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Un malade de 18 ans contaminé par le virus du sida

11 août 2014

Le père de l’adolescent veut obtenir justice pour son fils.

On croit avoir un certain contrôle sur sa vie. Puis, du jour au lendemain, tout bascule. À cause d’une mauvaise nouvelle, d’un coup dur du destin. C’est ce que vivent actuellement les membres d’une famille des hautes Plaines-Wilhems. Depuis quelques jours, leur existence a viré au cauchemar. Ils ont appris qu’un des leurs, un jeune de 18 ans, souffrant de thalassémie, une maladie liée au sang, depuis l’âge de 3 ans, est atteint du virus du sida. Choqués et révoltés, les parents du malade, Vijay* et Sunita* montrent du doigt l’hôpital. Ils sont convaincus que Kavish* a été contaminé lors d’une transfusion sanguine qu’il a reçue à l’hôpital de Candos où il suit un traitement pour sa maladie.

«Notre fils est sous notre surveillance à longueur de journée. Il ne s’est pas blessé avec une arme tranchante et n’a été en contact avec personne en dehors de l’entourage familial. C’est l’hôpital qui est responsable pour ce qui lui est arrivé. Il a dû être infecté lors d’une de ses transfusions sanguines. Même s’il s’était blessé, il aurait fallu qu’il soit en contact avec le sang d’une autre personne porteuse du virus pour être contaminé. Mais il n’a eu de contact avec personne en dehors de la famille, à part le personnel de l’hôpital de Candos», lâche Vijay, très chagriné et en colère.

Il est déterminé à aller de l’avant pour savoir exactement comment Kavish, le fils de son épouse, né d’une précédente union, qu’il considère comme son propre enfant, a contracté le virus du sida. «Mon fils est déjà affaibli par la thalassémie. Il ne peut pas faire le moindre effort. Il s’épuise très vite et doit toujours être au repos. Il n’est pas sexuellement actif. Il ressemble à un enfant de 10 ans car son corps ne s’est pas développé. Il fait moins d’un mètre cinquante pour environ 40 kilos. Il reçoit d’ailleurs des injections pour booster ses hormones et aider son corps à se développer», précise notre interlocuteur qui dit attendre les conclusions de l’enquête du ministère de la Santé sur ce cas pour décider de la marche à suivre.

Durant la semaine écoulée, Abu Kassenally, ministre de la Santé par intérim, a assuré que le jeune homme n’avait pas été contaminé lors d’une transfusion sanguine à l’hôpital (voir hors texte). Une version que rejette complètement la famille de Kavish.

Depuis que la terrible nouvelle est tombée, Sunita fait tout son possible pour apporter un peu de réconfort à son unique fils. En vain. C’est le cœur lourd que cette mère très protectrice s’est confiée à nous vendredi. «Mon fils refuse de s’alimenter. J’essaie de l’encourager, mais il reste sur sa position. Il n’a plus aucun goût à la vie. Son existence était déjà très difficile avec la thalassémie. Maintenant qu’il a appris sa séropositivité, c’est encore pire. Il pleure sans cesse et demande pourquoi tout cela lui arrive et pourquoi Dieu lui impose autant de souffrances», pleure Sunita sans pouvoir s’arrêter. Elle a peur, très peur que son enfant se laisse aller au désespoir. «Il ne veut voir personne. Il est dans sa chambre. Il me fait de la peine. Je suis impuissante face à tout cela. Le ministère doit rendre des comptes. Car lui seul détient la clé de ce mystère. Il faut qu’il joue franc jeu car nous avons droit à la vérité.»  

Le calvaire de cette famille a commencé le lundi 28 juillet. «Quelques jours avant, l’association Thalassémie de Maurice nous a envoyé une lettre pour demander à ce que notre fils fasse un bilan de santé dans une clinique. Sur place, on lui a prélevé du sang pour les besoins des examens. Le samedi 26 juillet, c’est l’hôpital de Candos qui nous a contactés pour nous demander de nous rendre à l’Aids Unit de cet établissement le lundi 28 juillet. Ma femme s’est rendue au rendez-vous et là on lui a appris que notre fils était séropositif», témoigne Vijay.

Sur le coup, Sunita refuse tout bonnement de croire une telle chose et met le tout sur le compte d’une erreur. «Il m’était impossible de croire une chose pareille. J’ai alors vu le surintendant de l’hôpital, le médecin traitant de mon fils ainsi que le spécialiste en thalassémie. Personne n’était au courant de la chose. Suite à cela, il y a eu une contre-expertise et le résultat est tombé ce lundi 4 août ; il est toujours positif. Mon fils est bel et bien porteur du virus», confie la mère de l’adolescent. Quoi qu’il en soit, les parents de Kavish veulent avoir un troisième avis et ont fait appel à un autre laboratoire privé. «Nous attendons toujours les résultats de ce laboratoire», soutient Vijay.

