Publicité
2 août 2016 03:04
ÀAnse Jonchée, chez Yanna et Marley, lorsque la nuit tombe, c’est comme si le temps reculait. À 19 heures, Yanna, 19 ans, et Marley, 20 ans, sont déjà au lit. Chez eux, il n’y a ni télévision, ni ordinateur, encore moins Internet. Contrairement à la plupart des jeunes de leur âge, ils n’ont pas accès à toutes ces technologies bien qu’ils rêvent d’être eux aussi dans l’air du temps. Mais la pauvreté dans laquelle ils vivent constitue une barrière qui les empêche d’avancer et de mener une vie décente.
Depuis quatre mois, ce jeune couple qui a souhaité voler de ses propres ailes, s’est installé dans une maison située à Anse-Jonchée, Vieux-Grand-Port, appartenant à la mère de Marley et dans laquelle les deux sœurs de ce dernier vivent aussi avec leurs familles respectives. C’est une modeste maison de la cité CHA, située à Anse-Jonchée, dépourvue d’électricité. Le soir, c’est à la lueur d’une bougie qu’ils s’éclairent. Une pratique ancestrale qui perdure encore en 2016 à cause de la pauvreté dont sont toujours victimes des milliers de Mauriciens et qui a failli coûter la vie à ce jeune couple.
La maison a été ravagée par un incendie, le mercredi 27 juillet, aux alentours de 19h30. Si les autres occupants de la maison ont pu s’en sortir indemnes malgré qu’ils ont tout perdu (voir hors-texte), Yanna et Marley ont été sérieusement touchés par les flammes et ont été admis à l’unité des grands brûlés de l’hôpital de Candos. Leur état n’est plus jugé critique mais ils souffrent tout de même un martyr, entre leurs graves blessures et les soins quotidiens très douloureux.
«Nous avons économisé sou par sou afin de pouvoir être connectés au réseau électrique. On s’est serrés la ceinture durant quatre mois. Il y a quelques semaines, nous avons pu réunir l’argent nécessaire pour avoir l’électricité. Il ne nous restait plus qu’à acheter les fils pour faire les installations. Malheureusement, il y a eu cet incendie», confie Yanna dont le visage a été partiellement ravagé par les flammes.
Sur son lit d’hôpital, elle est rongée par la douleur. Les bandages sur ses bras et d’autres parties de son corps témoignent de l’ampleur de ses brûlures et de la violence de ce feu qui a éclaté chez elle, causé par la bougie qu’elle avait allumée dans sa chambre à coucher. «Nos provisions achetées deux jours avant le drame sont parties en fumée. Ainsi que notre salaire, soit environ Rs 5 000. Mon mari est pêcheur et moi, je plante du gazon. On vit de ces deux petits métiers. Nous n’avions pas grand-chose, mais nous avons quand même tout perdu», lâche-t-elle, complètement désarmée.
Quelques mètres plus loin, dans une autre salle, Marley, allongé sur son lit, les lèvres complètement enflées, peine à prononcer quelques mots. Le jour du drame, raconte-t-il, il était très fatigué et s’était couché tôt. De toute façon, le jeune couple se couche relativement tôt, car n’ayant pas d’électricité. «Pena television narien, nou dormi. Ce soir-là, j’ai été réveillé par une chaleur anormale. J’ai vite compris que le matelas prenait feu. J’ai réveillé ma femme. Tout s’est passé très vite. En une fraction de seconde, les flammes avaient envahi la maison. J’ai tiré ma femme du lit, je l’ai prise par la main pour qu’on sorte de la maison ensemble. Mais les flammes nous ont séparés. Heureusement que nous sommes sortis vivants de la maison.»
