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15 mai 2023 20:36
Dans leur tête, c'est l'euphorie. Dans leur cœur, un trop-plein d'émotions. Entre larmes, rires et bonheur, la semaine écoulée a été particulièrement intense pour Nesrine Akrime-Boukaabar, 30 ans, et Pushpa Rungen, 71 ans, connue comme Babi. Après 25 ans et un avis de recherche lancé sur Facebook, un peu comme une bouteille à la mer, la jeune Française, qui était en lune de miel dans notre île (depuis, elle a regagné la France avec son époux), a pu retrouver sa Babi, la nounou qui la gardait quand elle était petite mais qui avait dû la quitter pour rentrer à Maurice.
Tout est parti d'un message posté sur Facebook : «Bonjour... En vacances à Maurice actuellement, j'en profite pour rechercher ma nounou d'enfance nommée Babi. Nous habitions dans le même immeuble à Levallois Perret, au 16, rue Carnot, tu m'as gardée de nombreuses années et tu gardais parfois un petit garçon nommé Christopher aussi dans mes souvenirs. Je sais que ça n'a pas été facile et que tu as dû rentrer à Maurice car tu n'as pas réussi à avoir tes papiers. Si vous connaissez Babi ou qu'elle fait partie de votre famille, je serai ravie de la voir presque 25 ans après... Nesrine qui te remercie d'avoir été une nounou incroyable...»
Puis, tout s'est enchaîné. Le visage souriant et les yeux pétillants, installée aux côtés de son époux Samir, dans le cadre idyllique de l'hôtel C Mauritius à Palmar, c'est avec beaucoup d'émotions que Nesrine, à quelques heures de prendre l'avion pour rentrer en France (ils sont partis ce jeudi 11 mai) est revenue sur son histoire avec sa nounou.
«Babi, ma nourrice, m'a gardée pendant 3 à 4 ans, en France. Mon père travaillait de nuit à ce moment-là et ma mère commençait très tôt le matin. C'est Babi qui faisait le relais entre les deux. Elle m'avait beaucoup marquée et elle a laissé une trace dans ma vie. Comme je me trouvais à Maurice et que je me suis rappelée qu'elle était mauricienne, je me suis dit, pourquoi ne pas essayer de la retrouver», nous raconte Nesrine, du soleil dans la voix, en revenant sur toutes ses démarches pour retrouver cette dame pour qui elle a beaucoup de gratitude. «La séparation avec ma nounou quand j'étais enfant m'a touchée. Je me suis retrouvée du jour au lendemain sans Babi. Quand j'étais avec elle, je me sentais bien. Il y avait définitivement un lien entre nous. Quand je fais appel à mes souvenirs, je me souviens, surtout, qu'elle était d'une grande douceur et avait une grande tendresse envers moi. Elle a été comme une autre maman pour moi. C'est une femme exceptionnelle. Je me souviens aussi que je lui disais dans mon langage d'enfant : ''Babi, t'es foncée.''»
Et c'est pour toutes ces raisons, portée par l'amour, que la jeune femme a tenté le tout pour le tout afin de la retrouver le temps de son séjour dans notre île. «J'ai pensé à mettre une publication sur Facebook sur la page Vacances à l'île Maurice, pour lancer une recherche, pour voir si cela pouvait me mener à Babi. Au départ, je n'y croyais pas du tout. Je me suis dit que je lance une bouteille à la mer et que si je la trouve, c'est génial, et que j'allais bien évidemment être très heureuse. Au cas contraire, en cas d'échec, au moins, j'aurais essayé. Je voulais vraiment savoir si elle était en vie et en bonne santé. C'est donc deux jours après notre arrivée, soit le jeudi 4 mai, que je décide de publier mon message.»