L’existence de Kavish, dit-il, n’était déjà pas facile en raison de sa maladie. «On a su qu’il souffrait de thalassémie quand il avait 3 ans. Depuis, il a passé sa vie entre l’hôpital, pour ses traitements, et la maison. Il a étudié jusqu’au Certificate of Primary Education et a réussi ses examens brillamment. Mais juste après, son état s’est petit à petit aggravé. Il ne pouvait se rendre au collège car il avait souvent des vertiges et se sentait très faible. Il doit se rendre à l’hôpital deux à trois fois par mois. Il y reçoit des transfusions sanguines une fois par mois», explique Sunita. Son fils, ajoute-t-elle, a même subi une délicate intervention il y a quelques années.

«En 2000, les médecins lui ont enlevé la rate. Et depuis quelque temps, son foie ne cesse de grossir. Il est fragile. Maintenant qu’il est atteint de deux maladies graves, c’est encore pire. Quels soins va-t-il recevoir ? De quoi sa vie sera faite ?», se demande Vijay, désespéré. «De 2012 à ce jour, mon fils a reçu le sang de 14 donneurs différents. Or, le ministère de la Santé affirme que les 14 donneurs ont été soumis à des tests et qu’ils sont tous séronégatifs. Je me demande à quelle vitesse le ministère a effectué ces tests et les a contre-vérifiés pour venir affirmer qu’ils sont tous en parfaite santé. Moi je suis catégorique : l’hôpital a fauté et doit rendre des comptes», clame-t-il haut et fort. Il est plus que jamais déterminé à se battre pour obtenir justice. Au nom de son fils.

(* Prénoms  fictifs)

Mieux comprendre la thalassémie

La thalassémie génétique se manifeste par un défaut de production de l’hémoglobine. Peu connue mais très répandue, la thalassémie, sous sa forme majeure, se manifeste quand la personne est porteuse des deux gènes responsables de la maladie et se traduit essentiellement par une anémie importante : l’hémoglobine chute de plus en plus et le seul traitement est alors la transfusion de sang et ce, tout au long de la vie. Un traitement pour diminuer le taux de fer dans le sang est souvent nécessaire. Les transfusions apportent en effet trop de fer à l’organisme qui ne peut pas l’évacuer correctement, ce qui peut entraîner des problèmes cardiaques, hormonaux et articulaires. Seule une greffe de  la moelle osseuse peut guérir une thalassémie. Mais c’est une solution lourde et risquée, qui nécessite la compatibilité entre le donneur et le receveur.

Pils apporte son soutien à Kavish

L’association qui milite pour le bien-être des porteurs du virus du sida ne reste pas insensible au sort du jeune Kavish. Dans un communiqué émis le jeudi 7 août, l’ONG Pils a exprimé son soutien total au jeune homme ainsi qu’à sa famille. «Pils souhaite rappeler qu’il offre à tous ses bénéficiaires et aux personnes infectées et affectées par le VIH un suivi et un accompagnement psychologiques, ainsi qu’un suivi médical et des conseils sur le traitement antirétroviral. Il s’agit, rappelons-le, d’un traitement à vie et quotidien, mis gratuitement à disposition de toute personne vivant avec le VIH à Maurice, lui permettant de mener une vie tout à fait normale. Sur le long terme, ce traitement minimise aussi les risques de contamination d’une personne infectée à une autre, à condition d’être suivi correctement.» D’autre part, Pils précise que la banque de sang de l’hôpital de Candos, est certifiée ISO et suit des procédures opérationnelle permanentes (SOP) très strictes. «Elle dispose d’un système informatisé et d’un personnel qualifié et suit les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé en matière de traitements liés au sang, de transfusion sanguine et de tests systématiques du sang.»

Le ministère de sa Santé se défend

«Il n’y a pas eu de négligence médicale de la part du personnel hospitalier. J’en mets ma tête à couper.» Dixit le ministre de la Santé par intérim, Abu Kasenally, lors d’une conférence de presse durant la semaine écoulée concernant le cas du jeune homme atteint de thalassémie et dont la séropositivité a été récemment découverte.

«Depuis le début de son traitement à l’hôpital, le jeune homme a reçu 14 pintes de sang de 14 donneurs différents. Nous avons rappelé les 14 donneurs pour des analyses après que le test du patient en question s’est révélé positif. Nous avons vérifié et contre-vérifié. Leurs tests se sont révélés négatifs», a assuré Abu Kasenally. Il a également déclaré que le ministère de la Santé va enquêter afin de faire la lumière sur cette affaire.

Paul Bérenger, leader de l’opposition : «Il ne faut pas créer de psychose»

Le leader de l’opposition, Paul Bérenger, a évoqué le cas du jeune homme lors de sa conférence de presse hier. Il a exprimé toute sa sympathie à la famille de Kavish tout en faisant ressortir qu’il ne «ne faut pas créer de psychose» concernant cette affaire.

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