Ils ont eu plus de chance que d’autres personnes qui, vivant dans des conditions de pauvreté extrême, ont perdu la vie dans des incendies car leur demeure dépourvue d’électricité était éclairée par des bougies. Il y a pas moins de deux semaines, Marie Claude Botteveau, une judokate qui avait porté haut les couleurs de Maurice sur le plan national et régional, a connu une fin tragique dans l’incendie de sa modeste demeure en tôle à Petite-Rivière. Il y a quelques mois, le 25 décembre 2015, c’est la petite Ursule Antonia, 4 ans, qui avait subi des brûlures mortelles dans l’incendie de sa maison à Crowland Tory, Tranquebar. «C’est la misère qui a emporté ma fille», confiait alors Ariane, la mère de la petite. Le 13 août 2015, le petit Pritish Meethoo, 2 ans, était aussi mort carbonisé dans sa modeste maison en tôle à Bon-Accueil. Un problème électrique cette fois.
Dans son discours budgétaire pour 2016-2017, le ministre des Finances Pravind Jugnauth a annoncé plusieurs mesures, dont la révision des aides sociales, afin de lutter contre l’extrême pauvreté et peut-être éviter ainsi que d’autres drames de ce genre n’arrivent. Il a aussi déclaré que les victimes d’incendie bénéficieront d’une aide sociale de Rs 5 000 par mois pendant six mois.
Des mesures qui tombent à pic en ces temps où plusieurs maisons ont été ravagées par des incendies (voir hors-texte) avec des familles entières qui se retrouvent à la rue ou qui sont endeuillées par la mort d’un des leurs, mortellement brûlé.
Laura Samoisy
L’incendie d’Anse Jonchée a fait d’autres victimes qui, si elles ne sont pas blessées, se retrouvent néanmoins dans une situation dramatique. Deux autres familles vivaient aussi dans la petite maison CHA d’Anse-Jonchée avec Yanna Nobin et Marley Rabaye.
Il est 18h30 en ce vendredi 29 juillet. Dans l’obscurité qui s’installe peu à peu s’élève une forte odeur de bois brûlé. On distingue une petite maison en béton complètement détruite par les flammes. Sur les visages se lit la désolation. Séverine Félicien et son compagnon Bruno Louise, qui ont trois enfants âgés de 7 ans, 3 ans et 1 an, ainsi que Brandon Telemacque et sa compagne ont aussi tout perdu dans l’incendie. Ils étaient neuf personnes en tout à vivre dans ce quatre-pièces et qui ne savent désormais pas où aller. C’est dans cette maison inhabitable qu’ils dorment toujours le soir venu.
«Il ne nous reste plus rien», lance Séverine Félicien d’une voix cassée, portant son garçonnet d’1 an dans les bras. L’incendie a éclaté alors que sa famille et elle étaient chez leur voisin pour regarder la télé. «Ma belle-sœur Yanna a poussé des cris, et lorsque nous sommes sortis, nous avons constaté que ses vêtements étaient en feu»,raconte cette mère de trois enfants, les larmes aux yeux. Selon les premiers éléments de l’enquête, c’est une bougie qui serait à l’origine de cet incendie. Une enquête a été ouverte par la police de Grand-Port pour établir les circonstances de l’incendie.
«Cette maison appartient à mon grand-père. Cela fait trois mois que nous sommes venus y vivre. On vit un cauchemar depuis l’incendie. Nous sommes sans un sou, Rs 1 800 sont parties en fumée ainsi que les électroménagers, les vêtements, entre autres», confie Séverine qui lance un appel aux Mauriciens et aux autorités. «J’aurais voulu qu’on nous aide à restaurer cette maison au plus vite. Car nous avons trois enfants, dont le dernier est âgé de seulement 1 an.» Elle s’inquiète surtout pour ses enfants. «Nous avons fait le nécessaire pour nettoyer la maison mais elle empeste toujours la fumée. J’ai peur que mes enfants soient intoxiqués.» Son compagnon et elle ainsi que les autres occupants de la maison gardent espoir de trouver la lumière au bout du tunnel.
Sabine Azémia
Publicité