Nesrine et son époux étaient loin de se douter que la publication allait autant intéresser les Mauriciens, allant jusqu'à déclencher un véritable buzz et de la sympathie autour de cet avis de recherche. «C'est allé très vite. Tout ce qui a suivi la publication sur Facebook a été une belle surprise. Tous ces partages, ces ''j'aime'', ces commentaires et ces messages privés... C'était incroyable ! Ça a eu un buzz exceptionnel ! On ne s'attendait pas à cela», poursuit la Française pour qui les derniers jours ont été très intenses : «Bien évidemment, on a reçu des messages qui, au final, ne correspondaient pas et qui menaient à rien. Puis, il y a eu ce message de Carine, une proche de Babi, qui a tout accéléré. Au départ, j'étais sur la réserve car on avait eu, avant, tellement de messages qui n'ont pas donné de résultats, ce qui me faisait être méfiante. J'avais des souvenirs précis et des éléments déclencheurs qui, pour moi, rendaient Babi identifiable. Et certaines informations qu'on recevait ne collaient pas. Ce qui fait aussi que j'ai eu de faux espoirs. Mais quand Carine nous a contactés, en privé, et quand on a vu que les informations et les photos échangées correspondaient, je me disais qu'on avançait dans la bonne direction. J'avoue qu'au début, j'étais un peu perplexe mais tous les doutes se sont envolés quand Babi m'a appelée. J'ai tout de suite senti que c'était elle. Elle m'a dit qu'elle ne savait pas utiliser Facebook mais elle m'a envoyé deux photos de cette époque. J'ai partagé les clichés avec mes parents qui n'ont pu que confirmer qu'on avait retrouvé Babi.»
Le reste n'a été que du positif. Et ce n'est pas Samir, l'époux de Nesrine, qui l'a suivie et épaulée dans cette entreprise, qui dira le contraire : «Évidemment, j'ai suivi et accompagné Nesrine dans sa démarche. Et j'ai surtout conduit. J'avais pris une voiture et ça a été toute une aventure d'aller justement sur les routes à l'île Maurice jusqu'à Montagne- Blanche. On s'est perdus, puis la conduite à gauche a aussi été un gros défi. Tout cela a surtout été l'occasion d'en apprendre plus sur ma femme et sur son histoire...»
La jeune femme est encore émue par les retrouvailles. «Une fois chez Babi, ça a été incroyable. On a vécu de belles découvertes avec aussi beaucoup d'émotions. Elle a été très chaleureuse, sa famille aussi. On a ressenti quelque chose de très fort», confie Nesrine, les yeux remplis d'étoiles. «Aujourd'hui, Babi a 71 ans. Elle a quelques soucis de santé mais a une excellente mémoire. Elle s'est rappelée ces années et on a remonté les souvenirs ensemble. Son récit nous a aussi déchiré le cœur parce que son retour à Maurice s'est fait dans des conditions un peu compliquées. Elle nous a dit que cela l'avait rendue malheureuse mais qu'elle avait pu par la suite rebondir et reprendre le cours de sa vie. Je suis très heureuse d'avoir pu la voir et être entourée de sa famille. Elle avait aussi cuisiné du poulet pour nous et ça nous a touchés.»
Du côté de Montagne-Blanche, Pushpa ou plutôt Babi est aussi très secouée par ces retrouvailles. «Nesrine était encore bébé quand j'ai commencé à la garder. Je me souviens très bien de cette période de ma vie. J'ai été très heureuse de la revoir et surtout de savoir qu'elle a fait toutes ces démarches pour me retrouver. Et je suis aussi très contente de savoir que j'ai marqué la petite fille qu'elle était. Je ne m'attendais vraiment pas à vivre cela. J'ai été touchée, émue. Mo larm koule kan mo repans nou retrouvay. Je me sens fière de voir que mon bébé est devenu une belle jeune femme et qu'elle est également très gentille. Je sais qu'elle s'appelle Nesrine et je sais qu'elle est maintenant une jeune adulte, mais je n'ai pu l'appeler autrement que bébé. À l'époque, je l'appelais ainsi. On va garder contact. Linn gagn enn rekonesans pour mwa. Je n'ai pas d'enfant mais Nesrine m'a comblée à travers son geste. Je ne vais jamais oublier ce qu'elle m'a permis de vivre», nous déclare la septuagénaire qui est toujours en train de réaliser ce qui vient de se passer dans sa vie.
Nesrine et Samir n'ont pas manqué de remercier les Mauriciens pour leur soutien via Facebook. Ils ont alors recueilli une avalanche de messages bienveillants. «Cette solidarité est incroyable. On remercie vraiment les Mauriciens de nous avoir permis de vivre tout cela», ajoute Nesrine. C'est ce jeudi 11 mai que le couple a quitté l'île avec des souvenirs plein la tête. «On repart avec la tête chargée de souvenirs et riche d'une belle expérience. On rentre en France heureux d'avoir pu retrouver Babi. Certainement, on va garder contact et on va continuer à nourrir notre relation. Ça ne va pas s'arrêter là. Ça ne pouvait pas mieux finir», conclut Nesrine dont l'histoire a eu droit à une fin heureuse...
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