications du personnel (...) L’opposition a demandé à ce que ce soit une magistrate qui prenne ce dossier en main. Plus jamais ça ! »
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