Publicité
31 octobre 2016 04:02
En amour, les opposés s’attirent, dit le dicton. Et il y a trois ans, quand leurs routes se croisent, Anaïs Jean et Jimmy Neerputh, que tout semble séparer, tombent amoureux l’un de l’autre. C’est le début d’une histoire d’amour presque idyllique. Une vie à deux toute tracée lorsque Jimmy fait sa demande en mariage et passe la bague d’arrêt au doigt de sa chérie.
Mais le conte de fées a pris fin tragiquement. Jimmy Neerputh, 21 ans, a étranglésa petite-amie de 18 ans avant de plonger sa tête dans un seau d’eau. Il s’est ensuite enfui et a tenté de se donner la mort par pendaison avant d’être attrapé par la police (voir hors-texte). Il a expliqué aux enquêteurs qu’il soupçonnait sa copine d’infidélité et que la dispute a dégénéré en meurtre lorsque celle-ci a refusé de lui donner le code de son téléphone portable (voir hors-texte). Cela s’est passé au domicile de la jeune fille, à Cité Barkly, le mercredi 26 octobre, vers 11h30. C’est le petit frère d’Anaïs qui a fait la découverte macabre en rentrant de ses examens du CPE.
Depuis cette terrible tragédie, les proches de la victime sont effondrés. «Une lumière s’est éteinte à jamais»,pleure sa mère Jonah Jean lorsque nous la rencontrons. Entourée de ses proches, elle crie sa douleur et exprime sa tristesse tout en gardant un air digne. Sous le choc du meurtre de sa fille, elle admet que celle-ci avait pris une bonne décision récemment en s’éloignant de son petit ami qui avait très mauvais caractère. Pourtant, dit-elle, au début de sa relation avec Anaïs, Jimmy était un jeune homme calme, attentif et très respectueux.
Tout commence entre eux, il y a trois ans. Les jeunes gens n’ont pas grand-chose en commun. Anaïs a grandi dans une famille chaleureuse, entourée de ses parents, de son frère aîné et de son plus jeune frère. De son côté, Jimmy, issu d’une fratrie de cinq enfants, n’a pas eu une enfance heureuse. Sa mère étant alcoolique et son père souffrant de troubles psychiatriques, Jimmy et ses frères et sœurs sont pris en charge par l’État et placés dans des abris pour enfants en difficulté jusqu’à leur 18 ans.
Pendant ce temps, Anaïs, jeune fille épanouie,fait son bonhomme de chemin. «Elle a fréquentél’école primaire Vel Govinden. Elle n’était pas une élèvebrillante mais avait envie de réussir dans la vie. Après le CPE, elle a été admise au collège BPS, en prévoc, où elle a passé trois années», confie Jonah péniblement. Elle a ensuite poursuivi ses études à l’école technique Sir Kheer Jagathsing à Beau-Bassin. «Elle y a passé une année et a appris la couture, entre autres. Puis elle a rejoint une école de pâtisserie à Quatre-Bornes», se souvient sa mère. Jeune fille bien de son temps et curieuse de nature, elle rejoint ensuite le Centre of Learning de Cité Chebel ainsi que l’ONG Abaim où elle développe une véritable passion pour la musique.
Maroussia Bovery du groupe Abaim s’en souvient comme si c’était hier. «Anaïs était une petite boule d’énergie. Elle savait mettre de l’ambiance et chantait très bien. Elle a commencé avec les programmes extrascolaires d’Abaim. Puis, a rejoint le groupe et participé à trois de nos albums. Dont le célèbre album Enn nwel larkansyelsur lequel on retrouve le morceau Alime teyn. On garde de très bons souvenirs d’elle», relate-t-elle tristement.
Le destin d’Anaïs prend une autre tournure lorsqu’elle fait la connaissance de Jimmy Neerputh, il y a trois ans. «Sur recommandation d’une connaissance, nous avions accueilli Stéphane, le frère aîné de Jimmy, chez nous à sa sortie du shelter. Il n’avait nulle part où aller. De plus, il était un ami de mon fils aîné. On n’a jamais eu de problème avec lui, il avait un comportement exemplaire. Puis, il a rencontré la cousine d’Anaïs et ils se sont mariés et ont eu un enfant. Lorsque Jimmy est sorti du shelterà son tour, Stéphane nous a demandé de l’accueillir et nous avons accepté», explique Jona.
