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5 octobre 2015 04:16
Un scénario digne d’un film sanglant. Sauf que la scène ne se déroule pas sur un plateau de tournage comme les événements pourraient le faire croire. Mais à Stanley, Rose-Hill, le mardi 29 septembre aux alentours de 19h30. Une horrible soirée que Mahadeo, 80 ans, et son épouse Kumaree, 78 ans, ne sont pas près d’oublier.
«Nous avons échappé à la mort», murmure Mahadeo Peeroo, allongé sur son lit à l’hôpital de Candos, où nous l’avons rencontré le jeudi 1er octobre. Le vieil homme fait peine à voir avec son oeil au beurre noir et ses points de suture à la tête. Des blessures qui lui font terriblement souffrir. Mardi, il a été sauvagement battu par un malfrat dans son commerce. Sa femme aussi a été victime de cette brute qui s’est introduite dans leur tabagie à l’heure de fermeture. Plus grièvement blessée, elle est admise à l’hôpital ENT à Vacoas et devra subir une intervention chirurgicale en raison d’une fracture au nez.
Le visage complètement boursouflé, le nez recouvert d’un bandage et la mâchoire partiellement endommagée, les traits de Kumaree Peeroo ont été broyés par les coups violents que son agresseur lui a assenés sans pitié. «Il m’a cogné la tête à plusieurs reprises contre le mur, alors que je le suppliais d’arrêter», relate-t-elle péniblement, car sa blessure à la mâchoire l’empêche de parler correctement. Encore moins de manger ne serait-ce qu’un morceau de pain. Pour l’alimenter, le personnel soignant l’a mise sous perfusion depuis qu’elle a été admise. Elle restera alitée encore longtemps avant de pouvoir se tenir à nouveau sur ses deux jambes.
Malgré son état, les pensées de Kumaree vont vers son mari pour lequel elle s’inquiète. «Est-ce qu’il va bien ?» ne cesse-t-elle de demander. Alors qu’à l’hôpital de Candos, Mahadeo Peeroo se pose lui aussi sans arrêt les mêmes questions concernant celle qui partage sa vie depuis des décennies. «Ni ma femme ni moi ne méritons de vivre un tel calvaire. Surtout à notre âge. Les gens n’ont-ils aucun respect pour les personnes âgées ? C’est effrayant», lâche-t-il avec amertume. «Je veux que la police arrête ce malfrat au plus vite et qu’il explique pourquoi il nous a pris pour cible. Pourquoi nous ? C’est ce que je veux savoir ainsi que toute la famille.»
Retour sur un mardi noir. Il est aux alentours de 19h45 en ce 29 septembre lorsque Mahadeo Peeroo s’apprête à fermer son commerce, la tabagie Chelsea, située à la rue Ratsitatante, à Stanley, Rose-Hill. Soudain, un individu s’introduit dans le commerce. Mahadeo Peeroo ne s’en inquiète pas, pensant qu’il s’agit d’un client de dernière minute qui veut faire un achat quelconque. Puis, tout va très vite. L’individu baisse les volets de la tabagie, puis pousse le vieil homme à terre avant de le tabasser avec une force inouïe.
«Il m’a jeté au sol et a commencé à me rouer de coups. Tout cela s’est passé tellement vite que je n’ai pas eu le temps de réaliser ce qui se passait. J’ai lutté pour qu’il ne me tue pas. J’ai hurlé. Mais il continuait à me frapper et m’a assené un coup de cutter à la tête», raconte Mahadeo. Au même moment, Kumaree, alertée par les cris de son époux, arrive en courant. Elle est abasourdie en voyant son mari baignant dans une mare de sang alors que son agresseur s’acharne toujours sur lui. «J’ai essayé de l’arrêter. En vain. Car il est jeune et a beaucoup de force. Il s’est alors tourné vers moi, m’a saisie par le cou et m’a cognée contre le mur à plusieurs reprises», confie Kumaree, complètement traumatisée par ce qu’elle a enduré entre les mains de son agresseur.
Si les Peeroo sont toujours en vie aujourd’hui, c’est, disent-ils, grâce à l’intervention du frère de Mahadeo, qui vit dans une maison située à l’arrière de la tabagie Chelsea. «Il a été alerté par nos cris. Mais le malfrat s’est sauvé en entendant des pas s’approcher. Il n’a pas eu le temps de prendre quoi que ce soit. Je pense qu’il avait la ferme intention de nous tuer avant de commettre un vol», lâche Mahadeo Peeroo.
Parents de cinq enfants, dont trois vivent en France et deux à Maurice, les Peeroo pensent sérieusement à fermer leur petit commerce. Ce, pour leur propre sécurité. «Les habitués savent que nous vivons seuls et que nous sommes vieux. Donc, nous sommes des cibles potentielles pour les voleurs. Nos enfants nous conseillent d’arrêter.»
Sunil Peeroo, l’un des fils du couple, en vacances dans l’île, est, comme ses frères et sœurs, chamboulé par ce drame. Il souhaite vivement que justice soit rendue à ses parents. «Les gens n’ont plus aucun respect pour la vie des autres. Comment peut-on agir avec une telle violence sur des personnes âgées et sans défense ? La justice doit primer», lâche-t-il, précisant que c’est la seconde fois que son père est victime d’une agression.
En 2008, Mahadeo Peeroo avait été attaqué par deux hommes qui circulaient à moto. «Mon père se rendait à la banque et avait Rs 80 000 en sa possession. Il s’apprêtait à baisser les volets quand la moto s’est arrêtée à sa hauteur et que les deux individus lui ont assené plusieurs coups de sabre avant de lui arracher son sac.» Malgré cela, l’homme avait persévéré et tenait toujours son commerce. Jusqu’à l’agression de mardi.
Dans le sillage de l’enquête, la police recherche activement un habitant de la localité. Selon Mahadeo Peeroo, il aurait déjà effectué des achats dans son commerce dans le passé et il assure qu’il pourra facilement l’identifier. En attendant, le couple Peeroo entame sa lente reconstruction après l’horrible agression dont il a été victime.
L’horrible agression du couple Peeroo rappelle un triste événement. Celui de l’assassinat d’un couple de boutiquiers à Saint-Gabriel, Rodrigues. Le 4 juillet 2001, les corps de Jean et Marie-Jeanne Law Yu Kam avaient été retrouvés dans une mare de sang à leur domicile. Ils avaient été tués lors d’un cambriolage. Dans le sillage de cette affaire, la police avait arrêté Rajesh Momus à l’aéroport de Plaine-Corail, alors qu’il s’apprêtait à se rendre aux Seychelles. Par la suite, Margéot Ravina avait aussi été arrêté et une somme de Rs 113 000 retrouvée en sa possession. Toutefois, le 25 mai 2002, il avait réussi à tromper la vigilance des gardes-chiourmes de la prison de Pointe-La-Gueule, avant de disparaître, plongeant toute l’île Rodrigues dans une terrible frayeur. Avec raison, car durant sa cavale, le suspect Ravina avait violé une adolescente de 16 ans et commis d’autres délits. Plusieurs unités de la force policière avaient été déployées à Rodrigues pour retrouver Margeot Ravina. Il a été capturé presque un an plus tard, le 24 juin 2002.
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