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Un réajustement salarial entre soulagement, déception et doutes

11 août 2024

Renganaden Padayachy, ministre des Finances, Soodesh Callichurn, ministre du Travail, et Anjiv Ramdhany, ministre de la Fonction publique, ont animé une conférence de presse ce vendredi 9 août.

Zoom sur la nouvelle grille de salaires

 

C'est un sujet qui suscite de nombreuses réactions. Le réajustement des salaires établi par le gouvernement fait débat. Si certains applaudissent cette initiative, d’autres la qualifient de mesure électoraliste, à l’approche des législatives. En effet, la hausse salariale dans les secteurs public et privé, annoncée ce vendredi 9 août lors d’une conférence de presse animée par Renganaden Padayachy, ministre des Finances, Soodesh Callichurn, ministre du Travail, et Anjiv Ramdhany, ministre de la Fonction publique, fait couler beaucoup d’encre.

 

Des annonces concernant l’ajustement de la relativité des salaires pour les travailleurs du secteur public et un salaire de base pour les titulaires de diplômes et de degrés ont également été faites. Le ministre de la Fonction publique, Anjiv Ramdhany, a affirmé que les recommandations du Pay Research Bureau (PRB) concernant le versement d’une allocation aux employés du secteur public couvert par le bureau, à titre intérimaire, seront mises en œuvre et seront effectives à partir du 1er juillet, en attendant la publication du rapport principal. Il a indiqué que le versement de l’indemnité intérimaire prendra fin avec la mise en œuvre du rapport du PRB 2026. Le ministre Ramdhany a également souligné que l’allocation serait équivalente à 5 % du salaire de base dans l’échelle de traitement principale du rapport du PRB 2021, sous réserve d’un maximum de Rs 2 000.

 

En ce qui concerne le secteur privé, le ministre Callichurn a déclaré que des modifications étaient apportées à 31 règlements de rémunération existants afin de prévoir un ajustement de la relativité des salaires pour les travailleurs qui perçoivent un salaire mensuel de base allant jusqu’à Rs 50 000, que leur salaire soit ou non prescrit dans ces règlements de rémunération.

 

Concernant la méthode de calcul de la relativité salariale qui a été expliquée, il s’agit de prendre le salaire de base de janvier 2024 et de le comparer au salaire de base perçu en décembre 2023. Par exemple, a expliqué Soodesh Callichurn, un vendeur qui touchait Rs 12 175 en décembre 2023 et Rs 16 500 en janvier 2024 percevra une augmentation de Rs 600. Un serveur qui touchait Rs 13 338 en décembre 2023 et Rs 16 500 en janvier 2024, aura une augmentation de Rs 3 124, et un soudeur qui touchait Rs 14 699 en décembre 2023 et Rs 18 444 en janvier 2024 bénéficiera d’une augmentation de Rs 3 248. Un charpentier qui gagnait Rs 16 765 en décembre 2023 et Rs 16 500 en janvier 2024, pour sa part, recevra une augmentation de Rs 3 298. «Tous les travailleurs qui gagnaient entre Rs 20 000 et Rs 50 000 en décembre 2023 recevront une augmentation de Rs 2 925 (Rs 4 925 - Rs 2 000). Grosso modo, environ 197 042 travailleurs, soit 60 % de la main-d’œuvre du secteur privé, bénéficieront de cet ajustement de relativité», a précisé Soodesh Callichurn.

 

Le ministre a également annoncé la mise en place d’un salaire mensuel de base pour un travailleur titulaire d’un diplôme ou d’un degré. À partir du 1er juillet, un salaire de base de Rs 25 000 par mois sera prescrit, représentant un ratio de 1,4 par rapport au salaire minimum national, applicable aux professions qui exigent que leurs titulaires possèdent au minimum un diplôme d’études supérieures, a-t-il indiqué. Il a ajouté qu’un salaire de base de Rs 23 000 par mois, représentant un ratio de 1,4 par rapport au salaire minimum national, applicable aux professions qui exigent que leurs titulaires possèdent au moins un post-Higher School Certificate, un diplôme de deux ans ou un post-School Certificate de trois ans, d’une institution reconnue, serait également prescrit.

 

En parlant de ces mesures gouvernementales, Renganaden Padayachy, ministre des Finances, a évoqué l’engagement du Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui, dit-il, est en faveur du bien-être de la population. Il a souligné que le gouvernement était résolu à mettre en place des mesures d’appui pour aider la population.Le ministre Padayachy a également souligné qu’un soutien financier serait fourni aux entreprises qui rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre de l’ajustement de la relativité salariale, notamment les entreprises axées sur l’exportation, les entreprises à orientation nationale et les petites et moyennes entreprises.

 

Réactions...