Anaïs est alors âgée de 15 ans et Jimmy de 18 ans. Quelques mois plus tard, le jeune homme annonce aux parents de l’adolescente qu’ils entretiennent une relation amoureuse. «J’avais parlé à ma fille en raison de son jeune âge. Et j’avais aussi parlé à Jimmy. Il avait de bonnes intentions et mon mari et moi avons accepté leur relation. Et le 4 août 2014, ils s’étaient engagés l’un envers l’autre et Jimmy avait passé une bague d’arrêt au doigt d’Anaïs, en attendant le grand jour.»
Sauf qu’entre-temps, Jimmy a commencé à montrer son violent caractère. «L’année dernière nous avons eu un choc quand il a commencé à tout casser à Port-Louis, pendant le Festival Kréol. Il était ivre et marchait sur un pont. Anaïs lui a demandé de descendre car il risquait de tomber. Il n’a pas apprécié et s’était mis à tout casser sur son passage», raconte Jonah.
Depuis, explique-t-elle, Jimmy a enchaîné les scènes de violence.«Il avait saccagé sa télé et d’autres biens qui lui appartenait. En voyant cela, j’ai mis ma fille devant les faits. Je lui ai dit de prendre la bonne décision car elle ne pouvait pas envisager de faire sa vie avec un homme aussi violent. Suite à une autre dispute, l’année dernière, il avait pris ses affaires et était alléhabiter chez un de ses enseignants à Pointe-aux-Sables. Il venait voir ma fille les week-ends.»
Mais entre eux, les choses ne s’arrangaient pas. Jimmy étaitviolent et d’une jalousie maladive. Et Anaïs a, selon sa mère, décidé de prendre ses distances de lui et avait de nouveaux projets d’avenir. «Elle avait fait une formation en housekeepingà Beau-Bassin et avait décroché un stage à l’hôtel Dinarobin. Elle aimait ce qu’elle faisait. Mais comme elle passait beaucoup de temps dans le bus, elle voulait s’offrir un scooter pour Noël. Elle envisageait même de travailler sur un bateau de croisières et avait demandé de l’aide à une amie qui bossait déjà dans ce milieu.»
Jimmy, de son côté, n’acceptait pas la nouvelle vie d’Anaïs et surtout que celle-ci ait pris ses distances de lui. «Il était très jaloux, surtout depuis qu’Anaïs avait décroché cet emploi. Il lui avait offert un téléphone portable mais l’avait repris il y a trois mois. Il y a une semaine, j’ai fait une surprise à ma fille en lui offrant un nouveau téléphone. Elle était très heureuse. Et c’est ce téléphone qui a été la source de son meurtre.»
Interrogé sur ce drame, Stéphane Neerputh, le frère de Jimmy, confie que son frère était éperdument amoureux d’Anaïs. «Les deux s’aimaient beaucoup. Mais je ne sais pas ce qui a bien pu se passer entre eux. Il n’a jamais été violent devant moi. On s’appelait de temps en temps. Mais nous n’étions pas vraiment en contact.»
Quoi qu’il en soit, Jimmy a bel et bien avoué avoir tué celle qu’il disait aimer avant d’essayer de se donner la mort. Une tragédie que Jonah et les siens subissent de plein fouet, eux qui n’oublieront jamais leur petite lumière qui s’est éteinte brutalement.
Le père Eddy Coosnapen, curé de la paroisse de Sacré-Cœur à Beau-Bassin, avec le soutien de Jerry Bauda, Jonathan Arsène et Toussaint André, organise, ce vendredi 4 novembre, une cérémonie en hommage à Anais Jean. Ils donnent rendez-vous à tous ceux qui veulent y participer à 19 heures, devant le centre de Cité Barkly, pour ensuite se rendre chez la famille de la victime pour une cérémonie afin de dire non à la violence et aussi aux autres fléaux qui dominent la société. «C’est la jeunesse qui est en deuil. Il faut qu’on se penche sur les vrais problèmes de la société et qu’ensemble nous trouvions des solutions. Je suis de tout cœur avec la famille et je vais leur apporter tout mon soutien», a déclaré le père Coosnapen.
Il a pris la poudre d’escampette après avoir accompli sa sale besogne. Et c’est la police de Coromandel qui l’a capturé peu de temps après dans cette même localité où il avait tenté de mettre fin à ses jours par pendaison. Arrêté par la police, il a fini par passer aux aveux en expliquant qu’il avait été pris de colère lorsqu’Anaïs Jean a refusé de lui donner le code d’accès de son cellulaire. Toutefois souffrant de maux de ventre, il a été admis à l’hôpital de Candos dans la soirée du mercredi 26 octobre. Depuis, il a été placé à la High Security Unit de l’hôpital psychiatrique Brown-Sequard.
Publicité