 

Business Mauritius : «Cela rajoute un coût soudain et non prévu... »

 

«Les annonces faites par les ministres des Finances et du Travail paraissent à première vue conséquentes pour la communauté des affaires. Ces mesures doivent être étudiées en profondeur pour pouvoir en mesurer l’impact et les implications. Parmi les clarifications requises, nous demandons, entre autres, une meilleure compréhension des règlements et des recommandations précises, ainsi que des études d'impact. (...) Quant à la décision de compter l’augmentation à partir de juillet 2024, les opérateurs de tous les secteurs affirment que cela rajoute un coût soudain et non prévu dans leurs budgets – et cela de manière immédiate, ce qui représente un défi énorme pour beaucoup d’entreprises, surtout les PME (...). Les salaires ne doivent pas être pris comme un enjeu politique. La main-d’œuvre est au cœur même des fondamentaux macroéconomiques, et il faut impérativement qu’elle soit prise en considération. Business Mauritius reste ouvert au dialogue avec le gouvernement afin de trouver des solutions équilibrées qui tiennent compte des réalités économiques et sociales.»

 

Arvin Boolell, leader de l’opposition  : «Il faut donner oui, mais il faut donner mieux et bien»

 

«C’est tout bonnement une avance sur le PRB, mais donner 5% d’augmentation aux fonctionnaires, c'est peanuts, surtout quand on voit comment l’inflation a grandement augmenté depuis 2014.  Le manque à gagner est énorme pour les Mauriciens, et cette somme ne va pas couvrir les coûts à cause de la cherté de la vie qui ne faiblit pas. Ce que le gouvernement ne nous dit pas, c’est comment il va faire pour régler ce problème de coût de la vie dû à l’imported cost of living qui fait suffoquer les Mauriciens. Il y a aussi le déficit budgétaire qui est une réalité. Le gouvernement doit être plus explicite dans ses explications et prôner une politique de sustainability. De plus, il y a 20 compagnies qui ont fait des profits énormes, mais il y a d’autres compagnies qui sont en détresse. Tout cela est à prendre en considération. Il faut donner oui, mais il faut donner mieux et bien.»  

 

Reaz Chuttoo, président de la Confédération des Travailleurs du secteur public et privé (CTSP) : «Une victoire mais la guerre est loin d’être terminée»

 

«Je suis satisfait de ces annonces, nous avons maintenant une corrélativité pour tous les métiers, plusieurs employés qui ne sont pas dans les renumeration orders sont aussi concernés par ces réajustements, ce qui est bien des annonces qui répondent en partie aux demandes de la CTSP. C’est une victoire, mais la guerre est loin d’être terminée. Nous sommes toujours pour la catégorisation par corps de métier et non par secteur, pour une meilleure rémunération.» 

 

Radharkrishna Sadien, président de la State and Other Employees Federation (SOEF) : «Vers une disparité entre le secteur privé et public»

 

«Je suis très déçu. On propose une augmentation de seulement 5% pour les fonctionnaires, mais le barème pour la taxe reste le même, ce qui n’a pas de sens. Et ces 5% vont aussi créer une disparité entre le secteur privé et public. Qu’en est-il aussi de ceux qui touchent plus de Rs 50 000 ? C’est bien certes de proposer des nouveaux salaires minimum pour ceux qui ont un diplôme et un degré, mais quand on ne propose qu’une petite augmentation de limite Rs 5 000, est-ce que cela va motiver un jeune pour faire tous les sacrifices et le dur travail pour un diplôme et un degré ?»

 

Gheerishsing Gopaul, secrétaire général du Government Services Employees Association (GSEA) : «C’est clair que les fonctionnaires attendaient plus» 

 

«C’est clair que les fonctionnaires attendaient plus pour ce réajustement salarial, qui n’est finalement qu’une allowance par interim pour eux. Donc la GSEA est très déçue avec ces 5% d’augmentation pour les fonctionnaires. Mais nous n’allons pas baisser les bras, et continuer à nous mobiliser pour trois choses : un réajustement salarial plus raisonnable pour les fonctionnaires, un rapport du PRB qui nous viendra en 2025 au lieu de 2026 et des solutions pour pallier le manque de staff dans la fonction publique.»

 

Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice (ACIM) : «Il faut maintenant que le gouvernement pratique un gros contrôle des prix» 

 

«C’est vrai que ce réajustement salarial était très attendu, mais dans le timing, on a l’impression que le gouvernement pe fer labous dou, en vue des prochaines élections. Cela fausse le jeu électoral, et cela peut affecter la démocratie. Ceci étant dit, ce réajustement était attendu, et peut soulager. Mais il aura toutefois un gros impact sur l’inflation, avec encore plus de monnaie en circulation, et des prix qui pourraient prendre l’ascenseur. C’est maintenant au gouvernement d’être encore plus strict dans son contrôle de prix, sinon ce serait trop bête d’avoir un réajustement salarial alors que les prix prennent l’ascenseur en même temps.»

 

Christophe Karghoo, Amy Kamanah-Murday et Stephane Chinnapen

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